Le rapport de Munich sur les abus n'épargne aucun dignitaire

Un verdict dévastateur: le rapport de Munich sur les abus sexuels, rendu public le 20 janvier 2022, atteste des erreurs de la part de tous les responsables du diocèse au cours de 75 dernières années. Mais ce sont surtout les passages concernant le pape émérite Benoît XVI qui resteront dans les livres d’histoire.

Christoph Renzikowski, KNA/traduction et adaptation: Raphaël Zbinden

Le «bilan de l’horreur» présenté le 20 janvier par les avocats dans un rapport d’enquête indépendante sur les abus sexuels dans l’archevêché de Munich et Freising comprend quatre volumes et près de 1’900 pages. Les experts ont évoqué la «défaillance totale» d’un système, du moins jusqu’en 2010. Ils n’ont épargné aucun des dignitaires ecclésiastiques, selon eux coresponsables, pas même le cardinal Reinhard Marx ni le pape émérite Benoît XVI.

Des déclarations de Benoît XVI «peu crédibles»

L’avocat Ulrich Wastl a qualifié de «peu crédibles» les déclarations de Joseph Ratzinger sur sa participation et sa complicité dans le cas du récidiviste Peter H., venu d’Essen à Munich en 1980 pour y suivre une thérapie.

Benoît XVI assure, dans une déclaration écrite, qu’il n’a pas du tout participé, alors qu’il était archevêque de Munich, à la réunion décisive de l’ordinariat sur l’accueil de Peter H.. Ulrich Wastl a lu le procès-verbal de la réunion devant les journalistes. Joseph Ratzinger y est cité à plusieurs reprises en tant que rapporteur sur d’autres incidents.

«Aucune connaissance» de trois autres cas

Les avocats reconnaissent également un «comportement fautif» (Fehlverhalten) de la part du pape émérite dans trois autres cas, ce que ce dernier conteste. Il s’agit du transfert de prêtres ayant commis des délits sexuels et qui ont pu continuer à exercer leur activité pastorale ailleurs. Benoît XVI écrit à ce sujet qu’il n’avait «pas connaissance» de leurs agissements passés. Il considère que les manquements sont le fait d’autres «responsables du personnel».

A plusieurs reprises lors de la conférence de presse, Ulrich Wastl a vivement recommandé à chacun de lire la prise de position de 82 pages de l’ancien archevêque de Munich. Elle permet selon lui d’avoir un «aperçu authentique» de la manière dont un représentant de l’Eglise catholique considère les abus sexuels.

«Exhibitionniste», mais «pas abuseur»

A un moment donné, l’avocat a anticipé la lecture et cité la prise de position de Benoît XVI: «Le prêtre (nom caviardé) s’est fait remarquer comme exhibitionniste, mais pas comme auteur d’abus au sens propre du terme. Les actes consistaient à chaque fois à exposer son sexe devant des jeunes filles pré-pubères et à effectuer des mouvements de masturbation (…). Dans aucun des cas, il n’y a eu d’attouchements».

L’auteur aurait par ailleurs agi en tant que «particulier anonyme» et n’était «pas reconnaissable en tant que prêtre». Dans le cadre de la pastorale paroissiale et en tant que professeur de religion, il n’aurait pas commis la moindre faute.

Quelle que soit l’évaluation des déclarations de Joseph Ratzinger, il est d’ores et déjà certain que son rôle dans le scandale des abus sexuels fera l’objet d’intenses discussions dans les semaines à venir.

Des conséquences pénales sont «envisageables»

Il reste à voir si le rapport aura également des conséquences pénales. Le parquet de Munich est en tout cas déjà en train d’examiner 42 cas dans lesquels les avocats ont constaté un comportement fautif de la part de responsables. Contrairement au rapport Gercke (dans le diocèse de Cologne), le cabinet Westpfahl Spilker Wastl (WSW) estime qu’il est au moins envisageable d’appliquer le motif de complicité et d’autres éléments constitutifs d’une infraction pénale aux actes ou aux omissions des responsables, à Munich et Freising.

Sur le plan d’éventuelles conséquences personnelles, les avocats se sont gardés de faire des recommandations à leur client.

Que va-t-il se passer maintenant? Les juristes estiment que d’autres enquêtes sont superflues. Il ne faudrait plus s’attendre à de nouvelles révélations sur la défaillance du système. Ils ont plutôt choisi d’interpeller la conscience des évêques et de leurs cadres supérieurs. Ils ont demandé qu’ils se posent la question s’il n’y avait vraiment aucune possibilité de s’opposer au système jusqu’en 2010.

Pas de «juste» à Munich

Ulrich Wastl a déclaré n’avoir rencontré jusqu’à présent qu’une seule personne dans les trois diocèses étudiés par son cabinet ayant eu un comportement totalement irréprochable. Mais la personne était déjà décédée en 1993. A une journaliste demandant si les enquêteurs n’avaient pas repéré au moins un «juste» lors de l’enquête de deux ans sur la gestion des cas d’abus à Munich et Freising, Marion Westpfahl, avocate associée du cabinet Westpfahl Spilker Wastl, a sèchement répondu: «Je n’ai pas le souvenir d’un tel homme». (cath.ch/kna/cr/rz)

Rédaction

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