Visite à une Eglise oubliée : l’Eglise orthodoxe de Pologne

APIC – Document (081087)

Paris, 8octobre(APIC) Première confession minoritaire du pays, l’Eglise

orthodoxe de Pologne, est solidement implantée – depuis le 14ème siècle en Pologne Orientale. Dans un document publié dans son édition d’octobre,

le Service orthodoxe de presse (SOP) à Paris publie le reportage du professeur Dimitri Pospielovsky, de l’Université canadienne de l’Ontario occidental, qui a participé au dernier pèlerinage annuel de Grabarka, dans la

région de Bialystok, près de la frontière soviétique.

Son témoignage permet ainsi de découvrir cette Eglise oubliée qui a eu

dans l’histoire des rapports parfois épineux avec l’Eglise catholique, largement majoritaire dans le pays. L’Eglise orthoxode de Pologne est avant

tout une Eglise populaire, qui rencontre des difficultés de catéchèse dans

des campagnes qui se désertifient, qui manque de papier et de ressources

pour pouvoir éditer en quantité suffisante les livres et publications

nécessaires.

Pour avoir participé au Pèlerinage au Couvent de Grabarka, à une centaine de kilomètres de Bialystok, – ou des dizaines de milliers d’orthodoxes,

dont beaucoup de jeunes, venus de toute la Pologne célèbrent la fete de la

Transfiguration dans la nuit du 18 au 19 aout – le professeur Pospielovsky

affirme que l’on ne peut certainement pas parler d’une Eglise vieillissante

qui serait sur le déclin. Voici son témoignage.

Nos visites aux paroisses avoisinant Grabarka ont confirmé cette impression, tout en faisant ressortir la situation beaucoup plus difficile des

orthodoxes de la partie sud-est de la Pologne, ou la population orthodoxe

est essentiellement d’origine ukrainienne. C’est ainsi que les 12’000 orthodoxes de la ville de Bielsk-Podlaski, située à une cinquantaine de kilomètres au sud de Bialystok et dont la population totale compte 20’000 habitants, n’ont que trois églises (pour deux églises catholiques, l’une

d’elles ayant été confisquée aux orthodoxes dans les années 30). L’église

St-Michel, par exemple, qui a trois pretres résidents, célèbre huit liturgie et sept vigiles par semaine, donne des cours de catéchisme pour 870

jeunes de 7 à 18 ans, organise des groupes de réflexion religieuse pour

adultes et adolescents, des classes d’iconographie.

Un isolement culturel

Néanmoins, bien des problèmes demeurent, héritage d’un passé difficile.

C’est ainsi que la langue parlée par au moins 80% des fidèles est le polonais, qui est évidemment la langue d’enseignement à l’école et la langue

officielle sur les lieux de travail. Or, les services religieux se font en

slavon et les homélies sont généralement dites en russe. Cependant une minorité de jeunes voudraient que les offices religieux se fassent en polonais; en effet, la grande majorité de la polulation est catholique, et

« catholique » est pour les orthodoxes synonyme de persécution. Ceux-ci se

souviennent que les catholiques polonais leur ont pris et dans la plupart

des cas démoli quelque 800 églises durant les années trente.

C’est en raison de cette méfiance et de ces préjugés que le mouvement

« Solidarnosc » n’a pas eu beaucoup de succès dans la région de Bialystok.

Les orthodoxes polonais sont pourtant tout aussi hostiles au marxisme que

leurs compatriotes catholiques. Ce qui est tragique, c’est que les seuls

moments de sécurité et de tranquillité que les orthodoxes aient connu en

Pologne leur ont été assurés par l’actuel régime communiste, de sorte que

la plupart des orthodoxes lui paient de retour en lui témoignant une sorte

de loyauté civique. A l’heure actuelle, des listes circulent en Pologne,

contenant des centaines de noms de membres du clergé ou de laics orthodoxes

qui auraient été « condamnés à mort » par la direction de « Solidarnosc »;

selon toute vraisemblance, il s’agit de faux dossiers confectionnés par la

police de sécurité d’Etat afin de semer la discorde et la méfiance, et cela

marche; et la plupart des orthodoxes à qui j’en ai parlé pensent que ces

listes ont bien été établies par des activistes de « Solidarnosc ». Le

résultat en est une atmosphère très malsaine, mais fort profitable au

régime.

Cette « nation » orthodoxe de Pologne, lointaine mais nullement

inaccessible, souffre de son isolement du monde extérieur beaucoup plus que

la majorité catholique. Elle a besoin de livres, d’instruction,

d’information. Ses bibliothèques religieuses sont d’une pauvreté désolante.

Son clergé et ses instituteurs ont un besoin criant de manuels, d’ouvrages

de catéchisme et de livres de prières en slavon, puisque la plupart des

services religieux se font dans cette langue. Enfin, les orthodoxes

polonais, et surtout les jeunes, aimeraient beaucoup accueillir de jeunes

visiteurs chrétiens de l’étranger; ces derniers auraient beaucoup à

apprendre en retour et s’enrichiraient au contact de la piété et de la

spiritualité de la population orthodoxe.

Situation générale des orthodoxes en Pologne orientale

Tout au long de son histoire, la Pologne a été un Etat multi-ethnique et

multi-religieux. C’est la modification de ses frontières, après la Seconde

Guerre mondiale, qui a conduit à la prééminence actuelle de l’Eglise

catholique dans le pays. De ce fait, l’Occident a eu tendance à négliger

l’existence de l’Eglise orthodoxe polonaise. Or, il s’agit de la deuxième

des confessions existant en Pologne par son importance. Elle est bien plus

importante que n’importe laquelle des confessions protestantes. On compte

en effet entre 500’000 et 600’000 orthodoxes pratiquants en Pologne. Au

moins 80% d’entre eux vivent sur une bande s’étendant sur une largeur de

soixante kilomètres le long de la frontière soviétique, ou les orthodoxes

représentent souvent la majorité absolue des croyants.

La plupart des orthodoxes polonais sont d’origine ukrainienne et vivent

dans le diocèse de Przemysl, dans le sud-ouest du pays, ou d’origine

biélorusse, rassemblés dans le diocèse de Bialystok. On y trouve aussi des

grecs-catholiques ukrainiens (uniates), qui célèbrent selon le rite

orthodoxe mais reconnaissent le pape. Ces uniates ne sont pas reconnus par

l’Etat, de sorte que des pretres spécialement autorisés leur célèbrent des

offices de leur rite dans certaines paroisses catholiques, bien qu’avant la

Seconde Guerre mondiale il aient eu leurs propres paroisses et leur clergé.

Une identité qui s’affirme difficilement

La partie sud-est de la Pologne actuelle a été depuis longtemps le

théatre d’une apre rivalité entre catholiques et orthodoxes; ce conflit

confessionnel s’est encore aggravé d’un conflit national entre Polonais et

Ukrainiens. Depuis la Seconde Guerre mondiale, des facteurs et événements

politiques extérieurs tels que l’influence soviétique, le régime communiste

polonais, la dispersion des Ukrainiens dans le nord et l’ouest du pays et

l’émergence du mouvement « Solidarnosc » ont encore compliqué la situation.

Rempart oriental du catholicisme et bastion de l’identité nationale

ukrainienne, la communauté grecque-catholique (uniate) s’est souvent

heurtée à l’hostilité tant du régime communiste polonais que du clergé

catholique, bien qu’il y ait eu ces derniers temps des signes encourageants

d’apaisement des deux cotés. Quant aux Ukrainiens authentiquement

orthodoxes, assimilés à une Eglise appuyée par l’Etat communiste et

nourrisant des sympathies pour la Russie, ils ont commencé depuis quelque

temps à affirmer leur identité ethnique. Cela risque de leur attirer une

hostilité plus grande encore de la part des catholiques polonais, mais

aussi celle de leurs frères uniates. (apic/cor)

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