Renonciation, IVG, Ukraine, Cyrille: le pape poursuit ses confidences

« Je n’ai pas l’intention de démissionner. Pour le moment, non », assure le pape François dans une longue interview de plus de deux heures avec les journalistes mexicaines Maria Antonieta Collins et Valentina Alazraki, diffusée sur la chaîne de streaming ViX de Noticias Univision 24/7, le 11 juillet 2022. Le pontife imagine néanmoins finir sa vie comme « évêque émérite de Rome » et rendre quelques services en paroisse.

Le pontife confie avoir pensé initialement que son pontificat serait bref, mais plus de neuf ans se sont écoulées sans qu’il s’en soit « rendu compte ». S’il reconnaît se sentir un peu « diminué » en raison de son genou douloureux, le pape assure n’avoir « jamais » envisagé de renoncer à sa charge pour le moment.

Toutefois, une éventuelle renonciation, sur le long terme, ne serait pas un tabou pour le pape argentin, qui exprime sa « grande sympathie » pour la « bonté » du pape Benoît XVI, qui a démissionné en 2013. «Si je vois que je ne peux plus, que je souffre ou que je suis une gêne, j’espère obtenir de l’aide pour prendre la décision de prendre ma retraite», assure le pape de 85 ans, qui a l’âge de son prédécesseur lors de sa renonciation.

Démontrant qu’il a réfléchi à son éventuel futur statut, le pape François exclut a priori de rentrer dans son Argentine natale, et il fait remarquer que, le jour de la retraite, il préférerait être considéré comme un simple « évêque émérite de Rome » plutôt que comme un « pape émérite ». Il aimerait consacrer ses heures à la confession des fidèles, à la pratique de la charité et à la visite des malades dans une paroisse italienne. « Si je survis après avoir démissionné, j’aimerais faire quelque chose de ce genre : confesser et aller voir les malades », déclare-t-il.

Joe Biden renvoyé à un examen de conscience

Le pape condamne une nouvelle fois l’avortement en affirmant que « les données scientifiques prouvent qu’un mois après la conception, l’ADN du fœtus est déjà présent et les organes sont en place ». « Est-il juste d’éliminer une vie humaine ? », demande le pape, qui prend ses distances avec le président américain Joe Biden, qui se revendique à la fois pro-IVG et catholique pratiquant. «Qu’il parle à son pasteur de cette incohérence», déclare le pape, assurant laisser cette question à la propre « conscience » du deuxième président catholique dans l’histoire des États-Unis après John F. Kennedy.

Concernant le thème des abus sexuels sur mineurs, le pape François estime que « le couvercle a été soulevé » depuis les affaires d’abus sexuels qui ont secoué le diocèse de Boston, aux États-Unis, provoquant la fuite du cardinal Bernard Law en 2002. « Aujourd’hui, l’Église est de plus en plus consciente », « elle a choisi de dévoiler et nous n’allons pas être complices » de ces crimes, assure l’évêque de Rome, qui élargit ce combat à la lutte contre l’inceste, l’esclavage des enfants, ou encore la maltraitance des femmes, un phénomène qu’il qualifie de « satanique ». 

Le pape dénonce aussi comme « diabolique » la tentative d’imposer à un peuple une autre culture au nom d’une soi-disant volonté de le « civiliser », comme il estime que ce fut le cas dans les pensionnats autochtones du Canada, où cette emprise fut « institutionnalisée ». Dénonçant une nouvelle fois les « colonisations idéologiques », François, qui se rendra au Canada du 24 au 30 juillet prochains, évoque le récit d’un responsable autochtone reçu au Vatican en mars dernier, qui lui avait dit sa « peur que la culture urbaine fasse perdre leurs racines aux garçons et aux filles de sa tribu ». 

Le pape espère toujours se rendre à Kiev et à Moscou

Au sujet de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, François déclare qu’il préfère parler des victimes plutôt que des auteurs, « du pays qui est attaqué » et des « choses sauvages que nous lisons et dont nous savons qui les fait », martèle-t-il sans désigner explicitement la Russie.

Le pape revient également sur son dialogue avec le patriarche de Moscou, avec lequel une deuxième rencontre était en préparation, après celle de Cuba en février 2016. « Il m’avait proposé la Syrie », révèle le pape François, qui a refusé cette offre. « J’ai proposé la Jordanie, Jérusalem, le Liban. Il a choisi Jérusalem et le monastère orthodoxe », précise-t-il.

La rencontre était prévue le 14 juin mais ensuite « la guerre est arrivée », et elle a eu un « grand impact », reconnaît le pape, qui semble regretter le « changement de ministre des Affaires étrangères » du patriarcat de Moscou. Le métropolite Hilarion, avec lequel le Vatican entretenait des relations régulières, a été évincé le 7 juin dernier pour devenir métropolite de Hongrie.  

Le pape évoque par ailleurs sa bonne relation avec l’ambassadeur de Russie Alexandre Avdeyev, « une personne exquise, une personne noble et un grand diplomate », assure-t-il. Il explique que son geste de se rendre à l’ambassade de Russie le 25 février, au lendemain du début de l’offensive russe, avait été « beaucoup apprécié » par le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. 

Le pape tient à maintenir le plus de contacts possibles tant avec la Russie qu’avec l’Ukraine, afin de pouvoir ouvrir des pistes concrètes pour la paix. « Si je ne peux pas aller à Moscou, ou avant ou après, je n’irai pas à Kiev », assure le pontife, qui reconnaît que tout dépend « du temps, de mille choses ».

Le pape assume de militer pour le désarmement

Élargissant une nouvelle fois son analyse de la « troisième guerre mondiale par morceaux » aux drames de la Syrie et du Yémen, le pape dénonce les conflits guerriers « qui nous sont imposés », et qui montrent que « nous avons perdu la conscience de la guerre ».

« L’humanité continue à fabriquer des armes », déplore le pontife, ajoutant fermement que la guerre « asservit, déshumanise », et que, selon le catéchisme catholique, « l’utilisation et la possession d’armes nucléaires sont immorales et nous ne pouvons pas jouer avec la mort à portée de main ». (cath.ch/imedia/cv/mp)

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