Immeuble de Londres: Mgr Perlasca, témoin clé, entendu en novembre

À l’occasion de la 31e audience du procès de l’immeuble de Londres, le 19 octobre 2022, les dates de l’audition du témoin clé Mgr Alberto Perlasca ont été annoncées: il sera entendu les 23, 24 et 25 novembre prochains.

L’agence I.MEDIA, présente à l’audience, revient sur les raisons pour lesquelles cet ancien responsable des finances de la secrétairerie d’État occupe une place essentielle dans la procédure actuelle, ainsi que sur les quelques enseignements des auditions du jour.

1. Pourquoi le témoignage de Mgr Perlasca est important?

Depuis le début du procès, le 27 juillet 2021, le témoignage de Mgr Perlasca est de loin le plus attendu – et le plus réclamé par les avocats de la défense. Cité dans tous les volets de cette affaire tentaculaire, le témoin s’est aussi constitué partie civile le 5 mai dernier.

L’Italien a occupé une place stratégique dans la première section de la secrétairerie d’État de 2009 à 2019 en tant que responsable du bureau administratif, soit des finances. Il a travaillé directement pour le cardinal Angelo Becciu – mis en cause dans le procès – quand il était substitut (2012-2018) et pour l’actuel substitut, Mgr Edgar Peña Parra, entre 2018 et 2019.

Pendant dix ans, Mgr Perlasca a donc tenu les cordons de la bourse de l’administration centrale du Saint-Siège. Dans la procédure en cours, qui porte sur des irrégularités observées à la secrétairerie d’État depuis le début du pontificat de François – notamment celles concernant un immeuble acheté par le Saint-Siège à Londres –, son nom est en conséquence omniprésent.

Le 3 septembre 2019, le pape François l’avait changé subitement de poste à l’occasion d’un grand ménage à la secrétairerie d’État, durant lequel cinq responsables avaient été mutés en dehors de l’administration centrale. Mgr Perlasca s’était alors retrouvé au poste – nettement moins stratégique au sein de la Curie – de promoteur de justice du Tribunal suprême de la Signature apostolique.

Quelques mois plus tard, le 18 février 2020, le Saint-Siège annonçait soudainement avoir perquisitionné son bureau et son logement dans le cadre de l’affaire dite ‘de l’immeuble de Londres’ (révélée pendant l’automne 2019). Le prêtre n’était cependant pas arrêté. On apprendra plus tard que, dès le mois d’avril, il fut en fait interrogé par le bureau du promoteur de justice. Ces interrogatoires – au moins sept en tout – vont se prolonger pendant toute l’année et servir de base à l’inculpation de plusieurs accusés.

Le 8 juin 2020, il s’est exprimé pour la première fois dans la presse italienne, affirmant son innocence dans l’affaire londonienne et renvoyant la responsabilité à ses supérieurs, les substituts Mgr Peña Parra et son prédécesseur le cardinal Becciu. Le témoin a mis aussi directement en cause plusieurs anciens collègues ou collaborateurs de la secrétairerie d’État, notamment le secrétaire du substitut Mgr Mauro Carlino, le comptable Fabrizio Tirabassi, et le financier Enrico Crasso pour leurs liens avec Gianluigi Torzi, arrêté et incarcéré par la gendarmerie vaticane le 5 juin 2020.

Sa place de témoin clé apparaît un peu plus au grand jour le 3 juillet 2021, quand son nom ne figure pas dans la liste des dix personnes convoquées pour le lancement du procès, alors qu’il est directement lié à toutes les dépenses effectuées par la secrétairerie d’État entre 2009 et 2019.

Depuis le début du procès, Mgr Carlino, le cardinal Becciu ou encore Fabrizio Tirabassi et Enrico Crasso n’ont pas manqué pendant leurs interrogatoires de pointer du doigt sa responsabilité. Leurs avocats ont demandé à de nombreuses reprises les versions complètes de ses interrogatoires effectués par le Bureau du promoteur de justice, mettant en cause l’intégrité et la véracité des versions présentées.

Le cardinal Becciu a aussi mis en cause la stabilité mentale et émotionnelle de Mgr Perlasca, affirmant que ce dernier lui aurait indiqué vouloir se suicider en juillet 2020. Le cardinal est par ailleurs accusé de subornation de témoin: il aurait, selon le promoteur de justice, demandé à l’évêque du diocèse de Côme (Italie) Mgr Oscar Cantoni (créé cardinal en 2022 par le pape) de faire pression sur Mgr Perlasca pour qu’il retire ses déclarations accusatrices envers le prélat sarde.

2. Une application suspecte identifiée

Lors de cette 31e audience, cinq témoins ont été entendus, dont trois gendarmes du Vatican, un auxiliaire de la police italienne et un archevêque, Mgr Rocco Pennacchio. L’un des gendarmes, Luca de Leo, inspecteur technique informatique du corps de la gendarmerie vaticane, s’est exprimé sur l’extraction et l’analyse des données des appareils électroniques saisis lors de l’enquête.

Il a expliqué que 243 pièces numériques ont été saisies, dont seulement 37 – 9 téléphones mobiles, 17 ordinateurs portables et 11 comptes de messagerie – ont ensuite été utilisées pour l’enquête. Les informations contenues dans ces dispositifs ont ensuite été analysées à l’aide de logiciels capables de filtrer les informations en fonction de thèmes ou de la période.

Le gendarme a confié avoir trouvé une application de messagerie appelée ‘Confide’ (»se confier» en anglais) sur le téléphone portable de Fabrizio Tirabassi. Celle-ci, a-t-il expliqué, permet d’envoyer des messages qui ne peuvent être lus qu’en passant le doigt sur le texte et qui s’effacent immédiatement après. Parmi les contacts sur l’application, le gendarme explique avoir retrouvé Raffaelle Mincione, Enrico Crasso et son fils Riccardo Crasso, mais pas Mgr Perlasca.

3. Les autres témoins et la brève présence de l’archevêque de Fermo

Un autre gendarme, Luigi Bassetti, a été auditionné. Chargé de l’enquête concernant Cecilia Marogna, il est revenu sur des éléments déjà présentés lors des audiences précédentes. Le dernier gendarme entendu, Gianluigi Antonucci, s’est occupé pour sa part de l’enquête sur la coopérative sarde SPES, dirigée par le frère du cardinal Becciu. A aussi été entendu l’officier de la police judiciaire italienne Luigi Cosi, qui a soutenu la gendarmerie vaticane dans leurs investigations en s’occupant de l’analyse des comptes bancaires, notamment de ceux de Fabrizio Tirabassi.

Un autre témoin du jour était l’archevêque de Fermo, Mgr Rocco Pennacchio, qui était économe de la Conférence épiscopale italienne de 2011 à 2016, quand le cardinal lui a demandé de financer le diocèse d’Ozieri. Venu des Marches pour le procès, il a simplement maintenu sa déposition initiale – que personne n’a commentée – avant de retourner à son diocèse.

Le procès se poursuivra vendredi 21 octobre avec la fin de l’audition du gendarme Gianluigi Antonucci. Ce même jour sont également attendus Angelo Martone, Domenico De Salvo et Stefano Calamelli. (cath.ch/imedia/cd/ic/rz)

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