Rapport de Munich: Benoît XVI et son «ignorance revendiquée» 2/2

Le rapport indépendant sur les abus commis dans l’archidiocèse de Munich-Freising, pointe un autre aspect problématique concernant la défense de Benoît XVI: le pape émérite affirme avoir un «souvenir inaltérable» de cette période de son passé, dès lors, tout élément dont il ne se souvient pas n’a «pas eu lieu», à ses yeux.

I.Média a étudié les 220 pages de la partie du rapport sur les abus dans l’archidiocèse de Munich-Freising consacrées à la période durant laquelle Benoît XVI était encore archevêque. Voici la suite de l’analyse, concernant les troisième et quatrième cas qui concernent le pape émérite.

Troisième cas: pas de mesures disciplinaires ou canoniques

Les experts considèrent inapproprié le choix de confier à un prêtre – le «cas 42» – coupable d’avoir pris des photos «pour le moins suggestives de jeunes de moins de 14 ans» la charge pastorale d’une maison de retraite et d’un hôpital. Condamné par la justice civile après son affectation, le prêtre n’aurait pas subi de mesures disciplinaires ou canoniques par la suite.

Si le pape Benoît XVI nie avoir été en connaissance des faits, les experts considèrent qu’il avait été alerté des agissements du prêtre via un article de journal qui lui avait été communiqué. Celui-ci, qui a été retrouvé dans les dossiers de l’ancien archevêque, accusait le prêtre d’attouchements sur une fillette de 12 ans. Ils estiment en outre que le cardinal aurait dès lors dû entamer une procédure canonique, ce que Benoît XVI conteste là encore.

Il faut noter que le pontife allemand affirme en préambule avoir un «souvenir inaltérable» de cette période de son passé, et que tout élément dont il ne se souvient pas n’a dès lors «pas eu lieu» à ses yeux. Le «cas 40» constitue cependant selon les experts une faille décisive qu’ils exploiteront pour remettre en question la défense de Benoît XVI dans le rapport.

Quatrième cas: un dossier à part, déjà médiatisé en 2010

Le «cas 41» ou «cas X» est traité à part dans le rapport, faisant l’objet d’une enquête beaucoup plus approfondie. L’expert Ulrich Wastl, qui s’est occupé exclusivement de ce dossier, explique cette démarche en premier lieu par le fait que les ressources disponibles le permettaient, contrairement aux autres cas où elles sont souvent très «lacunaires». 

Les avocats soulignent en outre la nature «instructive et exemplaire» de ce cas, qui a déjà largement été étudié et médiatisé lors de la parution d’un précédent rapport en 2010. Cette affaire s’étale sur quatre décennies, de l’époque où Joseph Ratzinger était archevêque jusqu’à l’actuel archevêque, le cardinal Reinhard Marx. 

Pour ce qui concerne le cardinal Ratzinger, cette affaire implique le transfert d’un prêtre provenant d’un diocèse où on lui avait retiré sa charge auprès de jeunes, considérant qu’il constituait «un danger» après des attouchements sur trois garçons de 12 ans. Suivant une psychothérapie, le prêtre a été accueilli à l’époque du cardinal Ratzinger à Munich où il a continué, pendant des années, ses méfaits. Le rapport souligne qu’on lui a alors confié un poste comportant une réelle proximité avec des enfants. Benoît XVI nie avoir eu connaissance des antécédents du prêtre.

Une «stratégie de protection»

S’appuyant sur un faisceau d’indices et d’archives plus important que dans les autres cas, l’avocat bavarois écarte plusieurs soupçons concernant Benoît XVI, mais considère que l’Allemand a néanmoins une nouvelle fois développé une «stratégie de protection» qui consiste à affirmer que «presque tout ce dont il ne se souvient pas n’a pas eu lieu». Et ce même quand les éléments rassemblés par l’enquête semblent dire le contraire, par exemple dans le cas de la réunion pendant laquelle l’incardination du «cas X» a été décidée dans l’archidiocèse et à laquelle Benoît XVI nie fermement avoir participé.

L’expert estime le témoignage du pape émérite «peu crédible», s’appuyant sur le procès-verbal de la réunion dans lequel son nom figure. Le document donne en effet dans l’ordre du jour une discussion dans lequel le cardinal rend compte de «l’entretien que le pape Jean-Paul II a eu le 28 décembre 1979 avec quelques évêques allemands au sujet du cas du professeur Küng», le théologien rival du pontife allemand tombé à cette époque en déchéance aux yeux de Rome.

Regrets et remises en cause

Dans l’ensemble des cas, le rapport regrette «l’ignorance systématiquement revendiquée» par Benoît XVI dans son témoignage et son refus de répondre aux questions concernant son rôle après 1982. Les experts remettent aussi radicalement en cause son argument de «l’esprit du temps» ou du «savoir de l’époque» – notamment du point de vue des procédures canoniques. (cath.ch/imedia/cd/gr)

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