Le Vatican renforce le contrôle des associations de fidèles

Un rescrit du pape François, publié le 15 juin 2022, formalise la nécessité d’une autorisation écrite du Saint-Siège avant tout changement de statut d’une association publique de fidèles en institut religieux de droit diocésain. Cette disposition ne semble pas directement liée à la récente suspension des ordinations dans le diocèse de Fréjus-Toulon.

Le rescrit du pape François fait suite à une réunion tenue le 7 février 2022, prenant effet immédiatement, qui établit l’obligation d’une «licence écrite du Dicastère pour les Instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique» avant que l’évêque diocésain n’érige, par décret, «une association de fidèles en vue de devenir un Institut de vie consacrée ou une Société de vie apostolique de droit diocésain».

Pas lié à Fréjus-Toulon

La décision de Rome intervient moins de deux semaines après l’annonce de la suspension des ordinations dans le diocèse de Fréjus-Toulon, ce qui correspond de facto à une mise sous tutelle de ce diocèse dynamique mais suspecté d’offrir des ›pavillons de complaisance’ à des communautés au statut approximatif.

Pour autant, une source vaticane assure que le cas spécifique de ce diocèse du sud de la France n’est pas à l’origine de ce rescrit. «Certaines associations étaient devenues une réalité ›hors de contrôle’, car les évêques pouvaient en ériger sans rien demander à Rome. Et ils n’étaient pas forcément armés pour veiller au respect de la spécificité de la vie consacrée», analyse-t-elle. La source explique par exemple qu’un évêque italien a dû procéder à la fermeture de plusieurs associations de fidèles érigées trop rapidement par son prédécesseur.

Une régulation jugée nécessaire au niveau mondial

La problématique n’est pas seulement française. En de nombreux pays, la floraison des communautés nouvelles depuis les années 1970 s’est accompagnée de dérives en contradiction avec le droit canonique et les notions fondamentales du discernement spirituel, comme le respect du for interne et l’articulation entre foi et raison.

La régulation des communautés de droit diocésain est donc une préoccupation croissante de Rome, et ce nouveau rescrit entre en continuité avec plusieurs dispositions prises sous le pontificat actuel. Ainsi le motu proprio du pape François Authenticum charismatis, publié le 4 novembre 2020, avait déjà rendu obligatoire l’autorisation du Saint-Siège pour toute reconnaissance d’un nouvel Institut de vie consacrée dans le cadre diocésain. Auparavant, l’avis de Rome n’était que consultatif.

«Il s’agit d’éviter la multiplication de petites communautés informelles au statut canonique mal défini»

Par ailleurs, une note avait été publiée le 11 juin 2021 par le Dicastère pour les laïcs, la famille et la vie, afin d’imposer une rotation des mandats au sein des associations de fidèles. En limitant à deux quinquennats la durée de mission des cadres de ces mouvements, le Vatican cherchait à combattre les abus de pouvoir qui «conduisent facilement à de graves violations de la dignité et de la liberté personnelles, voire à de véritables abus». Sur un registre pratique, la note précisait que «la rotation des responsabilités» apporte un meilleur dynamisme aux associations.

Éviter la multiplication des communautés informelles

Ce rescrit du 15 juin 2022 concerne les cas spécifiques des associations de fidèles dont le statut évolue vers la vie religieuse, ce qui n’est naturellement pas le cas de toutes les associations de fidèles: dans toute la diversité des associations intégrées dans la vie de l’Église, les mouvements d’action catholique ou les groupes à caractère artistique ou sportif ne sont pas concernés par le texte.

Mais une nouvelle étape est franchie afin d’éviter la multiplication de petites communautés informelles dont le statut canonique était mal défini. Avec parfois seulement deux ou trois membres, ces communautés sont peu viables et ne peuvent pas se pérenniser après le départ, la maladie ou le décès d’un de ses membres.

De plus, dans l’Église catholique, la mission se reçoit par mandat, et non par génération spontanée ou par intuition ›prophétique’ comme c’est le cas dans certaines communautés évangéliques. Faute de régulation institutionnelle, certains diocèses ont fait face à des dérives sectaires, à des phénomènes d’emprise et parfois à des abus sexuels.

Une vérification du discernement

Encore aujourd’hui, le port éventuel d’habits religieux, l’intégration plus ou moins harmonieuse de ces communautés dans la vie des paroisses et des diocèses, et le charisme personnel des fondateurs, qui sont parfois des religieux détachés de leur ordre d’origine, peuvent constituer des sources de confusion pour les fidèles.

Le pape François cherche donc à établir une régulation plus stricte et confirme un «renforcement du contrôle de Rome sur le discernement des évêques en matière de vie consacrée», explique un canoniste. Il précise toutefois que le terme de «licence écrite» est «distinct d’une approbation qui serait un partage de la responsabilité de la décision. Dans ce cas, il s’agit d’une vérification du discernement», l’évêque demeurant donc, en droit diocésain, le responsable ultime de la décision. (cath.ch/imedia/cv/rz)

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