Homélie du 26 septembre 2021 ( Marc 9, 38-48)

Chanoine Jacques Oeuvray –  Église Saint-Pierre et Saint-Paul, Boncourt

Jésus, heureusement, n’a rien écrit, Chers frères et sœurs. Il ne nous a pas enchaînés, ni sécurisés par un code moral ou des pratiques rituelles. Il nous a laissés un Esprit, un souffle, son Esprit, son souffle, qui ne s’enferme pas, qui ne nous enferme pas mais nous ouvre à tout être humain, au-delà de toutes frontières.

Dans ce qu’on a recueilli de son message, qui n’est autre que sa vie tout entière, on constate que Jésus procède par chocs, éclairs, paradoxes et impulsions et casse ainsi la tentation de faire de lui un Maître et de son enseignement un système.

Ce qu’il dit, ce qu’il accompli, est vitalisant, mais pas pratique : " Si ta main t’entraîne au péché, coupe-là ! " Qu’est-ce qu’on peut bien faire avec une telle parole ?

Un être neuf, intact, émerveillé et émerveillant

Pour Jésus, tout homme, toute femme est un être humain. Il s’adresse à lui par-delà les préjugés de race, de famille, de religion, de moralité et travaille à dégager, sous les gangues sociales et les alluvions du passé, l’être neuf, intact, émerveillé et émerveillant que personne n’avait encore réussi à faire naître.

Comme Moïse déjà qui, loin d’être jaloux de voir l’Esprit, ce souffle de Dieu, s’exprimer par d’autres hommes, prie le Seigneur d’envoyer son Esprit sur tout son peuple.

C’est ce que Jésus va accomplir à travers toute sa vie jusqu’au don de lui-même sur la croix. Pour moi, l’essentiel du christianisme tient dans cette foi, ou mieux, dans cette expérience des ressources limitées d’un homme quand il découvre l’amour et le respect de Dieu pour lui à travers l’amour et le respect de l’autre. C’est pour avoir ignoré cela que des régions et des idéologies s’effondrent sous nos yeux.

Des disciples un peu intolérants

Ce passage de l’Évangile de Marc (9, 38-40) rapporte la plainte des disciples contre quelqu’un qui faisait le bien, mais qui n’appartenait pas à leur groupe. « Jésus les corrige : Ne l’en empêchez pas, laissez-lui faire le bien. Les disciples, sans réfléchir, voulaient se refermer autour d’une idée : nous seuls pouvons faire le bien, car nous avons la vérité. Et tous ceux qui n’ont pas la vérité ne peuvent pas faire le bien » nous dit le Pape François. Dans ce cas, « les disciples étaient un peu intolérants », mais « Jésus élargit l’horizon et nous pouvons penser qu’il dit : si celui-ci peut faire le bien, tous peuvent faire le bien ». Voilà pourquoi « nous avons tous le devoir de faire le bien ».

Cela est aussi « une belle route vers la paix ». En effet, si chacun fait sa partie de bien, et le fait à l’égard des autres, « nous nous rencontrons en faisant le bien ». Et ainsi, nous construisons la « culture de la rencontre ; nous en avons tant besoin ». La pandémie actuelle nous a privés de rencontres et nous en souffrons encore !

Faire le bien « est un devoir, est une carte d’identité que notre Père a donnée à tous, car il nous a faits à son image et ressemblance. Et lui fait toujours le bien » nous dit encore le Pape François.

Sauver en nous l’essentiel : la vie

L’évangile de ce dimanche peut nous choquer avec des formules scandaleuses, à l’emporte-pièce. Lorsque Jésus nous dit de couper, d’arracher, de jeter au loin un de nos membres qui nous entraîne au péché, il montre sa volonté, son désir fou, de nous sauver, de sauver en nous l’essentiel : la vie. Car « il vaut mieux pour toi entrer manchot dans la vie éternelle que d’être jeté avec tes deux mains dans la géhenne ».

En langage psychologique moderne, nous traduirions ainsi ces formules qui choquent notre esprit : « Ne vous laissez pas envahir par vos pulsions partielles ». Vous le savez par expérience, frères et sœurs : lorsqu’on a mal à une dent, on n’est plus qu’une dent !

Tout nous fait mal. Lorsqu’on est en colère, on est tout entier colère. Certains peuvent devenir tout entier " argent " ou " pouvoir «.  Jésus nous dit qu’il vaut mieux couper tout de suite ces tendances, ces pulsions en nous car elles risquent de nous envahir tout entier et de nous étouffer.

Notre foi nous dit que le salut apporté par Jésus n’est pas l’effacement de la dette du péché, mais la reconstruction de tout ce que le péché avait détruit en nous : notre foi et notre amour dans un souffle nouveau.

Et le simple verre d’eau donné à l’un de ces petits, au nom de Jésus, est déjà le début de cette nouvelle construction. Merveilleux appel qui nous déracine ou qu’on étouffe en s’étouffant soi-même.

Après l’avoir rencontré et entendu, on quittait Jésus toujours transpercé par cette lumière sur ce que pouvait être notre vie et sur ce que nous en faisons. Comment allons-nous mettre en œuvre cette parole aujourd’hui dans notre propre vie ? Accueillons le souffle de son Esprit qui nous mettra en mouvement pour vivre pleinement.

26e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
Lectures bibliques : Nombres 11, 25-29; Psaume 188, 8, 10, 12-13, 14; Jacques 5, 1-6; Marc 9, 38-43.45.47-48

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