« Montrez-moi une belle chose, et je m’arrête »
Le camp vélo 93: les arrêts aussi importants que la course (100893)
Soeur Claudia Bachmann, Agence APIC
Assens, 10août(APIC) Jeudi, 5 août. 17 h 50. Dans la chapelle du monastère des Bernardines à Collombey, les 8 jeunes et les 6 animateurs du camp
vocations vélo sont plongés dans un silence lourd de la présence du Seigneur. Quelques craquements de bancs seulement, le sifflement du tram qui
passe… Au milieu de leur semaine de réflexion autour de l’Eucharistie,
les voilà arrêtés devant le Seigneur Eucharistie, Pain de vie.
Ce temps d’adoration suit la prière des Vêpres des moniales à laquelle
les jeunes et les animateurs du camp vélo viennent d’assister. Auparavant
ils ont échangé avec l’une des religieuses, Soeur Camille: « cool », dit Véronique, et « elle avait l’air contente ». Elle leur a donné cette merveilleuse définition de la contemplation: « Montrez-moi une belle chose, et je
m’arrête ». Une parole prononcée par un détenu à la veille de sa libération
lors d’une rencontre avec les Soeurs. « Pour lui, évidemment, la ’belle chose’ c’était une moto découverte en vitrine… » précise Soeur Camille, « mais
cela ne l’a pas empêché de comparer la fascination qui alors attirait son
être à celle qui devrait attirer notre être à celui que nous aimons ».
Soeur Camille dit faire partie des « jeunes vieilles Soeurs ». Elle avait
47 ans, en 1976, quand elle est venue ici à Collombey s’ »enfermer derrière
ces barreaux », après avoir vécu l’expérience d’une vie de communauté active. Un passage du récit de la « Samaritaine » dans l’Evangile de Jean, l’a
poussée à entrer chez les Soeurs contemplatives: « Le Père cherche des adorateurs ». « Je faisais de tout, avoue Soeur Camille, mais pas d’adoration.
Je ressentais un manque profond d’une prière prolongée. »
18 h 15. Une religieuse vient retirer le Saint-Sacrement, et hop! Tout
le monde se précipite sur son vélo. La dernière étape de ce jeudi sera Collombey-Massongex où les cyclistes sont attendus aux Paluds, une maison des
Chanoines de Saint-Maurice.
Découvrir… du pays, et l’autre
L’équipe du camp vélo a abordé jusque-là un périple de près de 200 km.
Partant d’Assens (VD) lundi matin, elle a fait étape à Coppet (GE), puis à
Bons, en France, et est montée mercredi à Morgins, en passant par Abondance. « Là, ça a bien grimpé », confie Véronique, une Valaisanne de 17 ans,
sans pour autant être essoufflée et encore moins découragée. « L’orage a juste éclaté quand nous arrivions au but. » Penser retrouver des jeunes « claqués », se plaignant de courbatures et de coups de soleil, étalant leurs récits de sueurs et d’épuisement… voilà l’erreur! La transpiration et la
fatigue font pourtant bien partie de la course, comme les bleus dus aux
chutes, les crevaisons et les chaînes « déchaînées ». Mais cela ne semble pas
important. « Il y a une solidarité, une très bonne ambiance entre tous », déclare Sylvain, Valaisan lui aussi.
Dès le premier jour, Luc a été touché par l’amitié qui règne dans le
groupe: « On s’est vu, on s’est tout de suite apprécié ». Luc a 17 ans. Il
est Vaudois et affirme être content de « trouver des gens du milieu, des
chrétiens. » Sa vocation… il ne sait pas encore. La foi est importante
pour lui, mais, dit-il: « Je ne me verrais pas prêtre, en tout cas pas pour
l’instant ». François est gymnasien à Neuchâtel. Il a 18 ans. Venant, lui
aussi, d’un entourage plutôt protestant, il est heureux de se retrouver durant quelques jours avec « d’autres jeunes qui vont au fond des questions.
Le camp voc m’aide à raffermir ma foi. Parmi mes camarades je suis le seul
catholique pratiquant. C’est souvent dur. »
La question de la vocation ne prime pas non plus pour Sébastien, un Jurassien de 15 ans. Il est venu au camp pour « passer une semaine avec des
copains ». Comme Sylvain, il aime « se déplacer, voir du pays ». Un camp où on
reste toute la semaine sur place ne l’aurait guère intéressé. L’impression
la plus forte de la journée est pour lui l’histoire de fidélité de la soeur
la plus âgée du monastère à Collombey. Entrée à 14 ans et demi, à plus de
90 ans elle se lève tous les jours à 4 h 30 « comme une fleur », a affirmé
Soeur Camille.
Ouvert pour l’imprévu de Dieu
Vendredi, la route se poursuit. L’équipe grimpera à Châtel-St-Denis,
pour regagner la cure d’Assens dans le courant du samedi. Encore quelque 85
km. Pour le frère Jean-Claude Christe, responsable du camp, le fait de rejoindre les jeunes « dans ce qu’ils aiment faire » est important. « Ils sont
tous sportifs… et c’est les vacances. » Lui aussi trouve important de
« bouger ». « Je ne pourrais plus prendre le « rythme scolaire » d’un camp « habituel ». « On ne demande pas de qualification spéciale pour le camp vélo, il
n’y a pas de compétition, mais c’est un moyen excellent de sortir de soi »,
précise-t-il, sachant bien de quoi il parle, même si une vilaine angine l’a
empêché de faire une seule étape à vélo: cela fait partie de l’imprévu pour
lui et pour les animateurs, qui ont bien préparé tout le parcours. Chaque
jour de cette semaine Jean-Claude a offert sa souffrance de ne pouvoir participer à l’effort. L’imprévu de Dieu a sa place…
« Le petit nombre de jeunes pour ce camp n’était pas prévu non plus. Ils
ont été plus nombreux les années précédentes. Et trois inscrits se sont désistés à la dernière heure. » Gênant, pour les courses et les réservations.
Mais, dit Véronique, une animatrice vaudoise, institutrice de métier,
« c’est un avantage. On est plus proche les uns des autres, on peut mieux se
connaître. » Le camp vélo 93 est son 11e camp vocations, dont le 5e comme
animatrice. Le vélo ne semble être que prétexte, moyen. « On est pratiquement sûr de trouver toujours une bonne ambiance dans ces camps-là », constate Anne-Laure, une Valaisanne de 17 ans. « Ici, tous se sont inscrits au nom
de la foi. » « Oui, complète Véronique, la Valaisanne, c’est différent des
retraites organisées dans le cadre de l’école et sympa d’être dans un camp
où tous sont engagés dans la religion. Il se passe quelque chose ’en plus’
que dans la vie de tous les jours, et ça, ça reste. »
« Ca change quoi » , un camp voc?
Ce que ça change? « Je vous le dirai après », plaisante Frédéric. Il est
Fribourgeois et a 15 ans. C’est son premier camp voc. Ses parents l’ont encouragé à s’inscrire. « C’est autre chose qu’un camp de ski. Je savais qu’il
y aurait la prière, la réflexion, la messe tous les jours. Peut-être
qu’après j’irai plus volontiers à la messe. » « Pour moi, c’est un approfondissement de la messe », dit François.
Sylvain, lui, est resté impressionné par le texte biblique du Pain de
vie de l’Evangile de Jean. Les jeunes y ont réfléchi ensemble vendredi. Ils
en ont analysé le dévéloppement, le contenu. « Je n’avais jamais regardé un
texte biblique. » Sébastien rapporte avec enthousiasme ce que veut dire être
un témoin: « Voir quelque chose, la faire partager aux autres ». Une moto?
Non, pour lui et pour tous les participants du camp vélo, il y a eu autre
chose à voir. Quelqu’un à voir, devant qui s’arrêter, le Christ à rencontrer.
« J’étais époustouflé jusqu’au bout! Vraiment, cette équipe m’a beaucoup
ému. Il y avait une très grande sensibilité, une attention à l’autre, »
s’émerveille frère Jean-Claude. « Durant ces jours, l’imprévu et l’initiative personnelle ont eu leur place, ce qui a permis de découvrir le coeur généreux de ces jeunes… » Pour en donner une image: le petit déjeuner du
dernier jour, par eux-mêmes servi au lit à la cuisinière et à l’intendant
du camp. Ils se sont levés tôt pour chercher à vélo, à 7 km, les croissants
sortant du four.
Dimanche 8 août, le camp arrive à son terme. La dernière étape du périple est l’animation de la messe paroissiale à Assens. A la place de l’homélie traditionnelle, les jeunes témoignent dans un dialogue des difficultés
qu’ils rencontrent pour participer à l’Eucharistie et des découvertes de
cette semaine, d’une course aux arrêts importants. Un témoignage renouvelé.
Leurs parents, frères, soeurs et amis ont rejoint la famille paroissiale ce
matin-là et partagent ensuite un pique-nique avec les « heureux coureurs ».
(apic/cb)
Encadré
Les « camps voc » 1993
17 camps vocations se sont déroulés cet été en Suisse romande. Ils ont regroupé près de 600 enfants et jeunes entre 10 et 25 ans et environ 170 animateurs. Il y en a eu pour tous les goûts, proposant en parallèle avec le
cheminement « spirituel » une semaine de chant, de marche, de barque, la mise
sur pied d’un spectacle… Leur but: apprendre la vie de groupe; réfléchir
sur les orientations de la vie, les choix, les responsabilités, le rôle de
chacun dans le monde et l’Eglise d’aujourd’hui. Ces camps sont généralement
accompagnés par une équipe formée de couples, religieux, prêtres, jeunes
filles et jeunes gens pour présenter la diversité des vocations à la recherche du Christ. Ils sont proposés par le Centre Romand des Vocations
(CRV) à Lausanne qui a fêté en 1992 ses 25 ans et se tient à disposition
pour tout renseignement: CRV, Grotte 8, 1003 Lausanne, tél. 021/23 41 12.
(apic/cb)
Des photos de ce reportage peuvent être obtenues auprès de l’Agence CIRIC,
à Lausanne, tél. 021 25 28 29
webmaster@kath.ch
Portail catholique suisse