Pascal Bregnard: «La diaconie est au cœur de l’Eglise»

La Journée des pauvres, instituée en 2015 par le pape François, sera aussi vécue pleinement par la diaconie de l’Eglise vaudoise le 14 novembre 2021. Pascal Bregnard, responsable du Département Solidarités de l’ECVD, explique la participation de son service à l’événement et rappelle l’importance de la diaconie pour l’Eglise.

«Dans la diaconie, ce qui est chouette, c’est qu’on vit ce que vivait Jésus, lance Pascal Bregnard. On voit des miracles».

Fort de cette expérience, le responsable du Département Solidarités de l’Eglise catholique dans le canton de Vaud (ECVD) participe à la Journée mondiale des pauvres, fixée le 14 novembre. Pas pour la première fois, car la diaconie catholique cantonale a, chaque année depuis 2016, marqué de diverses façons l’événement organisé par l’association internationale Fratello.

Pascal Bregnard fait partie de la délégation de Vaudois et de Neuchâtelois en route pour Assise, à la rencontre du pape François, qui viendra le 12 novembre dans la cité du Poverello. Le laïc vaudois part avec 12 personnes de la rue et en situation de précarité. Ils rejoignent sur place des centaines de pèlerins internationaux qui rencontreront le pontife.

Un événement international

En parallèle, un autre groupe se met en marche, le samedi 13 novembre, dans le canton de Vaud. Partant de La Sarraz, dans le Gros de Vaud, ils progresseront sur un morceau de la Via Francigena (une route de pèlerinage menant de Cantorbéry à Rome en passant par la Suisse) jusqu’à Cossonay, puis termineront leur périple de 16 km le lendemain à Bussigny, dans l’ouest lausannois. Ils y rejoindront le groupe revenant d’Assise. Une messe est prévue, ainsi que la possible diffusion d’un message du pape.

La démarche à laquelle participent les services de diaconie des cantons de Vaud, Fribourg et Neuchâtel, se place dans un événement international organisé par Fratello, cette année, qui implique des groupes de 50 pays sur cinq continents. (voire encadré).

Cheminer avec les personnes

De telles activités de pèlerinages s’inscrivent complètement dans le principe de la diaconie, qui signifie, dans les Églises chrétiennes, l’institution qui organise la charité envers les personnes fragiles. «Cheminer avec les gens, c’est ce que faisait Jésus, note Pascal Bregnard. La marche en commun ouvre un espace de dialogue, de partage, et c’est une occasion d’éveil spirituel. La diaconie, c’est être avec, prendre le temps de vivre fraternellement avec ceux que le Seigneur nous envoie».

Aumônerie auprès des prisonniers, des mineurs placés, aide aux requérants d’asile et aux personnes de la rue… les activités de la diaconie sont nombreuses et variées dans le canton de Vaud. Le Département Solidarités possède ainsi plusieurs lieux d’accueil et d’hébergement. Notamment le foyer St-Vincent, à Renens, pour les femmes et les enfants.

Des activités pour la plupart gérées en coopération avec l’Eglise protestante, dans des structures communes.

Une tâche immense qui ne serait pas non plus possible sans une «armée» de bénévoles. Pour épauler la vingtaine d’agents pastoraux actifs dans la diaconie, ils sont plus de 700 dans le canton.

Retisser du lien social

Le projet œcuménique «Action parrainage» est l’une des démarches majeures de la diaconie vaudoise. L’idée: aider les requérants à s’insérer, non au travers des institutions, mais avec les habitants eux-mêmes. Une personne vivant en Suisse peut accompagner un requérant/réfugiée, ou même une famille venue d’ailleurs. Un projet d’ampleur, qui mobilise environ 2’000 personnes dans le canton. Les parrains aident souvent pour les procédures administratives, mais le but est surtout que les habitants et les demandeurs d’asile passent du temps ensemble, que ces derniers aient quelqu’un qui écoute un récit de vie souvent difficile.

«La diaconie témoigne du fait qu’avec la foi tout est possible»

L’aide alimentaire est en général un secteur important, surtout depuis l’arrivée de la pandémie. «Si nous n’avons pas vu de longues files d’attente comme à Genève, parce que chez nous l’aide est délocalisée, nous avons distribué, avec l’aide protestante, 2,5 fois plus de nourriture au début de la période Covid », remarque Pascal Bregnard. Sur Lausanne, cela représentait 500 familles aidées par semaine.

Un autre grand projet, baptisé «Ariane» – en partenariat avec Caritas Vaud – permet aux personnes ayant des problèmes de logement d’être accompagnées pour retisser du lien social et, à terme, retrouver leur autonomie.

Le Département Solidarités de l’ECVD fait partie du réseau BAS-SEUIL, qui regroupe les associations qui s’occupent des personnes en précarité. «Nous avons appris à travailler en réseau, explique Pascal Bregnard, également avec le secteur public».

Des résultats étonnants

Des actions vraiment nécessaires dans un pays riche et efficient comme la Suisse? «Il existe toute une pauvreté cachée, comme l’a montré l’augmentation des besoins suite à la pandémie. Mais il y a aussi des gens que l’on ne voit pas dans la rue, ni dans les paroisses, pas forcément démunis, mais qui ont des situations de vie très compliquées», souligne Pascal Bregnard.

Membres de la délégation romande de Fratello (avec au centre Nicolas Buttet) à Rome, en 2016 | © Fratello.org

Pour ces personnes en particulier, l’aide ne peut pas être que financière ou formelle. Car il y a quelque chose de brisé en elles qu’il s’agit tout d’abord de reconstruire, sans quoi les actions ne sont pas efficaces. Une population que la diaconie vaudoise accueille dans ses centres, mais va aussi souvent trouver à domicile.

Avec des résultats «parfois étonnants» à la clé. «Quand on prend le temps d’être avec ces personnes, on arrive à leur faire petit à petit prendre conscience de leurs problèmes. Dirigées vers un lieu d’accueil, elles vont rencontrer du monde, retisser leurs réseaux…Reprennent-elles goût à la vie? Je ne sais pas, mais en tout cas, elles se relèvent». En retrouvant la conscience de leur dignité, elles réalisent de vraies démarches, parfois aussi de foi. Des personnes demandent de partir en pèlerinage, demandent des célébrations, d’autres se font baptiser ou confirmer.

L’Esprit souffle où il veut

Bien sûr, de nombreuses personnes accompagnées sont non-croyantes ou ont peu d’affinités avec l’Eglise. «Malgré cela, je suis épaté de constater tout ce qu’on peut vivre ensemble, et de voir que leur regard change, en même temps que le nôtre, se réjouit Pascal Bregnard. Je suis émerveillé de voir à quel point l’Esprit Saint souffle, et où il veut».

Car pour le responsable pastoral, la diaconie est une pièce maîtresse dans «cette nouvelle évangélisation dont on parle». Elle est même selon lui «au cœur de l’Eglise». «Comme l’a expliqué Benoît XVI dans Deus caritas est (2005), les trois piliers de l’Eglise sont la célébration, l’annonce et la diaconie, et tous sont nécessaires».

Ce sont aussi des dimensions appelées à être réalisées, pas seulement chez les travailleurs en Eglise, mais chez tous les baptisés. «Pourrait-on affirmer que, pour un chrétien, la prière est facultative?».

Les pauvres, «convertisseurs» de l’Eglise

Une diaconie qui parvient à convertir, pour Pascal Bregnard, principalement grâce aux «miracles qu’elle accomplit quotidiennement», et qui témoignent «qu’avec la foi tout est possible».

Cette espérance de renouveau et de transformation est au cœur de la Journée mondiale des pauvres. Un événement de conversion, donc, mais certainement pas que des pauvres. «Les personnes en précarité n’ont pas toujours raison, tout n’est pas simple, admet Pascal Bregnard. Mais ils ont toujours cette capacité incroyable, et dont ils ne sont pas conscients, de nous ramener à l’essentiel de la foi».

Pour le laïc, le 14 novembre n’est ainsi «pas tellement une journée que l’Eglise offre aux pauvres, mais une occasion qu’elle se donne de rencontrer, à travers eux, le Christ. Une rencontre dont elle a, spécialement aujourd’hui, grand besoin». (cath.ch/rz)

Un événement Fratello international

De Notre Dame de Guadalupe (Mexique) à la prison de Fianarantsoa (Madagascar), du sanctuaire de Kibeho (Rwanda) au Bronx de New York, en passant par Le Caire et Cracovie, des fratelli du monde entier se retrouveront les 13 et 14 novembre 2021, rapporte Fratello dans un communiqué.
Le coup d’envoi sera donné par le pape François à Assise le 12 novembre. Il sera entouré de près de 500 personnes démunies issues de délégations européennes, qui représenteront les fratelli du monde entier.
Les groupes présents dans 50 pays sur cinq continents ont prévu des manifestations sur place. Fratello donne l’exemple de Salvador de Bahia, au Brésil, où le groupe organise un grand repas festif et ouverts à tous.
À 15h (heure de Rome) le 14 novembre, les groupes des 50 pays se connecteront pour vivre un temps de prière et de communion, et vivre ensemble la fraternité universelle. RZ

Raphaël Zbinden

Portail catholique suisse

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