Abus: une procédure civile préliminaire engagée contre Benoît XVI

Dans le cadre d’une plainte concernant des abus sexuels, portée entre autres contre Benoît XVI, le tribunal de grande instance de Traunstein (Bavière) a entamé une procédure préliminaire de droit civil. Le pape émérite est accusé, alors qu’il était archevêque de Munich-Freising, de n’avoir pas écarté du ministère le prêtre abuseur Peter Hüllermann.

La plainte émanant d’une des victimes du Père Hüllermann a franchi une étape juridique, notent plusieurs médias allemands, dont l’hebdomadaire Die Zeit. Le plaignant est un homme de 38 ans originaire de Bavière, qui a été abusé dans les années 1990 dans le district d’Altötting par Peter Hüllermann, qui était alors curé de sa paroisse. Il a déposé plainte fin juin 2022 auprès du tribunal de Traunstein. La procédure ne concerne pas que l’auteur des faits, mais également le pape émérite Benoît XVI (âgé de 95 ans), l’ancien archevêque de Munich, le cardinal Friederich Wetter, ainsi que l’archidiocèse de Munich-Freising.

Négligence fautive?

La victime estime que les hommes d’Eglise ont une responsabilité institutionnelle. Elle met en avant le fait que Peter Hüllermann ait été nommé dans le diocèse de Munich-Freising, en 1980, alors que son passé d’abuseur sexuel était déjà connu. Les responsables de l’époque n’auraient ainsi rien fait pour le mettre hors d’état de nuire et indirectement rendu possible l’abus subi par le plaignant.

L’affaire avait été premièrement ébruitée suite à un rapport indépendant commandité par le diocèse de Munich et publié en janvier 2022. L’enquête affirmait que Joseph Ratzinger avait participé à la réunion ayant abouti à la nomination du Père Hüllermann. Une allégation que Benoît XVI avait tout d’abord nié, avant d’effectivement la reconnaître, prétextant un «oubli». La responsabilité du pape émérite dans cette affaire n’a pas encore été établie avec précision.

Benoît XVI invité à se positionner

Du point de vue du droit pénal, le cas d’abus est déjà prescrit, note la presse allemande. C’est pourquoi la personne concernée souhaite que le tribunal clarifie l’affaire rétroactivement par une action en constatation de droit civil. Il doit vérifier si les hommes d’Eglise qui étaient responsables à l’époque sont également tenus de répondre du dommage subi par la victime.

Le tribunal régional de Traunstein a demandé aux défendeurs de se positionner sur les accusations. Pour Benoît XVI, cela signifie qu’il doit faire savoir dans un délai de quatre semaines, par l’intermédiaire d’un avocat, s’il souhaite présenter un argumentaire en sa défense.

La procédure pourrait cependant échouer si les hommes d’Eglise faisaient valoir l’exception de prescription. Selon l’avocat berlinois du plaignant, Andreas Schulz, l’Eglise doit se positionner pour savoir si elle assume sa responsabilité ou si elle ne fait que se défendre formellement dans le procès civil. Si les défendeurs laissent passer le délai fixé, le tribunal peut prononcer ce que l’on appelle un jugement par défaut, dans lequel il sera uniquement «statué sur la base des faits présentés par le plaignant». (cath.ch/diezeit/ag/arch/rz)

Raphaël Zbinden

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