Fr. Emmanuel Durand o.p., Couvent Saint-Haycinthe, Fribourg
« Adam, où es-tu ? »
Cela fait si longtemps que Dieu cherche à nous rencontrer. Depuis l’aube des temps, Dieu appelle l’être humain. Fais-moi entendre ta voix, lui dit-il ! Quel nom donnes-tu à toutes mes créatures ? Et après quelques temps, le temps de l’adolescence et celui de la faute : Adam, où es-tu ? Caïn, qu’as-tu fait ?
L’homme n’est pas la seule créature que Dieu appelle. Au commencement du monde, il a appelé les étoiles par leur nom et elles se sont présentées, toutes frémissantes de joie. Dieu appelle toutefois l’homme d’une façon spéciale et j’oserais dire, d’une façon amoureuse. Il l’appelle sans se lasser, alors que devant nos légèretés et nos insolences, Dieu aurait eu mille fois de bonnes raisons de renoncer.
La parole originelle : c’est le Verbe de Dieu
Mais la parole de Dieu est éternelle. Au commencement était le Verbe, la Parole de Dieu qui appelle toute créature à l’existence et qui appelle l’être humain au salut. Où es-tu ? dit Dieu à Adam au jardin, juste après la faute. Qui parle alors ? C’est Dieu lui-même. Et quelle est cette parole originelle, primordiale ? C’est le Verbe de Dieu en personne. Il est l’appel créateur et l’appel sauveur, une unique parole éternelle de nouveauté et de salut.
Depuis les origines cachées de notre humanité, il est venu dans le monde, chercher et sauver ce qui était perdu. « Rien ne s’est fait sans lui »… « En lui était la vie »… « Il était la vraie lumière qui éclaire tout homme »… « Il est venu chez les siens »… Combien de fois est-il venu, depuis ce premier appel, cette première conversation ! Oui, Dieu nous cherche et nous appelle.
Et il a choisi de ne pas le faire seulement d’en haut ni de loin, pas seulement à l’intime de nos cœurs et de nos consciences, mais sur notre terrain, dans notre chair, avec une voix humaine, par des gestes bien concrets… en prenant place à nos banquets de mariage, à nos tables de publicains, à nos vies profanes et à nos activités trépidantes, à nos soifs et à nos fatigues.
Le Verbe s’est remis entre nos mains
Le Verbe s’est fait chair. L’appel s’est fait humain, en commençant par être un tout-petit, un nouveau-né. Il a choisi d’habiter parmi nous, de converser avec nous, de se mêler aux pécheurs que nous sommes. Il a choisi de naître d’une femme, hors d’une maternité, en plein champs, migrant parmi les pauvres, sous les étoiles frémissantes de joie à ce jour nouveau… attendu depuis l’aube des siècles.
Le Verbe fait chair s’est remis entre nos mains : d’abord, aux soins de Marie, à la protection de Joseph, au souffle de l’âne et du bœuf, à la parole des bergers, à l’adoration des mages. Il s’est aussi exposé, d’emblée, à la duplicité et à la folie d’Hérode. Il est passé de bras en bras, d’abord pour être réchauffé, cajolé et contemplé… puis de mains en mains, jusqu’à être un jour menotté, flagellé, battu, crucifié, descendu de la croix. Tout cela, en nous regardant droit dans les yeux pour nous dire : Adam, où es-tu ? Caïn, qu’as-tu fait ? Marie, pourquoi pleures-tu ?
Il a choisi de nous appeler encore et encore : ma créature, mon ami, ma sœur, mon frère, où es-tu ? Moi, dit-il, « je suis venu pour que le monde ait la vie, et la vie en abondance ». Moi, dit-il, « je suis venu chercher et sauver ce qui était perdu ». Et toi, que veux-tu vivre maintenant ? Moi, « je suis venu » parmi vous « pour rendre témoignage à la vérité », pour faire entendre la vérité de votre appel, le sens véritable de vos vies sous le regard du Père.
Oui, la Parole éternelle du Père est venue dans notre chair pour nous réapprendre dans le concret, sur notre terrain, avec des gestes humains, au cœur de nos défis, de nos hésitations et de nos désespoirs, à être fils et filles de Dieu. Habitons la donc, cette si belle vocation que Dieu nous offre : être frères et sœurs du Fils unique en notre chair pour apprendre de lui, au pas à pas, au jour le jour, comment être de vrais enfants de Dieu.
NATIVITÉ DU SEIGNEUR – Messe de jour
Lectures bibliques : Isaïe 52, 7-10; Psaume 97, 1.2-3ab, 3cd-4, 5-6; Hébreux 1, 1-6; Jean 1, 1-18
https://www.cath.ch/homelie-du-jour-de-noel-25-decembre-2021-jn-1-1-18/