Les prélats de la «galaxie africaine» du pape François

Beaucoup sont dénichés au «bout du monde», certains sont charismatiques, d’autres en mission en «terres de minorités». Mais ils partagent tous avec François de nombreuses qualités, dont l’humilité: les cardinaux Ambongo, Kambanda, Nzapalainga, Tsarahazana, López Romero ou les évêques Sidrak et Antoniazzi. Tour d’horizon de la «galaxie» du pape en Afrique.

Le Conseil des cardinaux s’est réuni pour la dernière fois les 13, 14 et 15 décembre 2021 à la Résidence Sainte-Marthe, autour du pape François. Dans ce «gouvernement de l’Eglise», le cardinal Fridolin Ambongo tient une place de choix.

Octobre 2019, basilique Saint-Pierre. L’archevêque de Kinshasa était parmi les treize nouveaux princes de l’Eglise qui défilaient pour recevoir des mains du pape la barrette cardinalice. Quand est arrivé le tour de Fridolin Ambongo, François lui a murmuré, enthousiaste, quelques mots. Dans la foule, un chef d’Etat, Félix Tshisekedi, ne cachait pas son émotion.

«L’oreille» de François en Afrique

Le président de la République démocratique du Congo (RDC) ne pouvait pas rater une telle occasion, car Fridolin Ambongo, un capucin de 61 ans, est l’un des hommes les plus influents de son pays.

Il a fait son entrée en 2020 dans le très restreint Conseil des cardinaux, regroupant 9 collaborateurs autour du pape.

Fridolin Ambongo est «l’oreille» du Saint-Père en Afrique. Si son prédécesseur, le très redouté cardinal Monsengwo Laurent Pasinya (décédé en juillet 2021), avait obtenu de François de renoncer à un voyage programmé à Kinshasa en 2018 à cause de l’obstination du président Kabila à s’accrocher au pouvoir, le cardinal Ambongo a entretenu le statu quo. Et ce malgré l’insistante invitation du gouvernement congolais lors de la visite du nouveau président Félix Tshisekedi à Rome en janvier 2020.

Turkson, l’atout écologique

Tout comme le prélat congolais, le Ghanéen Peter Turkson, 73 ans, qui a présidé de 2016 à décembre 2021 le dicastère pour le service du développement humain intégral, est un intime de François. Avec Antoine Kambanda (Rwanda), Jean Zerbo (Mali) et Dieudonné Nzapalainga (Centrafrique) – les «étoiles polaires» de la galaxie tropicale de l’évêque de Rome – il a comme caractéristique une profonde humilité.

Le cardinal Dieudonné Nzapalainga, archevêque de Bangui, en République centrafricaine ¦ © Jacques Berset

S’il a fait parler de lui comme un papabile sérieux lors du conclave de 2013, en novembre 2015 Peter Turkson a conduit la délégation du Vatican à la COP21 à Paris. Plus tôt, il a été l’un des consulteurs du pape sur l’écriture de Laudato si’, la plus écolo des encycliques parue la même année.

Soutenu par la France, le cardinal Turkson exigera «un accord contraignant» sur le climat. François Hollande remerciera d’ailleurs la conférence épiscopale française pour la contribution du Saint Siège à la réussite de cette conférence internationale sur le climat qui aura enclenché le plus d’avancées historiques.

Le «Bergoglio» de Centrafrique

Un autre cardinal africain avec lequel le pape s’entretient longuement sans jamais s’ennuyer est Dieudonné Nzapalainga. Par sa sobriété et ses contacts permanents avec les plus pauvres, l’ordinaire de Bangui rappelle à l’Argentin ses années en tant qu’archevêque de Buenos Aires. C’est lors d’un périlleux voyage en Centrafrique, en novembre 2015, que le pape a découvert ce spiritain. Un an, jour pour jour, plus tard, il l’a créé cardinal. Le réseau africain du pape est ainsi composé d’évêques qui lui ressemblent.

Trio de «franciscanistes»

Le Mali, pays majoritairement musulman, n’avait jamais rêvé d’un cardinal. Idem pour le Rwanda, petit état enclavé de l’Afrique de l’Est. Jean Zerbo et Antoine Kambanda sont les premiers cardinaux de leurs pays respectifs. Désiré Tsarahazana a été le quatrième Malgache à entrer dans la dignité cardinalice.

Ce trio a en commun d’être ce qu’on appelle désormais, dans les coulisses du Vatican, les «franciscanistes». Ils sont, à l’image du pape, «modestes, sobres et plein d’humour», dit-on. Des cardinaux comme eux, l’Eglise en compte de plus en plus, qui sortent des critères classiques.

La tradition des diocèses connus comme sièges cardinalices est bousculée par ces «franciscanistes», venant de pays qui possédaient jusqu’à maintenant pas ou peu de cardinaux. Une tendance qui sort de l’ombre des personnalités simples, comme un appel du pape à retourner aux sources de l’évangile. N’a-t-il pas dit, lui-même, au soir de son élection, que les cardinaux sont allés le chercher «au bout du monde»?

Le cardinal ghanéen Peter Turkson dirigeait le Dicastère pour le développement humain depuis 2016 | © Raphaël Zbinden

Ces prélats jadis inconnus font désormais partie des visiteurs du soir de François. «Après la libération de Gloria Cecilia Narvaez (religieuse colombienne otage de groupes islamistes au Mali, ndlr), le pape a longuement parlé avec son ami le cardinal Zerbo», indique un habitué des visiteurs du soir de la Maison Sainte Marthe.

En terres de minorités

«A chacune de mes rencontres avec le pape, je l’invite à nous visiter ici», confesse Illario Antoniazzi. A l’archevêché de Tunis, l’ancien prêtre du patriarcat latin de Jérusalem croit de moins en moins, à 73 ans, à une visite de François.

Mais pour l’unique évêque de Tunisie, «le pape porte une attention particulière aux églises en terre de minorité» et le reçoit «chaque fois que possible». François a une passion pour ces pasteurs à la tête de communautés minoritaires et ne s’en cache pas. «Il veut tout savoir sur notre quotidien», laisse-t-il entendre.

Une Eglise africaine en forte croissance

L’élévation au cardinalat de l’archevêque de Rabat en est une illustration. D’ailleurs Mgr Cristóbal López Romero recevra au Maroc le pape en mars 2019, avant d’être créé cardinal quelques mois plus tard. Avec Antoniazzi et López Romero, Mgr Ibrahim Isaac Sidrak forme un autre trio avec lequel le pontife «échange régulièrement sur le catholicisme en terre d’islam», confie un prêtre français de la Secrétairerie d’Etat. Primat de l’Eglise copte depuis 2013, le patriarche d’Alexandrie fut un acteur important de la visite du pape en Egypte, en avril 2017. Il fait aujourd’hui encore le lien entre l’évêque de Rome et son ami le grand imam d’Al Azhar, Ahmed el-Tayyeb.

Si François peut, compte tenu de sa santé fragile, difficilement se rendre encore en Afrique, l’Argentin, qui connait si peu le continent, y entretient de fortes amitiés. Et il tient à l’œil cette Eglise qui enregistre la plus forte croissance au monde. Avec 45% des nouveaux catholiques en 2020, le continent est l’avenir de l’Eglise, et François en est bien conscient. (cath.ch/msc/bh)

L’Afrique, une terre qui passionne François
En huit ans, François a visité lors de quatre voyages huit pays en Afrique (Kenya, Ouganda, Centrafrique en 2015, Egypte en 2017, Maroc en 2019, Mozambique, Madagascar et l’Ile Maurice en 2019). Il a ainsi fait deux fois plus de pays du continent que son prédécesseur pour une durée identique de pontificat. Et malgré ses quelques ennuis de santé, le pontife n’a pas renoncé à l’idée de se rendre en RDC et au Soudan du sud. Des voyages cependant considérés comme improbables en 2022. MSC

Max Savi Carmel

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