Burundi: la situation reste très complexe et extrêmement tendue (101193)
Bujumbura/Fribourg, 10novembre(APIC) Trois semaines après le coup d’Etat
sanglant au Burundi la situation reste très complexe et extrêmement tendue.
La violence s’est engagée dans une spirale tragique, explique Mgr Simon
Ntawana, archevêque de Bujumbura. Après l’assassinat du président Ndadaye,
les hutu veulent venger le symbole de leur victoire électorale en tuant les
tutsi. A la suite de quoi l’armée vient défendre et venger les tutsi en
massacrant sauvagment la population hutu. Le gouvernement les partis et les
Eglises se sont engagés dans la voie de la pacification mais le calme n’est
pas encore revenu.
Célestin Simbanduku, jeune prêtre burundais, arrivé à Fribourg le 4
novembre, a confirmé à l’APIC le jugement de l’évêque: « Après l’assassinat
du président de la République et de ses proches collaborateurs la réaction
de la population n’a pas été de pleurer ses morts, mais de bloquer les
routes, de détruire les ponts, puis de s’entretuer. Des hutu ont tué, des
tutsi ont tué, des militaires ont tué ».
Le processus démocratique semblait bien engagé au Burundi où le pouvoir
était passé le 1er juin, non seulement de l’armée à un gouvernement civil,
mais encore et surtout des tutsi minoritaires de l’Uprona (union pour le
progrès national) qui régnaient depuis 30 ans, aux hutus majoritaires du
Frodebu (front pour la démocratie au Burundi). Ce processus démocratique
vient de subir un sérieux coup. « On ne s’attendait pas à cette explosion »,
note l’abbé Simbanduku. « Les vraies raisons ne pourront être découvertes
qu’au prix d’une analyse profonde, réaliste et courageuse (…) Il faut au
moins quelques bribes de vérité pour savoir pourquoi on en est arrivé là,
qu’est-ce qu’on visait, et surtout comment ne pas retomber dans la même situation ».
Il est vrai qu’aujourd’hui encore on ne dispose que de très peu d’information sur les putschistes qui n’ont même jamais fait de déclaration
publique. Il s’agirait d’une quarantaine de militaires, dont vingt seraient
en fuite. De plus ces militaires ne seraient pas des officiers supérieurs.
« Je trouve curieux qu’un aussi petit groupe ait pu causé une telle situation », note le jeune prêtre.
L’armée qui n’est pas intervenue massivement au moment du coup d’Etat, a
réagi par contre pour ’rétablir l’ordre’, prenant souvent ce rétablissement
comme un prétexte pour venger les tutsi. Mgr Ntawana explique dans sa déclaration qu’en général les hutu refusent totalement l’armée, mais que les
tutsi la réclament. « A certains endroits, les hutu ont gardé au milieu
d’eux des familles tutsi, pour que l’armée n’intervienne pas. Espoir de réconciliation ou simple prise d’otage », s’interroge l’archevêque de Bujumbura.
Après le coup d’Etat, les Eglises ont fait des déclarations communes, et
ont une certaine unité de vision pour l’avenir du Burundi, au moins au niveau de la hiérarchie. « Mais, constate l’abbé Simbanduku, ceux qui s’entretuent sont les membres de ces mêmes Eglises. (…) Les confessions religieuses sont à la fois actrices, victimes et spectatrices. Elles manifestent une certaine impuissance à résoudre cette question. »
Dans l’immédiat, il s’agit d’abord de venir au secours des populations
qui souffrent sérieusement. Elles n’ont pas de quoi manger, ni se couvrir,
et c’est le début de la saison des pluies. Des blessés ne sont pas soignés
depuis des semaines. Personne n’a pu rentrer chez lui. Les Burundais
seraient 750’000 à avoir fui vers les pays voisins. Beaucoup d’autres ont
cherché refuge dans les paroisses, les missions ou les évêchés.
Le gouvernement légitime « en exil » à l’ambassade de France tente de rétablir la situation. Il a exigé que les militaires rentrent dans leurs casernes, mais tous n’ont pas obéi. Il demande l’intervention d’une force internationale de sécurité chargée d’assurer sa protection. Mais les représentants de l’opposition ainsi que de la société civile tutsi refusent cette solution. « Si le gouvernement reprend son pouvoir sans que des lumières
soient données, on va poursuivre dans la même situation de méfiance, de suspicion, de haine », estime l’abbé Simbanduku. « Il faut que le Burundi soit
un Etat de droit où tout le monde doit vivre, peu importe son ethnie, sa
tribu, sa région ou sa confession. Si on n’a pas en vue le respect de la
dignité de la personne humaine, toutes les institutions ne peuvent pas tenir le coup », conclut-il. (apic/mp)
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