Sion: une réunion synodale, avec «le souci de l’Église dans 10 ans»

Une trentaine de personnes se sont retrouvées au restaurant de la Maison de la diaconie le «Verso l’Alto» pour le quatrième des cinq «Samedis du synode», le 5 février 2022. Sœur Adrienne Barras, religieuse à la Pelouse (VD) et membre du Conseil épiscopal du diocèse de Sion pour la vie consacrée, a animé la soirée orientée notamment sur le thème épineux de l’autorité et de la participation en Église.

Ce samedi soir, une majorité de femmes occupent la véranda du restaurant le Verso l’Alto parmi des participants d’une moyenne d’âge tendant vers les 65 ans. cath.ch s’est invité à une des tables du restaurant. Au gré des questions telles qu’entre autres, la participation, la coresponsabilité, la manière dont est exercée l’autorité au sein de leur Église, l’encouragement des ministères laïcs, les participants sont entrés sans détours dans le vif du sujet.

Odette, une habitante de Sion de 75 ans qui fut catéchiste durant 26 ans, évoque d’emblée «une Église pyramidale» où elle n’a pas le sentiment d’avoir été écoutée et une cohabitation parfois difficile avec les curés. «Il y a eu Vatican II, mais on en n’a pas senti les effets».

«Une vie d’Église de peur»

«Mes parents, ajoute-t-elle, ont vécu une vie d’Église de peur». Elle parle d’une Église de pouvoir sur les femmes et «archi-catholique jusqu’au Concile Vatican II. Pour moi ce n’était pas une religion de l’amour où on nous disait les vraies paroles de Jésus. Je l’ai découvert après».

«Ma vie d’Église, dit-elle, a commencé avec la formation sur la Bible, avec l’abbé Michel Salamolard (lors du lancement de la Formation d’adultes au ministère en Église, la FAME, en 1979)». Elle fut, avec d’autres, une des pionnières du diocèse à se former à la catéchèse sous la houlette du prêtre valaisan et de Sœur Marie Bosco, une religieuse ursuline de Fribourg qui enseignait à l’École de commerce de Sion.

La formation

«Justement, si l’on veut que les gens participent, il faut encourager la formation», lance Léandre, 78 ans, le mari d’Odette. Il se souvient qu’on lui a demandé de s’occuper de la liturgie. «Lorsque j’ai demandé une formation, on m’a répondu qu’il n’y avait pas les moyens, qu’il fallait se débrouiller». Le reste du temps, ajoute-t-il, c’était la morale, «90% de morale!».

Léandre, Thérèse et Simone ont activement participé à la réunion du 5 février | © Bernard Hallet

Quand vient la question de la participation, Simone, une Sédunoise plutôt discrète de 76 ans, prend la parole: «Il est vrai que les actes ne correspondaient pas aux paroles de la Bible». «Je me souviens d’un week-end de réflexion pour les Conseils de communauté (Cocom) dont le thème portait sur ce que nous n’avions pas le droit de faire». Elle a siégé quatre ans au Cocom de sa paroisse.

Comme au conseil d’administration

«J’ai démissionné. Il n’y avait pas d’échanges, nous n’étions pas là pour faire des propositions, mais pour dire ›oui’ ou ›non’ à tel ou tel projet, un peu comme dans un conseil d’administration. Je n’y ai pas trouvé ma place». Simone est malgré tout restée engagée en Église. «Ma fille n’est pas engagée en Église, mais elle est chrétienne et vit la charité», ajoute-t-elle.

Thérèse souhaite communiquer la joie qu’elle a d’être habitée par le Christ, «Il faut le dire aux jeunes et faire ressortir la grâce du Baptême que nous avons reçu et annoncer la joie d’être chrétiens!» Ce qui, à ses yeux, manque cruellement dans l’Église d’aujourd’hui: «Nous ne sommes pas qu’une Église de souffrance et de tristesse!»

Marie-Jeanne, plus réservée jusque-là, s’engage dans le débat et estime que l’Église doit mieux faire connaître les belles choses qu’elle propose, notamment pour les jeunes. Arrivant d’Afrique, elle a été surprise de voir si peu d’enfants et de jeunes sur les bancs de l’église qu’elle fréquente. «Il faut retourner à la base: la Parole du Christ, l’Évangile». 

«L’autorité est pervertie, a affirmé Sœur Adrienne Barras, si elle n’est pas au service des fidèles et cela a débouché sur les abus» | © Bernard Hallet

Le brouhaha s’est amplifié, les échanges vont bon train et il faut maintenant tendre l’oreille pour entendre ses interlocuteurs. Une pause est prévue au moment où sont servies les galettes de sarrasin commandées un peu plus tôt. Les conversations continuent de tourner, au gré des souvenirs, autour de l’Église, de la paroisse. La question de la place des femmes «dans cette Église masculine et cléricale» est évoquée.

Un témoignage «pour la suite»

Le constat est sévère, les critiques dures, mais la démarche est sincère. Tous ont voulu témoigner à l’occasion de ce processus synodal, pas pour eux, mais «pour la suite». Thérèse n’a pas encore répondu au questionnaire. «C’est le moment de bouger! Je ne sais pas de quelle manière cela va évoluer», indique-t-elle. C’est la première réunion à laquelle elle participe. «On m’en a parlé dans le groupe charismatique auquel je participe et j’ai vu une affiche dans le Nouvelliste». «On a le souci pour l’Église dans 10 ans», assure Simone qui n’a non plus jamais vécu une telle démarche. Tous espèrent que ce n’est pas trop tard et se disent encouragés de faire bouger les choses ensemble.

Léandre a participé à toutes les réunions. «J’étais curieuse de voir comment cela se déroulait. J’espère que tout ce travail ne se fait pas dans le vide», confie de son côté Marie-Jeanne. «Il faut que tout ça aille plus haut et qu’il y ait une suite à tout ce qui est partagé là!», lance Odette. Ils s’interrogent sur la manière dont leurs propos vont être synthétisés et, ils l’espèrent vivement, rapportés le plus fidèlement possible à Rome.

«Ce qui a été dit doit aussi être appliqué ici et maintenant! Pourquoi attendre le synode?», interroge Léandre. A quoi pensent-t-ils? «Par exemple, suggère Odette, l’apport des fidèles à la liturgie de la Parole. Pourquoi ne pas avoir un échange entre le prêtre et les fidèles au sujet de l’Évangile du jour?». Elle aurait eu beaucoup à dire sur l’homélie de la messe de ce samedi soir.

Certes, l’Église doit changer sa gouvernance, mettre son autorité au service des fidèles et évoluer. «C’est urgent!» Les participants ont aussi à l›esprit que les laïcs vont devoir mettre la main à la pâte. «Avec ce fonctionnement pendant des années, on a été habitués à ce que tout vienne du prêtre». Simone raconte l’anecdote du crucifix qu’elle a vu un jour chez une amie. «Le christ n’avait pas de mains. Ses enfants lui ont demandé pourquoi. ›Nous sommes les mains’, leur a répondu mon amie». (cath.ch/bh)

Bernard Hallet

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