Messe de Pie V et messe de Paul VI: rupture ou continuité? 2/2

Quels changements concrets le missel de Paul VI a-t-il apporté à la célébration de la messe? Dans ce second article, cath.ch revient pas à pas sur le déroulement de la liturgie. Toujours autour du mot d’ordre de la participation active des fidèles.

En fait, par rapport au missel de 1962, promulgué par Jean XXIII, celui de Paul VI ne comporte pas de changements fondamentaux. Comme l’a voulu le concile, sa ligne est d’une ‘noble simplicité’, au sens qu’il supprime de nombreux doublons, gestes et prières ajoutés au cours du temps. Une sobriété que l’on retrouvera dans les vêtements et les objets liturgiques, aussi bien que dans l’aménagement et le décor des églises, ou encore la musique. Les prières récités par les servants de messe (ou ministres) sont remises à la voix de l’assemblée.

Une des différences importantes entre les deux formes est l’apparition de la messe dialoguée comme un mélange entre la messe lue et la messe chantée. L’ancien rite distingue en effet la ‘messe basse’ dans laquelle toutes les prières figurent, mais sont uniquement lues, de la messe chantée (missa cantata). Une messe chantée est une messe solennelle (ou messe haute) lorsqu’elle est célébrée avec l’assistance d’un diacre et d’un sous-diacre.

Lorsque le peuple est assemblé

Si la messe commence toujours par la procession d’entrée suivie du signe de croix, les prières au pied de l’autel sont remplacées par la salutation liturgique et une préparation pénitentielle (confiteor) simplifiée.

Dans la messe de Paul VI, les prières au pied de l’autel ont disparu

Le chant du Gloria, dont certains liturgistes avaient prôné la suppression à cause de son caractère répétitif, est maintenu par respect de la tradition, surtout musicale, qui lui est attachée.

Après une oraison, alors que l’ancien missel ne prévoit que l’épitre, le nouveau impose pour les dimanches et les fêtes deux lectures, dont généralement une de l’Ancien Testament, entrecoupées d’un Psaume qui remplace, pour les messe lues, le graduel (hymne grégorienne maintenue pour les messes chantées). Le chant de l’alleluia et la lecture de l’Evangile suivent. Selon la prescription du Concile qui ordonnait de lire au peuple la partie la plus importante des Saintes Ecritures, l’ensemble des lectures du dimanche est désormais réparti sur un cycle de trois ans (A,B,C) au lieu du rythme annuel précédent.

L’homélie remplace le sermon

Le sermon, volontiers assimilé à une leçon de morale ou de catéchisme dans l’ancien rite, devient l’homélie qui doit expliquer un aspect des lectures. Après le Credo, la nouvelle liturgie réintroduit la prière des fidèles ou prière universelle où l’assemblée prie aux intentions de l’Eglise et du monde. Le rite de l’offertoire est largement raccourci et simplifié.

Retour de prières antiques

Lectrice à la chapelle de La Longeraie à Morges, lors de la messe télévisée en Eurovision, le 25 décembre 2020 | © Bernard Litzler

C’est surtout sur le Canon de la messe que les changements sont les plus sensibles. La nouvelle liturgie offre un choix élargi de préfaces.

À l’unique prière eucharistique jusque-là admise – le Canon romain, qui devient la première prière eucharistique – la liturgie de Paul VI en ajoute trois nouvelles qui sont des adaptations de très anciennes formulations. Ainsi la Prière eucharistique II est-elle la transposition quasi-intégrale de la Tradition apostolique de saint Hippolyte de Rome, écrite vers 215. (Pour certains chercheurs la tradition apostolique de saint Hypolite n’est probablement pas romaine, mais antiochienne ou alexandrine ndlr). La Prière eucharistique III emprunte aux traditions gallicane (France) et mozarabe (Espagne), la IV est une adaptation des anaphores orientales, notamment celle de saint Basile. En 1975, Paul VI en ajoutera cinq nouvelles: trois pour les assemblées d’enfants et deux pour la réconciliation.

Le ›dernier évangile’ disparaît

La prière commune du Notre Père suit le canon de la messe. L’oraison du prêtre qui la prolonge est là aussi réduite et simplifiée. Le nouveau rite introduit à cet endroit le baiser de paix. Après la communion du prêtres puis des fidèles, la nouvelle liturgie ne retient plus qu’une seul oraison avant la bénédiction finale et l’envoi. Le ›dernier Evangile» reprenant le prologue de Jean disparaît.

Le latin est-il réservé à l’ancien rite ?

Dans cette réforme la question du latin n’est pas essentielle. Même si l’usage des langue locales s’est imposé presque partout, le latin reste, en quelque sorte, la «langue officielle» de l’Église. Ainsi tout prêtre peut légitimement célébrer la messe en latin selon le missel de Paul VI. Ce qui est d’ailleurs souvent le cas lors de rassemblements internationaux. Le pape François, comme ses prédécesseurs, l’utilise régulièrement.

Tout ce qui, diffère du Missel Romain de saint Pie V, est puisé aux sources les plus anciennes de la tradition occidentale, en particulier dans les sacramentaires romains du premier millénaire, reconnaît la communauté traditionaliste Saint Martin, dans un article sur l’histoire du Missel romain. Avant de conclure «d’où vient, alors, l’idée diffuse chez beaucoup depuis quarante ans, ou même revendiquée d’un bord comme de l’autre, que ce Missel ne serait pas dans la continuité de la liturgie antérieure?»  

La messe reflet d’une théologie

La communion dans la main a été introduite avec la nouvelle messe | DR

En 2007, à l’occasion du motu proprio Summorum pontificum, l’abbé Frédéric Mounier, prêtre du diocèse de Saint-Denis, osait quelques interrogations incisives: «Quelles sont les différentes motivations des fidèles qui n’entendent pas le latin et qui réclament la célébration selon la « forme extraordinaire»? Comment éviter de favoriser le réflexe païen «moins on comprend, plus c’est sacré»? Qu’est-ce que le sacré en christianisme? Pourquoi la demande que la messe puisse être célébrée selon l’ancienne forme vient-elle en bonne partie du milieu francophone, infime partie du catholicisme? Pourquoi d’un milieu sociologique et politique si déterminé? Tient-on compte du fait que le rite est le reflet d’une théologie ?» Avec Traditionis Custodes, le pape François a désormais tranché. (cath.ch/mp)

Maurice Page

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