François au Canada: 20 ans après, que reste-t-il des JMJ 2002 à Toronto ?

Le 23 juillet 2022, veille de l’arrivée du pape François au Canada, marque aussi le 20e anniversaire des 17e Journées Mondiales de la Jeunesse (JMJ) qui furent organisées du 23 au 28 juillet 2002 à Toronto, la grande ville du sud du pays, proche de la frontière avec les États-Unis.

Malgré le contexte de sécularisation et le traumatisme des attentats du 11 septembre 2001, ces dernières JMJ de Jean Paul II furent un succès, avec une estimation de 800’000 participants pour la messe finale, et ont marqué durablement l’Église catholique au Canada.

Jasmin Lemieux-Lefebvre, actuel responsable de la communication numérique du voyage du pape François au Canada, était alors chargé de promotion au sein de l’équipe d’organisation des JMJ de Toronto. Il explique que ce choix du Canada s’était fait de concert entre l’épiscopat local et le pape Jean Paul II. «Je pense qu’il y avait une volonté mutuelle de revenir en Amérique du Nord, après les JMJ de Denver, en 1993, qui avaient été un grand succès. Et Toronto voulait accueillir un grand événement international, après l’échec d’une candidature olympique», précise-t-il.

Toronto, encore plus cosmopolite que New York

Rapidement Toronto s’est imposée en tant que ville très cosmopolite. «Ce n’est que la capitale de l’Ontario, mais c’est une ville encore plus cosmopolite que New York. Jean Paul II avait le souhait que les JMJ puissent tourner autour du monde, et Toronto, c’est un microcosme du monde, où il n’y a pas de ghettos», explique le Canadien.

Après le lancement du projet dans le souffle du succès des JMJ de Paris en 1997, le vote des évêques canadiens en faveur de l’organisation des JMJ de Toronto est quasi unanime, avec 58 oui, deux sous condition et un seul contre, raconte l’historien Charles Mercier, dans son livre L’Église, les jeunes, la mondialisation – Une Histoire des JMJ (Bayard, 2020).

Vaste entreprise de réconciliation et de renouveau

«Les JMJ constituent une occasion unique de rallier toute l’Église catholique au Canada dans une vaste entreprise de réconciliation et de renouveau», écrivent alors les évêques membres de la commission en charge de formaliser la candidature de Toronto. Celle-ci sera retenue par Jean Paul II un mois plus tard, mais ne sera annoncée officiellement seulement qu’en août 2000, à la fin des JMJ de Rome.

Après ce lancement relativement consensuel, les préparatifs furent pourtant marqués par des périodes de doutes et de crises. Charles Mercier rappelle qu’au 12 juillet 2002, à deux semaines du rassemblement, les organisateurs ne recensaient que 36’000 inscrits canadiens contre 200’000 attendus, et 107’000 inscrits en provenance d’autres pays contre 550’000 attendus. 

Préparation difficile et succès du rassemblement

«De multiples facteurs semblent jouer en défaveur du grand rassemblement: le 11 septembre 2001 et la crainte de nouveaux attentats, notamment chez les jeunes États-Uniens, la crise financière qui frappe les Sud-Américains… Le fait que le Vatican adjoigne au voyage du pape au Canada des visites au Guatemala et au Mexique aurait par ailleurs dissuadé un certain nombre de jeunes Latinos de répondre à l’appel», précise l’historien français dans son livre.

Néanmoins, grâce aux inscriptions de dernière minute, ce rassemblement fut un succès. Bien que très affaibli, Jean Paul II mit toute l’énergie qui lui restait pour participer à ses dernières Journées mondiales de la Jeunesse, et il surprit les observateurs en assumant l’effort de descendre à pied, lentement, les marches de l’escalier à sa descente d’avion, au lieu d’utiliser le monte-charge prévu pour lui épargner cet effort qu’il n’avait pas pu faire lors de son précédent voyage, en Bulgarie.

«Grand pèlerinage de la jeunesse»

«Ce grand pèlerinage de la jeunesse», dont il souhaitait fortement le retour en Amérique du Nord neuf ans après les JMJ de Denver, «fait étape ici, sur les rives du lac Ontario, qui nous rappelle un autre lac, celui de Tibériade, sur les rives duquel le Seigneur Jésus adressa aux premiers disciples, parmi lesquels certains étaient probablement jeunes comme vous, une proposition attirante», déclara le pape polonais lors de sa première intervention devant les jeunes.

Dans le cadre de cet évènement international, le pontife polonais s’adressa peu aux Canadiens spécifiquement, mais il évoqua les attentats du 11 septembre 2001 qui s’étaient produits aux États-Unis, dont la frontière touche l’agglomération de Toronto. « Le nouveau millénaire a commencé avec deux événements contradictoires : celui de la foule des pèlerins venus à Rome au cours du grand Jubilé pour franchir la Porte sainte qui est le Christ, Sauveur et Rédempteur de l’homme ; et celui du terrible attentat terroriste de New York, icône d’un monde dans lequel semble prévaloir la dialectique de l’inimitié et de la haine. »

Une société marquée par la sécularisation

L’une des surprises de ce rassemblement fut certainement de réveiller une identité catholique enfouie dans une société canadienne marquée par la sécularisation, mais où le catholicisme demeurait une réalité structurante. Le succès de la couverture par les médias fut notamment remarqué. En 2002, CBC-Radio-Canada réalise ses meilleures audiences de l’été grâce à la JMJ de Toronto, avec notamment la retransmission du chemin de croix spectaculaire du vendredi, qui rassembla 1,68 million de téléspectateurs, rappelle Charles Mercier. L’expérience de ce chemin de croix mis en scène en vue de son impact télévisuel fut reprise lors des éditions suivantes, notamment à Sydney, Rio et Cracovie. 

L’expérience des ›recommençants’ est aussi un fruit des JMJ de Toronto, ce dont témoigne personnellement Jasmin Lemieux-Lefebvre. «Bien qu’élevé dans la religion catholique, j’avais quand même pris une certaine distance. Je n’avais jamais trouvé de jeunes avec qui partager ma foi et me sentir en communion». L’implication dans l’organisation des JMJ, qui fut pour lui l’occasion de rencontrer une jeune fille polonaise qui allait devenir son épouse, a marqué un basculement pour ce Canadien alors âgé de 25 ans.

La chaîne de télévision catholique Sel et Lumière née dans le sillage des JMJ

Le rassemblement de Toronto a formé une génération JMJ avec une expérience très forte sur le plan vocationnel. «C’est demeuré une expérience fondatrice qui a créé des missionnaires. Leur flamme personnelle leur a donné une responsabilité par la suite, de parler de Jésus en trouvant de l’espoir», s’enthousiasme-t-il, 20 ans après l’évènement.

Il reconnaît qu’au Canada, les raisons de se décourager pour les catholiques sont nombreuses, «mais il est très important de se rappeler que l’Église, ce ne sont pas seulement des églises qui se vident ou des problèmes budgétaires, mais l’expérience de personnes qui reconnaissent Jésus-Christ comme leur Sauveur, et sont capables d’en témoigner publiquement et avec joie», explique-t-il. Il situe notamment comme un fruit concret des JMJ la création, un an plus tard, en 2003, de la chaîne de télévision catholique Sel et Lumière, où il a travaillé durant six ans, avant de servir durant une décennie la communication du diocèse de Québec.

La continuité entre les JMJ de Toronto et la visite du pape François

«Pour la préparation de ce voyage du pape François, nous sommes quelques anciens collègues des JMJ et je retrouve la même dynamique d’un groupe qui arrive à trouver une grande cohésion malgré les défis et le manque de sommeil», se réjouit Jasmin Lemieux-Lefebvre.

«La grande différence c’était qu’en 2002 il y avait eu deux ans de préparation, alors que cette fois-ci, il n’y a eu que deux mois après la confirmation du voyage. Même si cela n’a pas l’envergure des JMJ, c’est donc un tour de force extraordinaire de pouvoir organiser cette visite !». Elle ne sera certes pas festive mais marquera une étape importante dans «un chemin de guérison et de réconciliation» avec les peuples autochtones, explique-t-il. 

Réconciliation avec les peuples autochtones  

Lors des JMJ, la présence des autochtones avait été très importante et faisait l’objet de beaucoup d’attention, explique le Canadien, relevant un symbole significatif. «Il y a deux semaines j’ai fait un petit pèlerinage personnel avec mes enfants sur les lieux des JMJ de Toronto, et le rappel des JMJ, près du Parc des expositions, c’est un «inuksuk» (un petit monument de pierre, selon la tradition des Inuits, Ndlr), qui représente les autochtones du Canada ».

Cette visite du pape François montre que «20 ans plus tard, on poursuit le travail», explique-t-il, situant ce voyage apostolique non pas comme un tournant, mais comme un signe de persévérance des papes sur ce chemin de compréhension des peuples autochtones. «Jean-Paul II a fait beaucoup pour les peuples autochtones, notamment en se rendant à Fort Simpson. Ses gestes ont été appréciés, et ce qui se passe aujourd’hui se situe dans la continuité de ces actes», précise Jasmin Lemieux-Lefebvre.  (cath.ch/imedia/cv/be)

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