Liban: le patriarche maronite appelle l’armée à affronter le Hezbollah

Personnage influent de la politique du pays du Cèdre, le cardinal Béchara Raï s’est servi de son homélie dominicale, le 8 août 2021, pour appeler l’armée libanaise à empêcher les tirs de missile du Hezbollah. «Pas pour la sécurité d’Israël, mais pour celle du Liban.»

Cécile Lemoine/Terresainte.net

Adepte des homélies en forme de diatribe, le patriarche maronite libanais Béchara Raï a renouvelé l’exercice dans son sermon du 8 août, suite à une escalade de violences entre le Hezbollah et Israël. Il est l’un des seuls à pointer du doigt les dérives résultant de l’affaiblissement d’un Etat plongé dans sa plus grave crise depuis la guerre civile des années 1970-1980, qui mène à la montée en puissance du parti chiite financé par l’Iran et dont la branche armée est considérée comme un groupe terroriste par l’Union Européenne.

Le prélat a ainsi appelé l’armée libanaise à reprendre le contrôle du sud du pays, sous la coupe du Hezbollah, afin d’y empêcher les tirs de roquettes vers Israël. «Pas pour la sécurité d’Israël, mais plutôt pour la sécurité du Liban», a-t-il ajouté, estimant que le parti chiite ne s’intéressait pas aux priorités économiques et matérielles des Libanais. Plus de la moitié de la population vient de passer ­au-dessous du seuil de pauvreté.

«Nous ne pouvons pas accepter qu’un parti décide unilatéralement de la guerre ou de la paix, et non le gouvernement de ce pays», a martelé le chef des maronites, critiquant qu’on veuille «impliquer le Liban dans des actions militaires suscitant des réponses israéliennes destructrices». «Il est vrai que le Liban n’a pas signé la paix avec Israël, mais il est également vrai que le Liban n’a pas décidé de lui faire la guerre et il reste engagé par l’accord d’armistice de 1949», a-t-il ajouté.

Critique des dirigeants

La tension est brusquement montée début août suite à des échanges de tirs inter frontaliers et des frappes aériennes israéliennes inédites depuis 2014. La situation s’est davantage détériorée vendredi 6 août, lorsque le Hezbollah a tiré 19 roquettes en direction du plateau du Golan occupé par Israël. L’Etat hébreu en a intercepté 10 grâce à son Dôme de Fer avant de riposter par des frappes d’artillerie. Il n’y a eu ni blessé ni victime.

Depuis le conflit meurtrier de juillet 2006 entre le Hezbollah et Israël, qui avait fait 1’200 morts côté libanais (en majorité des civils) et 160 Israéliens (des soldats pour la plupart), les deux camps évitent tout embrasement, en vertu d’un accord quasi tacite sur les règles d’engagement. La flambée de ces derniers jours coïncide avec une recrudescence des tensions entre l’État hébreu et l’Iran après l’attaque meurtrière d’un pétrolier appartenant à un milliardaire israélien, en mer d’Oman.

Béchara Raï a également attaqué les dirigeants du pays, qu’il a accusé de rester de marbre face à l’effondrement du pays: «Nous demandons aux responsables politiques: comment convaincrez-vous le peuple que vous êtes capables de gouverner, tandis que chaque jour, vous le plongez dans une nouvelle crise? Comment allez-vous convaincre la communauté internationale qu’elle doit vous aider, alors que vous ne vous souciez pas des conférences internationales consacrées au sauvetage du Liban?», a-t-il lancé, amer, avant de presser à la formation d’un gouvernement.

Le patriarcat maronite: un rôle de premier plan au Liban

Ses déclarations ont suscité une vague de critiques sur les réseaux sociaux. A 81 ans, le cardinal Raï est l’une des personnalités les plus influentes du Liban. Le patriarcat maronite a longtemps été un des pôles les plus importants de la vie politique libanaise, concurrençant parfois le pouvoir central, et dans la période plus contemporaine, le président de la République.

«Cent ans après la création du Grand Liban, dans laquelle le patriarcat maronite a joué un rôle de premier plan, Béchara Raï est convaincu que son institution doit être le moteur d’une nouvelle initiative visant à préserver le pays et à construire les bases d’une nouvelle entente», explique Antoine Ajoury, journaliste pour le quotidien libanais L’Orient Le Jour. Depuis le soulèvement populaire d’octobre 2019, le patriarche n’hésite pas à utiliser sa grande liberté de parole en faveur des Libanais.

Dans les réquisitoires hebdomadaires que sont devenues ses homélies, le prélat rappelle avec insistance la position traditionnelle du Patriarcat maronite en faveur de la neutralité du Liban. Un principe aussi vieux que le pays, qui consiste à ne pas entrer dans des guerres internationales et régionales qui, selon lui, n’ont rien à voir avec le pays. (cath.ch/terresainte.net/bh)

Rédaction

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