Parler de l’Apocalypse

Dans le fatras idéologique actuel, il est difficile pour les chrétiens de trouver des repères solides. Quelles sont les propositions sur la personne et le monde sur lesquelles il est possible de s’appuyer aujourd’hui? En suivant Chantal Delsol, qui vient d’écrire La fin de la chrétienté, il y en a trois que je vais développer ici.

La première est la dignité intrinsèque de la personne humaine. Les chrétiens pensent que la personne est faite à l’image de Dieu. Et cette propriété la place au centre de la création. Le 20ème siècle a réhabilité à juste titre la valeur de la nature et des animaux dans le monde. Sa place centrale ne doit pas faire de l’être humain un prédateur sans éthique, qui considère son environnement comme un terrain de chasse et d’exploitation. Le pape nous l’a abondamment rappelé dans son encyclique Laudato si’. La personne n’est pas toute puissante et doit respecter et aimer les autres créatures. Il ne doit pas davantage déifier les animaux. Les animaux ont une intelligence et des sentiments forts. Ils n’ont pas la responsabilité sur la création que Dieu a donnée à la personne.

La seconde proposition, au moins aussi actuelle que la première, est l’existence de vérités sur les êtres humains et sur le monde. Notre société doute de tout en oubliant que par le raisonnement et l’expérience, la personne peut découvrir des vérités. Elle ne peut faire confiance à son seul imaginaire. On le vit cruellement en ce moment à propos de la vaccination. En s’appuyant sur leur seul vécu ou sur celui de quelques connaissances, certains de nos concitoyens et concitoyennes développent un discours anti-vaccin qui fait fi des enseignements des sciences et de l’expérience universelle. Les chrétiens acceptent qu’il existe des vérités scientifiques, certes toujours fragiles et qui peuvent être périodiquement mises en question, mais qui sont valides à un moment donné du temps.

La dernière proposition est celle d’un temps orienté vers l’avènement de notre Seigneur Jésus. Un chrétien est convaincu que l’histoire a un sens qui nous conduit à la Résurrection. Je relisais ces jours le chapitre 24 de l’évangile selon saint Matthieu qui parle de l’Apocalypse et je pensais à tous ces jeunes qui croient aujourd’hui à la fin du monde et à l’extinction des espèces. Certains ne veulent plus procréer pour cette raison. Or que nous dit cet évangile?

«Il nous faut parler de l’Apocalypse à nos jeunes, qui ont peur de l’avenir»

La fin du monde créé est annoncée par le Christ. Il ne nous dit ni le jour ni l’heure. En second lieu, la fin du monde sera précédée de catastrophes, mais celles-ci ne sont pas la fin du monde. La vie est une aventure qu’il faut aborder avec sérénité et courage. Les catastrophes sont le lot de l’humanité. Cela doit être rappelé à nos jeunes. Une des nouveautés des 20 et 21èmes siècles est que les humains font du mal à la nature dans son ensemble, en plus du mal ordinaire sur ses habitantes et habitants. Pour corriger cela, il y faut une grande volonté personnelle et collective. La désespérance est ici contreproductive.

A rebours de cette succession d’épreuves, la fin du monde ne sera pas progressive, mais brutale. Elle nous saisira en un éclair, à un instant donné sans crier gare en séparant les brebis des boucs, comme le dit l’Evangile. Les brebis auront pris soin de Jésus et de leurs frères et sœurs, les boucs non. «J’avais faim, j’avais soif, j’étais malade, prisonnier et vous m’avez soigné et accueilli», nous dit Jésus. La marche à suivre est claire jusqu’à ce moment. Mais cette brutalité de l’évangile de Matthieu ne doit pas faire oublier l’essentiel: le retour de Jésus pour nous accueillir dans son amour.

En relisant cet évangile, je regrettais que l’Eglise parle aussi peu de l’Apocalypse aujourd’hui. Elle présente souvent ce texte difficile comme un développement historique marqué par la chute du temple de Jérusalem ou comme une vision imaginaire. Or il s’agit de la vérité de l’Evangile. A nous de la méditer et de la faire nôtre. Il nous faut parler de l’Apocalypse à nos jeunes, qui ont peur de l’avenir, en réaffirmant que le changement climatique n’est pas la fin du monde. Il est le fruit d’une recherche de gain à tout prix qui doit être corrigée. Cette forme de capitalisme prédateur n’a plus d’avenir. Certes l’avidité des hommes et des femmes d’argent va provoquer des catastrophes. Mais celles-ci ne seront pas le dernier mot de l’histoire. Ce dernier mot appartient à Dieu.

Jean-Jacques Friboulet

17 novembre 2021

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