Brésil: la peine de mort en question (010293)
Sao Paulo, 1erfévrier(APIC) La question de la peine de mort est vivement
débattue actuellement dans les médias du Brésil, surtout à la suite du
meurtre, par son partenaire masculin à la TV, de Daniella Perez, une actrice du feuilleton « Corpo e Alma » de la chaîne de télévision Globo. Le journal « Folha de Sao Paulo » vient de publier une interview de Mgr Luciano Mendes de Almeida, président de la Conférence nationale des évêques du Brésil
(CNBB) sur les raisons de l’opposition de l’Eglise catholique à la peine de
mort.
« Folha de Sao Paulo »: Quels sont les principaux arguments de l’Eglise
catholique contre la peine de mort?
Dom Luciano: Nous sommes tous horrifiés par les faits (assassinats de
Daniella Perez et d’une petite fille à Belo Horizonte) que les médias ont
largement diffusés ces derniers jours. Malheureusement, il y en d’autres,
dont on parle moins, en particulier l’assassinat d’enfants et l’élimination
de vies innocentes, sans défense, comme les avortements. Mais la violence
n’a jamais corrigé la violence. Dans la question de la peine de mort, ce
qui nous pousse à être du côté de la vie, c’est la certitude que nous sommes faits pour exister et nous développer pleinement.
Mais il y a deux autres aspects indispensables au débat actuel. Avonsnous l’absolue certitude qu’un crime a été commis en totale et pleine conscience, sans circonstances atténuantes ? Pouvons-nous prouver qu’une personne était totalement consciente de ce qu’elle faisait? Et n’est-il pas
difficile d’exercer une véritable justice dans l’administration des peines,
afin que les personnes qui ont la même culpabilité subissent la même punition?. Malheureusement cette attitude n’existe pas toujours dans notre société.
Par ailleurs, il faut avoir une grande confiance dans la vie pour admettre que des criminels puissent changer leur comportement. Le système carcéral serait pratiquement désespérant et sans issue, si l’on ne donnait pas
une nouvelle chance aux condamnés. De plus, accepter la peine de mort ,
c’est donner l’impression que tuer peut être est un acte moral bon. Au contraire, l’important est de vivre. Il faut trouver le juste chemin pour que
nous cherchions tous, certes une vie qui respecte les lois, mais sans chercher à nous venger par la violence de ceux qui ont utilisé la violence. La
peine de mort nous éloigne de ce respect de la vie.
Folha: La peine de mort signifie donc l’institutionalisation de la violence?
Dom Luciano: Oui, au moins sous un aspect, c’est bien cela. C’est comme
si nous disions devant la faute de quelqu’un: « Il n’y a qu’une seule solution. Il faut en finir avec celui qui a fait une erreur ». C’est ne pas tenir compte d’un possible changement de vie. C’est aller contre toute pédagogie. Nous devons avoir une confiance illimitée dans la possible modification morale d’une personne. La peine de mort serait alors une grande vengeance de la société, sans laisser la possibilité à une personne de se corriger
Folha: Pourquoi êtes-vous opposé à une votation populaire sur ce sujet?
Dom Luciano: Une population qui est aggressée, qui est victime de violence et de séquestres veut la sécurité et être libérée du danger. La chose
la plus importante est travailler pour que ce danger soit écarté. Il ne
s’agit pas seulement de réprimer et de punir, mais d’élimer ce danger à la
racine.
Folha: Vous pensez que la population, aujourd’hui, menacée et appeurée,
dirait oui à la peine de mort?
Dom Luciano: Il est difficile de prévoir le résultat d’une consultation
populaire. Mais il est certain que cette consultation ne conduit pas nécessairement à la vérité, parce que la vérité ne dépend pas d’une majorité,
elle dépend de l’évidence. Si nous avions fait une consultation populaire,
il y a quelques siècles en arrière, pour savoir si la terre tournait autour
du soleil ou le contraire, c’est la deuxième hypothèse qui aurait probablement prévalu.
Le plus important serait de discuter la manière d’améliorer les conditions de vie de la société en vue d’éliminer progressivement la violence.
La peine de mort n’y aide pas. Au contraire elle augmente la violence, futelle légale. De plus elle donne l’impression que tuer est une bonne chose.
Ensuite, elle augmente le degré de la violence. Comme l’histoire l’indique,
les personnes qui utilisent le crime se radicalisent, sachant qu’il n’y a
pas d’autre issue. La société doit, sans se lasser, rééduquer les personnes
pour montrer qu’il y a une issue et continuer à dire qu’on peut s’immuniser
contre la violence et vaincre le sophisme qui dit: « On maitrise la violence
par la violence ».
Folha: Selon vous, la télévision n’est-elle pas pourvoyeuse de violence,
comme dans le cas de l’assassinat de Daniella Perez ?
Dom Luciano: Présenter constamment des crimes et des criminels à la télévision et dans les feuilletons en général, c’est d’une certaine manière
présenter ces personnes comme des sortes de héros ou en tous cas comme des
personnes importantes. Le crime ne doit pas être valorisé. Il n’est pas rare de voir dans des films ou des feuilletons à la télévision que la personne qui agit mal en tire des avantages, de l’argent, de l’audience, de l’importance. Voilà une grande erreur parce que cela donne une fausse échelle
des valeurs pour les enfants et la société. Il s’agit là d’une société de
barbares qui se trouve valorisée par la dimension économique et par la violence qu’elle sous-entend ou qu’elle gère. En insistant trop sur la présentation de crimes, les médias induisent la société à un comportement violent
dès l’enfance. Avec la multiplication de films qui ont une très haute dose
de violence, d’adultères et de pornographie, ils banalisent, voire valorisent le crime lui-même. Tout ceci salit, détruit et affaiblit les propres
fondements de la société. Et n’oublions pas que cette manière de procéder
dure depuis des années…Enfin la TV elle-même se base précisément maintenant sur ce qu’attend la mentalité de notre peuple au sujet de la séparation conjugale, l’infidélité et l’absence de sens moral, pour en rajouter.
L’assassinat de Daniella Perez, l’actrice tuée réellement par son partenaire, peu de temps après avoir joué avec le feu à la télévision, en est la
tragique illustration. (apic/cnbb/ba)
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