Maurice Page, agence APIC
Samedi Jean Paul II est dans les pays baltes (300893)
La réalisation d’un vieux rêve
Fribourg, 30août(APIC) Pour son 61e voyage à l’étranger, le pape Jean
Paul II foulera pour la première fois le sol de l’ex-URSS. Il se rendra
dans les pays baltes indépendants depuis à peine deux ans. Moins d’un mois
après son déplacement en Jamaïque, au Mexique et aux Etats-Unis, le pape
réalise un vieux désir.
A deux reprises déjà on avait parlé de ce voyage, en 1984 pour le 500e
anniversaire de la mort de saint Casimir, patron de la Lituanie, et en 1987
pour le 600e anniversaire de l’évangélisation du pays. Par deux fois, les
occupants soviétiques s’étaient opposés au projet. Après leur indépendance,
acquise dans le sang en 1991, les pays baltes accueilleront avec reconnaissance le pape polonais.
La Lituanie, une indépendance chèrement acquise
Le retour à l’indépendance de la Lituanie a été taché de sang. Dans la
nuit du 12 au 13 janvier 1991, des unités soviétiques spéciales ont pris
d’assaut la tour et le bâtiment de la télévision lituanienne à Vilnius, la
capitale, faisant 14 morts. Dans les jours et les semaines suivantes d’autres incidents sanglants eurent encore lieu. Ce n’est qu’en septembre 91
que les Soviétiques se désengagèrent définitivement de la Lituanie. Peu de
temps après, l’ONU a reconnu les trois républiques baltes.
Ces troubles marquèrent profondément le pays qui avait proclamé son indépendance le 11 mars 1990. Jean Paul II rendra un hommage spécial à ces
« martyrs de l’indépendance » en se rendant sur leurs tombes le 5 septembre.
Geste hautement symbolique puisque le Vatican n’avait jamais reconnu l’annexion soviétique de 1944. La légation de Lituanie à Rome n’a du reste jamais été fermée. Le pape se rendra aussi à la « montagne des croix » de Silulai haut-lieu de la résistance lituanienne contre l’occupation russe, où
ont été érigées en 1831 d’innombrables croix. Au XXe siècle, les croix ont
été à plusieurs reprises écrasées par les bulldozers des occupants soviétiques. A chaque fois les croyants en ont édifiés de nouvelles durant la
nuit. La résistance à l’occupant soviétique a causé quelque 50’000 morts
entre 1944 et 1950.
La situation politique interne a profondément évolué depuis l’indépendance. Le président Vitautas Landsbergis, artisan de l’indépendace, n’est
pas parvenu à maintenir son pouvoir. Son attitude autoritaire, mais surtout
les profonds changements économiques et sociaux ont conduit les électeurs a
lui renier leur confiance. Les ex-communistes d’Algirdas Brazauskas ont repris la majorité au parlement. Outre ses problèmes politiques, la Lituanie
doit aussi se débattre dans une situation sociale difficile avec un fort
taux de chômage et faire face aux problèmes des minorités, 7% à 8% de
Polonais et légèrement plus de Russes. Attentifs à cette question, les organisateurs ont d’ailleurs refusé de prévoir une messe en polonais à l’attention des quelque 260’000 catholiques d’origine polonaise. Enfin, le départ des dernières troupes soviétiques (2’500 hommes) semble être imminent
après un accord avec le président russe Boris Eltsine.
Une Eglise sortie grandie des catacombes
L’Eglise catholique très largement majoritaire en Lituanie (80% des 3,85
millions d’habitants) a connu sous le régime communiste de sévères persécutions. Arrestations, déportations ou bannissement ont été le lot de nombreux prêtres et laïcs. On estime que 10% de la population a connu le goulag. Ce n’est que sous Gorbachtev que l’étau limitant strictement toutes
les activités ecclésiales s’est desserré. En mars 1989, Rome a pu rétablir
la hiérarchie catholique dans le pays. Le cardinal Vicentas Sladkevicius,
une des personnalités les plus connues de l’Eglise lituanienne, a été nommé
archevêque de Kaunas. Il avait été interdit de ministère par les communistes de 1963 à 1982. Autre figure marquante de la dissidence, Mgr Sigitas
Tamkevicius, aujourd’hui évêque auxiliaire de Kaunas, qui fut, avec le Père
Svarinkas, un des organisateurs, du « comité catholique pour la défense du
droit des croyants ». C’est lui qui fit connaître grâce à sa « Chronique de
l’Eglise catholique en Lituanie », créée en 1972, les violations des droits
de l’homme sous Brejnev. On peut aussi citer la militante laïque Nijole Sadunaite. Fortement engagés pour l’indépendance du pays, les catholiques
étaient considérés par les Soviétiques comme des nationalistes dangereux ou
même comme des terroristes.
Aujourd’hui l’Eglise catholique compte 2’700’000 fidèles, soit presque
autant que lors de l’occupation soviétique de 1940. Elle est divisé en six
diocèses, 667 paroisses, et 26 autres centres pastoraux. On compte 11 évêques, 720 prêtres, et 883 religieuses. Si les séminaires sont pleins, on
manque toujours de prêtres et surtout de professeurs à cause du sévère numerus clausus imposé par les Soviétiques durant des décennies, dans le seul
séminaire ouvert à Kaunas. Comme dans les autres pays de l’Est, le danger
des sectes et surtout celui d’une sécularisation accélérée menace le pays.
Dangers que ne manquera pas de signaler Jean Paul II durant les quatre
jours qu’il passera dans le pays.
La Lettonie, la question de la minorité russe
En Lettonie, comme en Lituanie, le rétablissement de l’indépendance ne
s’est pas fait sans heurts. Une semaine après le massacre de Vilnius, en
janvier 1991, les forces spéciales soviétiques se sont emparé du ministère
letton de l’intérieur à Riga, faisant cinq morts. Le référendum pour l’indépendance, le 3 mars 1991, a obtenu 73,7% de ’oui’. Comme en Lituanie,
c’est le putsch manqué de l’été 1991 à Moscou qui a consolidé définitivement cette indépendance, le Conseil suprême (parlement) letton décidant le
21 août de mettre fin à la période transitoire initialement prévue.
A l’instar des autres républiques baltes, la Lettonie a connu une forte
immigration durant la période communiste. Les Russes représentent 34% des
2,6 millions d’habitants et dans certaines villes et régions ils sont mêmes
majoritaires, comme par exemple à Riga, la capitale. Les Biélorusses sont
4,1% et les Ukrainiens 3,5%. La loi sur la citoyenneté a causé un fort mécontentement dans cette population. Le projet, qui devrait bientôt être adopté, prévoit que seuls les Lettons d’avant 1940 auront automatiquement la
citoyenneté du nouvel Etat, les autres doivent avoir dix ans de résidence
en Lettonie, connaître la langue et faire une déclaration de loyauté envers
l’Etat. On prévoit aussi des restrictions concernant la propriété de la
terre.
Ces positions nationalistes risquent finalement de nuire à la Lettonie,
son économie étant étroitement liée à celle de la Russie. La situation économique s’est fortement dégradée en 1992. Les relations privilégiées avec
la Russie, notamment pour l’approvisionnement en pétrole et en gaz, ont été
coupées et une partie des importations bloquée aux frontières, faute d’accords douaniers. La production a chuté de 36% en 1992 et la privatisation
piétine. Le chômage atteint parfois jusqu’à 40% de la population active.
L’Eglise catholique regroupe environ un demi-milion de personnes soit le
19% de la population totale. La majorité de la population se rattache à
l’Eglise luthérienne, tandis qu’on compte une minorité d’orthodoxes.
L’Eglise catholique, réorganisée en 1991, compte deux diocèses, 186 paroisses et 110 prêtres. Durant l’époque communiste, l’Eglise de Lettonie fut un
des principaux centres du catholicisme à l’Est puisque Riga abritait le
seul séminaire de toute l’URSS, à part la Lituanie. Comme ailleurs, Jean
Paul II mettra certainement les catholiques en garde contre le capitalisme
libéral, un mode de vie matérialiste et la tentation de la drogue et des
sectes. Le pape visitera aussi le sanctuaire marial d’Aglonas, où est enterré le cardinal Jilijans Vaivods, qui fut en 1983, le premier cardinal de
l’Union Soviétique.
L’Estonie, rapprochement avec la Scandinavie
Indépendante depuis août 1991, sans avoir eu à subir de violence,
l’Estonie avec ses 45’100 km2 est le plus petit des trois pays baltes. Un
peu plus grande que la Suisse, elle compte 1,8 million d’habitants. Le pouvoir indépendantiste doit aussi faire face à la grogne de la minorité russe
(30% de la population). Sous le régime communiste, l’Estonie a été plus encore que les deux autres républiques baltes, soumise à une politique de
russification massive dans tous les domaines de la vie et à une forte immigration. Aujourd’hui le pays s’inquiète de la « pureté » de ses nationaux. La
loi sur la nationalité a donné lieu à de vifs débats en n’accordant la totalité des droits civils et politiques qu’aux seuls citoyens de souche. Jean Paul II ne s’y est pas trompé en rappelant au nouvel ambassadeur d’Estonie, venu présenter le 28 août ses lettres de créances, qu’un Etat moderne
se devait d’assurer à ses minorités le plein exercice de leurs droits.
Sur le plan économique, le pays traverse aussi une crise, mais il s’est
résolument tourné vers l’Occident, en particulier vers la Finlande et la
Scandinavie, avec lesquelles les échanges commerciaux ont doublé en 1991,
même si les républiques de l’ex-URSS sont restées le premier partenaire
commercial. L’Estonie a été la première des ex-Républiques soviétiques à se
doter de sa propre monnaie en juin 1992.
Dans ce pays de tradition luthérienne, à l’instar des pays scandinaves,
les catholiques ne forment qu’une « micro-Eglise », forte d’environ 3’000
âmes. En 1936, l’Estonie pour la première fois depuis la Réforme eut un
évêque en la personne de Mgr Eduard Profittlich. Arrêté en 1941 par les Soviets, il a disparu en déportation. Sous le régime communiste, l’athéisation a été très forte. En 1992, le pays ne comptait que deux prêtres vivant
comme en pays de mission, se déplacant sur de très longues distances pour
célébrer la messe en estonien, en polonais ou en russe. Pour l’instant il
n’existe même pas de livres liturgiques en estonien et les prêtres sont
obligés de traduire eux-mêmes les prières. Si les relations avec les pasteurs luthériens sont bonnes, dans plusieurs cas ils prêtent leurs églises
aux catholiques, le principal souci reste la cathéchèse des adultes.
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