Rapport de Munich: Benoît XVI jugé «peu crédible» 1/2

Le rapport indépendant sur les abus commis dans l’archidiocèse de Munich-Freising entre 1945 et 2019, publié le 20 janvier 2022, met directement en cause Benoît XVI pour sa gestion de quatre cas d’abus sexuels commis par des prêtres lorsqu’il était archevêque de Munich de 1977 à 1982. Les 220 pages consacrées au Cardinal Ratzinger évoquent, entre autres, une minimisation de la gravité des faits, un témoignage «peu crédible», un manque de «volonté d’éclaircissement» de sa part.

I.Média a étudié les 220 pages de la partie du rapport sur les abus dans l’archidiocèse de Munich-Freising consacrées à la période durant laquelle Benoît XVI était encore archevêque. Après une brève introduction méthodologique. Voici en détail les quatre cas qui concernent le pape émérite.

Rédigé par le cabinet d’avocats munichois Westpfahl Spilker Wastl après deux ans de travail, le rapport de 1’893 pages évalue et juge la responsabilité de la direction de l’archidiocèse bavarois – et en particulier des archevêques qui se sont succédés – sur une période de soixante-quinze ans. Les experts de ce cabinet mandaté par l’archidiocèse ont travaillé principalement à partir de témoignages et des archives officielles de l’archevêché.

Ces évaluations, précisent les auteurs du rapport, «ne sont rien de plus, mais rien de moins que des opinions basées sur des faits et des indices». «Chaque lecteur du présent rapport d’expertise est libre de se forger une autre opinion», soulignent-ils encore.

66 pages pour un seul des cas

Sur les 1’893 pages du rapport, 220 pages portent exclusivement sur le cardinal Ratzinger. Parmi celles-ci, 73 pages consistent en une évaluation «normale» de quatre des cinq cas d’abus sur lesquels les experts avaient des «soupçons», auxquelles s’ajoutent 66 pages consacrées à un cas particulier et donnant lieu à une enquête plus approfondie. Enfin, 82 pages du témoignage livré par Benoît XVI aux enquêteurs par lettre le 14 décembre 2021 sont consultables en annexe.

Si Benoît XVI n’a été archevêque de Munich que pendant cinq ans, l’enquête tente aussi de savoir si son action à la tête de la Congrégation pour la doctrine de la foi (1982-2005), de l’Église (2005-2013) puis en tant que pontife émérite a pu influer sur la gestion de certains autres cas. Benoît XVI se refuse à répondre en détails sur ces points, estimant que cette investigation se situe «en dehors du mandat d’enquête de l’expertise».

Peu de dates précises dans le rapport

Dans leur rapport, les experts suivent une même méthode pour analyser les possibles manquements et fautes intervenus par chacun des responsables de l’archidiocèse sur toute la période. Les cas de prêtres abuseurs sont anonymisés et numérotés. En outre, le rapport ne donne que très rarement des dates précises, ce qui rend la chronologie des abus, des condamnations – civiles et canoniques –, des incardinations ou des mutations des prêtres mentionnés dans le rapport parfois difficile à élaborer.

Les experts procèdent d’abord à une présentation générale du cas, puis, dans un «avis préliminaire», exposent leurs soupçons à l’égard du responsable concerné. Dans un second temps, la réponse de celui-ci est exposée avant une «évaluation finale» des enquêteurs dans laquelle ces derniers expliquent s’ils maintiennent ou retirent leurs soupçons.

Concernant Benoît XVI, cinq cas ont été étudiés. Un seul, le «cas 22», aboutit à la conclusion que Benoît XVI est «totalement disculpé». Dans d’autres cas, notamment le «cas 41», le pontife n’est disculpé que sur certains points, les experts ne changeant pas leur évaluation initiale de «présomption d’implication» du cardinal Ratzinger.

Premier cas: minimisation de la gravité des faits

Les experts estiment que l’alors cardinal Ratzinger aurait accepté en connaissance de cause la mutation dans son archidiocèse d’un prêtre – le «cas 37» – condamné plusieurs années auparavant pour tentative d’abus et insultes à caractère sexuel devant des enfants. Arrivé à Munich à la fin des années 1970, ce dernier a été affecté à une charge comportant une proximité avec des mineurs. Il est à nouveau condamné à deux reprises pour des abus sur mineurs, une des peines aboutissant à une peine de prison avec sursis. Le «cas 37» a enfin suivi un traitement spécialisé puis été interdit d’enseignement dans le public par l’administration bavaroise. 

Après consultation de la réponse de Benoît XVI – qui nie rigoureusement toute connaissance précise des faits et conteste toute responsabilité –, les avocats bavarois considèrent que son témoignage ne permet pas « de remettre fondamentalement en question » leur évaluation préliminaire. Mettant en doute le témoignage du pontife émérite, ils continuent de «supposer» qu’il «avait connaissance» du comportement du «cas 37», considérant qu’il avait été informé par son vicaire de la première condamnation du prêtre. 

Les experts jugent en outre que Benoît XVI minimise la perception de ce qu’il décrit pour l’époque comme des «délits de moindre gravité» commis par le «cas 37», en l’occurrence, l’exhibitionnisme. Ils regrettent l’absence de mesures préventives et de réaction en direction des victimes.

Deuxième cas: manque de volonté d’éclaircissement de Benoît XVI

Le cabinet d’avocats considère que Benoît XVI a accepté en conscience l’incardination dans son diocèse d’un prêtre – le «cas 40» – condamné par le passé à une peine d’emprisonnement pour abus sexuels répétés sur des enfants, puis qui était parti dans un diocèse à l’étranger. À Munich, on lui aurait confié une aumônerie mais interdit de dispenser des cours de religion.

Une nomination suivie de «mutations répétées». Plus tard, après un épisode d’exhibitionnisme devant des enfants, il est finalement interdit de toute célébration dans une paroisse. 

Benoît XVI affirme ne pas se souvenir de ce prêtre et déclare être «certain» de ne pas l’avoir rencontré ni d’avoir eu à traiter son cas. Une déclaration qui n’a pas convaincu les experts, qui maintiennent leur évaluation provisoire, affirmant que le pontife émérite aurait eu des «déclarations contradictoires». S’appuyant sur des archives administratives, ils jugent notamment «très peu probable» qu’il n’ait pas rencontré le cas 40.

Remettant à nouveau en cause son témoignage, ils estiment par exemple que la dispense d’enseignement accordée au «cas 40» était liée à ses antécédents. Ils analysent le comportement de l’archevêque de l’époque comme témoignant d’un «manque de sensibilité et de volonté d’éclaircissement». (cath.ch/imedia/cd/bh)

> Retrouvez la suite de cet article lundi.

I.MEDIA

Portail catholique suisse

https://www.cath.ch/newsf/rapport-de-munich-benoit-xvi-juge-peu-credible-1-2/