APIC – Reportage
Se laisser envahir par Dieu
Lorsqu’un évêque africain rencontre un évêque espagnol…
Alexis Dembelé pour l’Agence APIC
Moundasso/Burkina Faso, 12avril(APIC) Quinze religieuses, huit nationalités. Pour rencontrer un microcosme aussi varié, rendez-vous au Carmel de
Moundasso, non loin de la ville de Dédougou, à l’Ouest du Burkina Faso.
Fondée il y a treize ans, la communauté vient de fêter la profession de Soeur Joséphine de l’Annonciation, la première carmélite de la sous-région
Mali-Burkina Faso. L’occasion de mieux faire connaissance avec la maison
sous la conduite de soeur Piedad du Mont Carmel, maîtresse des novices
d’origine nicaraguayenne. Taille moyenne, le sourire permanent et le regard
joyeux, cette religieuse parle de sa fondation avec émotion. Lors du Concile, un évêque espagnol était assis à côté d’un évêque africain…
APIC: Du Nicaragua au Burkina Faso, que de distance pour trouver Dieu?
Piedad: En fait, d’Amérique Centrale je suis d’abord venue au Carmel du Sacré-Coeur à Castillo en Espagne. C’est donc en passant par l’Espagne que je
me suis trouvée parmi les fondatrices de Moundasso.
APIC: Une belle aventure, mais pas toujours facile?
Piedad: Pas vraiment. Mais l’histoire est merveilleuse. Elle remonte à
l’époque de sessions du Concile Vatican II. L’évêque de Castillo et celui
de Nouna-Dédougou (ex-Haute-Volta, actuellement Burkina Faso) se trouvaient
côte à côte dans la basilique St-Pierre. Ils ont échangé sur le manque de
prêtres. L’amitié et le contact entre les deux diocèses étaient lancés.
Quelques années plus tard, des prêtres diocésains espagnols « Fidei Donum »
du diocèse de Castillo fondaient une paroisse à Safané, dans le diocèse
africain. Depuis lors, les évêques ont changé. Mais les liens se sont maintenus. Mgr Zéphyrin Toé, actuel évêque de Nouna-Dédougou, a exprimé son désir d’avoir un monastère de contemplatives chez lui. « Tant que cela ne se
réalise pas, se disait-il, mon Eglise n’est pas complète ».
APIC: Comment s’y est-il pris pour réaliser ce désir?
Piedad:Un jour, Mgr Toé débarque dans notre diocèse espagnol pour recevoir
des soins médicaux. Le diocèse de Castillo compte douze monastères dont le
nôtre. Il demande que des carmélites viennent fonder un monastère au Burkina Faso. A vrai dire cela nous a paru d’abord incroyable. Venir s’installer
en Afrique était pour nous comme une blague. Le climat, la langue, la distance… autant de problèmes qui nous paraissaient insurmontables. Mgr Toé
a continué à insister auprès de notre Mère prieure pendant plusieurs années. Et puis, nous nous trouvions déjà si peu nombreuses dans notre monastère. L’évêque burkinabé nous a finalement lancé: « Femmes de peu de foi,
venez et vous aurez des vocations ».
APIC: Vos hésitations ont-elles continuées?
Piedad: Je peux dire que la grâce de Dieu s’est pleinement révélée. L’autorisation de Rome d’ouvrir un Carmel au Burkina Faso obtenue, six soeurs se
ont mises en route en février 1980. Quatre venaient de notre monastère. Dès
le mois de juillet de la même année, elles étaient toutes remplacées en Espagne. Vraiment Dieu a répondu à notre attente.
APIC: Comment vit-on aujourd’hui au Carmel de Moundasso?
Piedad: Son visage est universel. Il y a quinze carmélites de huit nationalités. Nous sommes cinq Espagnoles, une Française, une Allemande, une Cubaine, trois Togolaises, une Bukinabé et deux Maliennes. Moi-même, je viens
du Nicaragua.
APIC: Racontez-nous une journée au Carmel. Débute-t-elle à 3 heures du matin comme certains le pensent?
Piedad: Notre Mère, Thérèse d’Avila, était une femme très sage. Jamais dans
le Carmel elle n’a voulu que ses soeurs interrompent comme cela leur sommeil. Chez nous, le lever est à 6 heures. Il est suivi de l’Office et de la
prière de louange. Ensuite nous avons l’eucharistie après laquelle nous
restons encore une heure complète en silence. Vous savez que la carmélite
est d’abord une contemplative. A 8h30, nous prenons le petit déjeuner. Puis
chacune va à son travail: jardin, élevage, cuisine. Nous devons travailler
de nos mains pour subvenir à tous nos besoins. Tous les emplois sont assurés par la communauté. Nous n’avons ni boys ni cuisiniers. A 11 heures, les
novices suivent des cours de formation. La prière de l’office de sexte a
lieu à midi, suivie du repas au cours duquel nous écoutons une lecture.
Après la vaiselle, nous nous rassemblons pour la détente jusqu’à 13h45. A
partir de ce moment, chaque carmélite va dans son ermitage. Elle prie, étudie, se recueille. A 15 heures, commence la lecture spirituelle. Les occupations manuelles reprennent à 16 h. Deux fois par semaine, elles sont entrecoupées par une répétition de chant. A 18h30, nous nous apprêtons pour
les vêpres, prolongées par un temps de prière silencieuse jusqu’à 19h45.
Viennent ensuite le souper et la rencontre communautaire. Vigile à 21h, office des lectures et complies. Vous comprendrez qu’après une telle journée,
la carmélite a besoin de repos.
APIC: De quel genre de travail vivent les soeurs?
Piedad: Nous nous occupons de la culture du mil et des arachides. Nous protiquons aussi l’élevage des cochons, des lapins et de la volaille. Cette
année, nous avons récolté plus d’une tonne de pommes de terre sur une parcelle d’un hectare. Nous avons commencé aussi la fabrication d’hosties.
Nous espérons pouvoir servir les nombreuses communautés chrétiennes qui
doivent encore passer commande en Europe.
APIC: Quelle est la spécificité de la vie carmélitaine?
Piedad: La prière à l’école de Thérèse d’Avila et de Jean de la Croix est
celle du pauvre qui se tient devant la richesse de Dieu. Tout se passe dans
une expérience d’union intime avec le Christ qui conduit au Père. Pour que
cette expérience soit possible, il faut accepter de partir comme le prophète Elie sur le mont Carmel, de passer par le désert, d’entrer dans le silence. Là le priant se rend disponible à Dieu seul et peut se laisser envahir par lui. (apic/ad/mp)
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