Irak: le retour des chrétiens difficile à évaluer

Huit ans après l’invasion de la plaine de Ninive, au nord de l’Irak, par les miliciens de Daesh, il est difficile d’établir des statistiques fiables quant au retour des chrétiens qui avaient fui la région en masse.

Cette nuit dramatique du 6 au 7 août 2014, les djihadistes du Califat ont occupé les villages de la plaine de Ninive habités par des chrétiens, ordonnant par haut-parleurs à la population d’abandonner leurs maisons. La plupart ont fui, n’emportant avec eux que les vêtements qu’ils portaient. Ils ont trouvé un premier refuge dans les banlieues d’Erbil et d’autres villes de la région autonome du Kurdistan irakien.

Huit ans plus tard, les données et les rapports sur le «retour» des chrétiens irakiens dans leurs maisons et villages de leurs racines historiques apparaissent toujours controversés, analyse l’agence Fides, et ne peuvent être décryptés avec des clés simplistes.

L’exode se poursuit

Ces dernières semaines, plusieurs médias locaux ont rapporté des signes d’un exode silencieux mais régulier des familles chrétiennes des villes et villages de la plaine de Ninive. Au moins trente familles syriennes catholiques qui étaient revenues à Qaraqosh – une ville de la plaine de Ninive où une foule festive avait également accueilli le Pape François, lors de sa visite apostolique en Irak, en mars 2021 – ont décidé de refaire leurs valises et d’émigrer à l’étranger, principalement pour chercher des opportunités d’emploi plus favorables. Le 26 juillet, le gouverneur adjoint de la province de Ninive, Sirwan Ruzbiani, a rencontré des représentants de l’archiéparchie syriaque catholique locale de Mossoul.

Après la réunion, il a exprimé dans une note son amertume «en apprenant la nouvelle que les chrétiens continuent d’émigrer, malgré nos efforts pour les inciter à rester chez eux». L’instabilité et l’insécurité, la persistance des pressions et des tensions sectaires et la présence de milices illégales pèsent lourd.

Les signes concrets d’un retour à la normalité ne manquent pas, comme les camps d’été pour garçons et filles auxquels ont participé, ces dernières semaines, 600 jeunes de la région de Bartella, au nord du pays, organisés sous le patronage de l’archevêché syrien orthodoxe local. Mais les chrétiens représentent toujours 7 % des plus de 600’000 personnes déplacées qui vivent encore dans la région du Kurdistan. Selon les données fournies par les autorités locales, seuls 40 % des chrétiens qui ont fui Mossoul et la plaine de Ninive pendant le règne de Daesh sont retournés dans leur région de résidence ces dernières années.

Des réfugiés expatriés en Europe et aux Etats-Unis

Pas plus de 100 familles chrétiennes vivent aujourd’hui dans le centre de Mossoul. Comme le rapporte l’agence Fides, à la fin de 2020, il y avait déjà 55’000 réfugiés chrétiens irakiens au Kurdistan qui s’étaient expatriés au cours des années précédentes, se déplaçant en grande partie vers des pays d’Amérique du Nord, d’Australie et d’Europe, ainsi que vers d’autres pays du Moyen-Orient.

Même à cette époque, cette multitude de chrétiens expatriés à l’étranger représentait environ 40 % des quelque 138’000 chrétiens baptisés qui avaient trouvé refuge au Kurdistan après avoir fui Mossoul et les villes et villages de la plaine de Ninive, à l’arrivée des milices djihadistes.

Des flux d’exode similaires de la population chrétienne sont également enregistrés dans d’autres régions d’Irak. Un rapport récent du Rudaw Media Network (un groupe d’édition basé au Kurdistan) a recueilli des témoignages de prêtres et de laïcs confirmant une diminution forte et progressive de la population baptisée locale. Selon les témoignages recueillis, environ 300 familles chrétiennes vivent aujourd’hui dans la région de Bassora, alors qu’il y a 50 ans, la même région comptait 5’000 familles chrétiennes.

Les données fournies par les enquêtes menées sur le terrain montrent combien il est compliqué et, à certains égards, improductif de tenter de contrer l’exode des chrétiens irakiens vers d’autres pays avec des instruments, des mobilisations et des stratégies de nature exclusivement politique ou économique, y compris les nombreuses opérations de «collecte de fonds» menées au nom des communautés chrétiennes du Moyen-Orient par des groupes et des acronymes occidentaux.

Comme l’a également souligné l’archevêque palestinien Michel Sabbah, Patriarche émérite de Jérusalem des Latins, les questions et aussi les incertitudes qui planent sur l’avenir des chrétiens au Moyen-Orient «ne sont pas d’abord une question de nombre, bien que le nombre soit important, mais une question de foi». (cath.ch/fides/bh)

Bernard Hallet

Portail catholique suisse

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