La montée des egos

Est-ce un dommage collatéral de la pandémie, quand on désire trop ardemment retrouver les habitudes d’avant? Est-ce une victoire du libéralisme économique qui aurait contaminé notre état d’esprit? Il me semble qu’une certaine ambiance s’installe furtivement parmi nous: la dictature masquée des egos.

Bien sûr, il faut accomplir un effort collectif pour sortir du Covid. Mais pas question d’égratigner l’auguste liberté individuelle, brandie sur des étendards tonitruants dans les cortèges de plusieurs contestations. Et la vaccination attendra.

Evidemment, l’heure a sonné de mener une lutte sociétale pour juguler les effets délétères du réchauffement climatique. Mais honni soit celui qui propose des mesures plus concrètes pour promouvoir la sobriété, fût-elle heureuse. Encore la sacro-sainte autonomie personnelle.

Même nos autorités emboîtent le pas d’un certain égoïsme presque national. C’est subtil, et même sournois: quand les autres pays auront fait leur devoir pour accueillir des réfugiés afghans, la Suisse commencera à y réfléchir sérieusement.

«Il n’est pas facile de trouver le bon équilibre entre les exigences liées au respect des droits inaliénables de toute personne humaine et les justes devoirs de solidarité communautaire»

Nous avons peut-être quelques excuses. Le 20ème siècle a si souvent présenté le triste spectacle de régimes autoritaires qui ont foulé aux pieds la dignité des personnes en les écrasants sous d’implacables «raisons d’Etat». On a vu où pouvait conduire le mépris des libertés individuelles sous les tyrannies fascistes, nazies ou communistes. Les apôtres du respect de ces libertés ont souvent payé très cher leurs refus de céder devant les panzers de la répression politique. Nos relatives libertés actuelles doivent beaucoup aux sacrifices des courageux prophètes des droits humains.

Il n’est pas facile de trouver le bon équilibre entre les exigences liées au respect des droits inaliénables de toute personne humaine, et les justes devoirs de solidarité communautaire sans lesquels la vie sociale n’est plus possible, sauf à tomber dans les méchants délices de la jungle.

En nos circonstances troublées, face à des situations complexes et des injonctions contradictoires, ne serait-ce pas une belle opportunité pour les chrétiens -en donnant la main à tous les autres humains de bonne volonté- de démontrer le bonheur qu’on peut trouver à faire danser ensemble la liberté et la solidarité?

Peut-être faut-il actuellement, compte tenu des épreuves de notre temps, diminuer la fièvre de nos egos pour laisser remonter la température fraternelle de nos égaux.

Claude Ducarroz

1er septembre 2021

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