Nigeria: l’Eglise salue le programme de réintégration de Boko Haram

Le Nigeria conduit depuis plusieurs années un programme secret de réintégration sociale des membres du groupe djihadiste Boko Haram. L’Eglise catholique locale voit un signe d’espérance dans cette démarche novatrice qui semble porter ses fruits.

Au cours des deux dernières années, plus de 2’000 chefs de Boko Haram et de l’Islamic State of West Africa Province (ISWAP) – une scission de Boko Haram – ont quitté la forêt. Ils travaillent à convaincre d’autres responsables djihadistes de faire de même, rapporte l’agence d’information vaticane Fides le 15 octobre 2021. Le gouvernement nigérian est en guerre depuis 12 ans contre ces mouvements, dans un conflit qui a fait près de 35’000 morts. Les combattants djihadistes se sont rendus coupables de nombreux actes de terrorisme, de massacres et de viols, au nord-est du Nigeria, mais aussi dans les pays frontaliers.

Epuiser les groupes armés de l’intérieur

Le programme mené par les services secrets nigérians s’appelle «sulhu», ce qui signifie en arabe «réconciliation». Le gouvernement central s’efforce de convaincre les dirigeants de Boko Haram et de l’ISWAP d’abandonner la lutte armée et de s’engager sur la voie de la réintégration dans la société.

Celui qui accepte est placé dans un programme de réinsertion financé par le gouvernement. Après un premier tri sur la sincérité du milicien dans un centre spécialisé, ce dernier doit suivre un cours sur les lois du pays, ainsi qu’une thérapie psycho-sociale.

En perdant leurs cadres dirigeants, les mouvements armés s’épuisent de l’intérieur. Une baisse des attaques a ainsi été constatée.

Une impunité qui passe mal

La démarche n’est cependant pas sans provoquer de la résistance dans la population. Tout d’abord, les djihadistes qui reviennent dans des lieux où il y a eu des exactions sont mal accueillis et retournent parfois dans la forêt. En outre, la plupart des participants au programme sont des criminels de guerre. Certains déplorent que ces derniers puissent être réintégrés dans la société sans être jugés et entretenus aux frais du contribuable.

Selon l’agence d’information The New Humanitarian, basée à Genève, un sondage réalisé en 2018 indiquait que près de 60% des habitants du nord-est du pays, où sévit Boko Haram, seraient d’accord de se réconcilier avec des djihadistes repentis si cela permettait d’apporter la paix.

L’espoir d’un tournant

Pour le Père Donatus Tizhe, administrateur du diocèse de Maiduguri, dans l’Etat de Borno (nord-est), «’Suhlu’ est un moyen d’amener les gens à la paix et à la réconciliation. Nous ne savons pas grand-chose à ce sujet car il s’agit d’un programme secret, mais nous avons la conviction qu’il fonctionnera après tant d’échecs». Ces dernières années, de nombreuses tentatives de dialogue et d’amnistie ont en effet échoué. «Le premier objectif doit être de mettre fin à cette guerre et peut-être que cette méthode peut s’avérer la plus efficace», estime le Père Tizhe. « Cela pourrait en tout cas être un tournant et nous avons confiance en Dieu pour que nous réussissions à nous libérer». (cath.ch/fides/ag/rz)

Raphaël Zbinden

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