Dominique: un saint discret

Dominique a beau être le fondateur de l’Ordre des prêcheurs (des «dominicaines» et des «dominicains»), il est pourtant un saint discret. On ne conserve de lui presqu’aucun écrit. Son contemporain, saint François d’Assise qui a vécu comme lui au début du XIIIè siècle, est bien plus populaire.

Par Jacques Benoît Rauscher, OP, pour cath.ch

En cette année 2021 – où nous célébrons le 800è anniversaire de la mort de Dominique – cette discrétion est encore manifestée! En effet, la plupart des célébrations et autres pèlerinages qui avaient été prévus n’ont pu avoir lieu en raison de la pandémie… et la fête de saint Dominique, célébrée le 8 août, est cachée par un dimanche! Saint Dominique a bien quelque chose à nous dire aujourd’hui.

Tout d’abord, Dominique est un homme d’institution, dans le bon sens du terme. Pratiquement rien de ce que saint Dominique a écrit ne nous est parvenu. Mais la grande chose que l’on retient de lui est qu’il a fondé un Ordre – l’ordre des prêcheurs – et a eu immédiatement le souci de faire reconnaître ce dernier par le pape. Par ailleurs, cet ordre est marqué – aujourd’hui encore – par une forme de démocratie interne et une rotation dans les charges de gouvernements.

Un prêcheur, pas une superstar

Dominique avait conscience que l’écoute de la parole des frères, y compris des plus humbles, est une nécessité et qu’un supérieur, même très avisé, ne peut pas tout décider. Alors que nous déplorons ces dernières années de multiples abus, liés à des personnes manipulatrices qui ont cherché à mettre en avant leur propre charisme pour enchaîner les autres, saint Dominique nous rappelle que tout prêcheur de l’Évangile n’est pas une superstar. Il est une pierre dans ce temple qu’est l’Église, baptisé parmi d’autres baptisés.

Ensuite, Dominique est un homme à l’écoute des besoins du monde. Avant de fonder l’ordre, on rapporte qu’il avait vendu tous ses livres pour nourrir les pauvres lors d’une famine en Espagne. De la même manière, prêtre espagnol traversant le Sud de la France actuelle, il se laisse saisir par le manque de formation de la population et du clergé et entreprend de prêcher avec précision la foi de l’Église.

Prédication de saint Dominique à Recanati, par Lorenzo Lotto. Huile sur panneau, 1508 | Domaine public

«Les signes des temps»

Le saint espagnol est un homme qui a le souci d’écouter ce que l’on appellerait aujourd’hui «les signes des temps» et d’y lire un appel de Dieu. Il sait que l’Évangile ne change pas, mais que notre manière de le comprendre est éclairée par l’histoire singulière dans laquelle nous sommes immergés.

A ceux qui voudraient voir dans toutes les évolutions du monde une manifestation de Dieu comme à ceux qui développeraient une vision refusant par principe tout changement, Dominique rappelle, aujourd’hui comme hier, la nécessité d’écouter Dieu qui parle. Écouter Dieu qui parle c’est écouter la Parole de Dieu qui est la Vérité avec laquelle on ne saurait transiger, mais c’est comprendre que cette Vérité prend consistance si elle est éclairée par les évènements du monde et la vie des personnes.

Des voies innovantes

Cette écoute de Dieu et des besoins du monde est combinée harmonieusement avec le caractère particulièrement créatif de Dominique. Le Castillan est le saint qui ose inventer du neuf pour soutenir la mission de l’Église. Alors qu’il voit que la plupart des missions échouent dans le sud de la France, il a l’intuition de fonder un ordre nouveau, marqué par la pauvreté et un mode de vie centré sur la vie commune, l’étude de la Parole et sa prédication.

L’organisation et la finalité de l’ordre qu’il crée apparaissent très originales au XIIIè siècle. Avec un sens aigu du but qu’il poursuit – faire en sorte que tous les hommes entendent la Parole de salut du Christ – et une solide formation lui permettant de distinguer l’essentiel de l’accessoire, saint Dominique sait trouver des voies innovantes. Ce caractère créatif de Dominique peut, lui aussi, nous stimuler aujourd’hui. Parfois, nous peinons à faire bouger des structures vieillies ou mortes en confondant la permanence de ces dernières avec la solidité de la Parole de Dieu.

Saint Dominique accepte d’inventer une voie nouvelle et assume l’insécurité qu’une telle créativité implique parce que son amour de l’Evangile et son désir de la prédication surpasse sa peur de voir des murs, des statuts ou des organigrammes être remis en cause.

Un homme de prière

Enfin, last but not least, Dominique est un homme de prière. Il fonde ainsi la branche contemplative de son Ordre (celles que l’on appelle les moniales dominicaines, présentes actuellement en Suisse romande à Estavayer-le-lac) avant la branche apostolique. Surtout, on dit qu’il portait toujours l’évangile de Saint Matthieu et les lettres de Saint Paul sur lui et qu’il ne parlait que de Dieu ou avec Dieu.

Ces activités nombreuses n’étaient ainsi pas une succession d’occupations ou de sollicitations dépourvues de sens. Toutes ses riches activités se trouvaient unifiées par la prière. Cet infatigable prêcheur qu’était saint Dominique ne peut que nous inspirer aujourd’hui par sa soif de la prière comme lieu d’unification.

Peu de dominicains entrent dans l’Ordre, parce qu’ils seraient attirés par la figure de Dominique. Mais beaucoup la découvre au fur et à mesure de leur parcours et se rendent compte de son étonnante actualité. Voilà une invitation pour tout croyant en ce huitième centenaire de la mort de saint Dominique. Mettez-vous à l’école de ce saint discret: vous ne le regretterez pas! (cath.ch/jbr/bh)

«Il parlait toujours avec Dieu»
-Vers 1170: naissance à Caleruega, en Espagne, de Dominique Guzman, celui qui «parlait toujours avec Dieu ou de Dieu».
-1197: ordination sacerdotale.
-1213-1214: projet de fonder un nouvel ordre monastique dédié à la prédication.
-1216: approbation officielle du pape Honoré III à l’Ordre des prêcheurs.
-6 août 1221: mort de Dominique Guzman à Bologne.
-1234: canonisation par le pape Grégoire IX.

Rédaction

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