Mariage pour tous: regards croisés sur une votation

Bastien Eschmann, juriste et catholique jurassien engagé, et le prêtre et blogueur valaisan Michel Salamolard avaient débattu sur le mariage pour tous à cath.ch. Ils reviennent sur le résultat de la votation du 26 septembre 2021, qui fut «un déni de démocratie» pour le prêtre valaisan et «un message fort pour le droit des personnes LGBT», selon le Jurassien.

«Je suis très heureux du résultat de la votation de dimanche. C’est réjouissant!», lance Bastien Eschmann. Le score ne surprend pas vraiment le jeune Jurassien qui a milité pour le ›oui’ au mariage pour tous ces dernières semaines. «Le score est très encourageant. D’autant qu’en Suisse, c’est le peuple qui a voté. Cette évolution n’est pas passé par un organe législatif comme cela a été le cas dans d’autres pays. Cela montre que la population était prête pour ce changement».

Un résultat attendu

L’ampleur du oui ne surprend pas non plus l’abbé Michel Salamolard. «Ces chiffres étaient attendus. Durant la campagne, le peuple a été saoulé par la propagande du lobby LGBT, très fort dans le domaine de la communication, et qui a insisté sur la dimension de l’amour. Mais qui dirait ›non’ à l’amour? Or on ne votait pas sur l’amour, mais sur le droit», insiste l’abbé valaisan. Il estime que le médias «ont soufflé LGBT» et ont donné la parole au camp du non au dernier moment.

Michel Salamolard admet que les évêques ont été peu présents dans la campagne. «Leur prise de position sur la votation du 26 septembre, publiée en 2020, n’était pas assez claire. Il était donc difficile pour Mgr Lovey de s’appuyer sur ce message pour le moins compliqué».

Le prêtre estime que la CES a commis une erreur en 2019, en ne répondant pas lors de la consultation officielle sur le mariage pour tous.

«J’observe que les référendaires sont entrés tardivement en campagne et ne se sont pas beaucoup montrés. Sans doute, était-ce dû à l’ambiance médiatique et sociétale plutôt en faveur du oui au mariage pour tous», reconnaît Bastien Eschmann. Le juriste admet s’être fait beaucoup de soucis avant le lancement de la campagne. «Mis à part quelques excès, elle n’a été pas aussi difficile que je m’y attendais. Je n’ai pas observé de dérapages. Il y a eu à mon sens beaucoup de respect dans les débats».

Questions de droit

«Avec ce vote, détaille Bastien Eschmann, on ouvre le droit suisse à toutes les réalités de la société et on prend en compte les familles arc en ciel… Qui seraient toujours là aujourd’hui si le non l’avait emporté. Et d’autres familles auraient de toute façon suivi cette voie. Et le gouvernail de cette procédure, c’est le droit de l’enfant qui est aujourd’hui pris en compte dans les familles arc en ciel».

Michel Salamolard voit au contraire dans le résultat du scrutin, «l’introduction de l’arbitraire dans le système juridique suisse». On a, selon lui, ramené des inégalités à des égalités en niant des réalités foncières: «On a gommé des différences fondamentales: celle, biologique, qu’il y a entre une femme et d’un homme pour la procréation. La femme porte l’enfant, l’homme deviendra père par la suite. La différence entre des couples hétérosexuels et des couples gays ou lesbiens devant la procréation. Elle est tout simplement impossible pour eux, malgré tout l’amour qu’ils peuvent se porter et que je ne conteste pas».

«Sans doute en aurait-il été autrement si le Conseil fédéral avait accepté que le peuple se prononce sur la Constitution. Au lieu de cela, nous avons assisté, dimanche, à un déni de démocratie».

Bastien Eschmann reste convaincu «qu’un enfant, tant qu’il est aimé, accompagné, peut se développer sans problème, que ce soit avec deux papas ou deux mamans. Les études que j’ai évoquées dans le débat sur cath.ch restent fiables. Il y a quand même 40 ans de recul depuis les premières familles arc en ciel».

Le prêtre valaisan se dit inquiet pour la suite: «A mon avis, on va vers le don d’ovule et la gestation pour autrui qu’on ne pourra pas refuser, puisque nous avons admis ce principe d’égalité». (cath.ch/bh)

Bernard Hallet

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