Lausanne: Décès du Frère Luc Dumas

Le dominicain Luc Dumas, est décédé à Lausanne le 19 octobre 2021, à l’âge de 93 ans. Le fils de l’architecte fribourgeois Fernand Dumas a marqué la capitale vaudoise où il a passé la majeure partie de son existence. Aumônier de jeunesse, peintre, sculpteur, écrivain, philosophe, il a vécu un éloignement de sa communauté, avant une réconciliation apaisante.

Bernard Litzler pour cath.ch

« Dominicain, jusqu’à la mort » : c’est ainsi que le Frère Luc Dumas aimait rappeler la fidélité à son engagement religieux. En délicatesse avec sa communauté, il gardait pourtant, dans son refuge de la rue de Bourg à Lausanne, son costume blanc de frère dominicain. Quand on le questionnait à ce sujet, il répondait: «Je me suis mis à mon compte. Je pratique à domicile».

« Bachu »

Originaire de Romont, le fils de l’architecte Fernand Dumas est né le 16 novembre 1927. Son père, membre du Groupe St-Luc qui militait pour le renouveau de l’art sacré en Suisse romande, est alors en contact avec de grands artistes de son époque, notamment Alexandre Cingria et Gino Severini.

Ce dernier est son parrain quand François (son prénom de naissance) est ordonné prêtre dans l’ordre de saint Dominique, en prenant le prénom de Luc, le 26 mars 1955. Enfant, « Bachu » – son surnom à Romont – avait déjà servi de modèle à Severini en 1934, lorsque celui-ci peignait la fresque de l’église Notre-Dame de Lausanne. Une église réaménagée par son père Fernand. Et François avait également aidé Severini après la guerre, au couvent des capucins de Sion.

Querelle interne

Jeune dominicain, Luc Dumas est nommé aumônier des étudiants au Centre universitaire catholique du Boulevard de Grancy, à Lausanne. Dès la fin des années 1950, ses talents artistiques se déploient, notamment dans la confection de cartes postales vendues à la sortie des églises.

Mais les tourbillons œcuméniques des années 1960 lui coûteront sa place. Il fait les frais d’une querelle interne sur fond d’essais de nouvelles liturgies pour la jeunesse. Le Père Dumas, défenseur du cardinal Journet qui avait fustigé ces eucharisties interconfessionnelles, est rabroué par certains confrères. Il est obligé de quitter sa communauté et de vivre de ses propres ressources, trouvant dans l’art un refuge bienvenu.

Luc Dumas dans son appartement-atelier | © Bernard Litzler

«Sans un sou en poche, il avait créé des statues de bronze d’une étonnante qualité artistique, détaille son ami Jean Ducrest. Il les vendait pour subvenir à ses besoins et se payer les cours à l’université afin d’acquérir les papiers nécessaires pour pouvoir enseigner dans des collèges.»

Romont et ses «nuages d’encens»

Devenu professeur de philo au collège Regina Pacis à Saint-Maurice, il va briller dans l’exercice. Une ancienne élève, Marie-Pierre Zufferey, se souvient de ses cours magistraux : « J’y ai découvert les syllogismes, les thèses et une façon rigoureuse de raisonner, réponse aux objections, ad primum, ad secundum… et conclusion. Puis les anciens Grecs, et ses cours sur le ›moi’, le ›je’, les autres, ces questions que se pose l’adolescent et qui sont développées dans son livre Le Dieu probable ». Des cours qui sont aujourd’hui encore disponibles sur YouTube.

Luc Dumas va également revisiter son passé dans deux livres : Bachu (1983) et Bachu chez les justes (1985), parus chez L’Age d’Homme. Il y décrit avec force détails la ville de son enfance, son milieu familial et social, sa formation religieuse. Sous sa plume enthousiaste, Romont devient « la Jérusalem céleste régionale, une citadelle divine de campagne, flottant sur des nuages d’encens ». Et lorsque le peintre Gino Severini, invité par son père, s’annonçait dans la cité glânoise, il raconte comment « Le Lion d’Or se transformait spontanément en Café de Paris et tout le monde y venait, cravaté du dimanche, le chapeau à la main, le notaire, le préfet, le vétérinaire, le secrétaire communal et le greffier ».

David jouant de la lyre, sculpture de Luc Dumas | © Bernard Litzler

«La vérité»

La recherche intellectuelle et la créativité artistique vont accompagner le grand âge. Avec « une quête incessante, qui a guidé toute sa vie : la vérité », indique Marie-Pierre Zufferey qui l’a soutenu durant ces années.

Des années marquées, vers la fin, par un rapprochement avec les dominicains de la province suisse. « A la clinique Sylvana, où il est décédé, il y avait un esprit dominicain au huitième étage », témoigne Jean Ducrest. Ses obsèques seront célébrées le 22 octobre à 15h en l’église du St-Esprit à Lausanne. (cath.ch/bl)

Rédaction

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