Evangile de dimanche: Pour toi, qui suis-je?

11 septembre 2001. Vingt ans déjà. Le temps passe, inexorablement, imprimant des pages d’histoires sans retour. Chaque seconde qui naît, s’échappe sitôt conçue et disparaît sans ne jamais plus revenir, nous révélant avec sa mort que nous marchons immanquablement vers la nôtre. Le temps défile, défie et disparaît, comme les tours de Wall Street. Il nous emporte dans son flot, provoque de l’érosion, frotte, altère, jusqu’à venir à bout de nos corps.

Le temps passe et use, nous courbe, laissant des cicatrices et révélant nos fragilités. Plus encore pour ce peuple en exil qui subit les marques dégradantes du temps perdu où chaque heure passée attise en lui la douleur, la nostalgie et les regrets.

Et voici qu’au cœur de ce peuple en déroute, une figure énigmatique – on l’appellera le serviteur souffrant – pointe le doigt sur autre chose. Le serviteur souffrant souffre aussi, mais dans sa douleur il découvre une présence aimante qui lui ouvre un espace sur une dimension nouvelle. Chaque minute avant de s’éteindre commence toujours par se donner.

L’exil emporte au loin, condamne l’intime à la périphérie, bannit le ›je’, condamne au vide, Le serviteur prophète choisit d’assumer, d’accueillir, d’être présent: «le Seigneur m’a ouvert l’oreille, je ne me suis pas dérobé, je ne me suis pas protégé».

«Le corps a beau jouer des mauvais tours, se rabougrir, grincer des dents, gémir de piques douloureuses, il reste le lieu par excellence de l’incarnation et de la rencontre.»

Au moment où la vie inciterait à la démission, au trou de souris, à la diversion ou aux innombrables moyens de ne pas penser, le Dieu de l’incarnation propose des rendez-vous.

Années 20, Galilée:  le Christ fait irruption dans le temps. Dans l’horizontalité de cette ligne qui ne s’arrête jamais, il fait halte et appelle: «Pour vous, pour toi, qui suis-je?»  La question n’attend pas une définition immédiatement dogmatique. Elle invite à l’intérieur: quel face-à-face incandescent désires-tu vivre? Quelle présence amoureuse, quel éblouissement es-tu prêt à consentir dans cette rencontre qui décale et accomplit?

Le corps a beau jouer des mauvais tours, se rabougrir, grincer des dents, gémir de piques douloureuses, il reste le lieu par excellence de l’incarnation et de la rencontre. Jésus frappe à la porte et s’invite dans ce corps balourd qu’il transforme en tabernacle, lui murmurant sa dignité: Pour toi, qui suis-je?»

Des réflexes de prudence frileuse tentent de mettre des limites, de retenir en des lieux connus, d’ajourner l’heure, de préserver les acquis, de sauver la face, Jésus se donne en entier. Excessivement.

12 septembre 2021. Le temps passe, et dans ce temps qui passe, Dieu s’invite.

Didier Berret | Vendredi 10 septembre 2021


Mc 8, 27-35

En ce temps-là,
    Jésus s’en alla, ainsi que ses disciples, 
vers les villages situés aux environs de Césarée-de-Philippe. 
Chemin faisant, il interrogeait ses disciples : 
« Au dire des gens, qui suis-je ? » 
    Ils lui répondirent : 
« Jean le Baptiste ; 
pour d’autres, Élie ; 
pour d’autres, un des prophètes. »    

Et lui les interrogeait : 
« Et vous, que dites-vous ? 
Pour vous, qui suis-je ? »
Pierre, prenant la parole, lui dit : 
« Tu es le Christ. » 
    Alors, il leur défendit vivement 
de parler de lui à personne.

    Il commença à leur enseigner 
qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, 
qu’il soit rejeté par les anciens,
les grands prêtres et les scribes, 
qu’il soit tué, 
et que, trois jours après, il ressuscite. 
    Jésus disait cette parole ouvertement.
Pierre, le prenant à part, 
se mit à lui faire de vifs reproches. 
    Mais Jésus se retourna 
et, voyant ses disciples, il interpella vivement Pierre : 
« Passe derrière moi, Satan ! 
Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, 
mais celles des hommes. »
    Appelant la foule avec ses disciples, il leur dit : 
« Si quelqu’un veut marcher à ma suite, 
qu’il renonce à lui-même, 
qu’il prenne sa croix 
et qu’il me suive. 
    Car celui qui veut sauver sa vie 
la perdra ; 
mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile 
la sauvera. »

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