Abus dans l'Église en France: travail en vue avec le Vatican

«Le Saint-Siège a besoin que chacun joue pleinement son rôle», a expliqué le président de la conférence des évêques de France (CEF), Mgr Éric de Moulins-Beaufort, dans son discours conclusif de l’assemblée plénière d’automne des évêques de France, le 8 novembre 2022. Une délégation de l’épiscopat français se rendra bientôt à Rome pour travailler sur la question des abus avec les instances concernées.

«En raison même de la nature de leur charge apostolique, les évêques dépendent directement du Saint-Siège», assure l’épiscopat français dans un message intitulé Bouleversés et résolus, publié au terme de l’assemblée plénière. Assurant qu’il n’y a «pas d’impunité des évêques », l’épiscopat dans son ensemble s’engage à «travailler avec le Saint-Siège aux clarifications et aux simplifications qui s’imposent».

Par la présence à Lourdes du Père Luc-Marie Lalanne, official du dicastère pour la Doctrine de la foi, «le Saint-Siège a montré sa disponibilité à entendre ce dont nous avons besoin», a expliqué Mgr Éric de Moulins-Beaufort lors de la conférence de presse suivant la clôture de l’assemblée. «Il y a du travail à faire avec le Saint-Siège», a expliqué le président de la CEF.

«Nous allons agir auprès des dicastères romains concernés pour préciser les procédures, établir des critères plus précis quant à la publication des faits et des sanctions», a promis le président de la CEF dans le contexte de crise liée à la non-publication et à la légèreté de la sanction infligée à Mgr Michel Santier, astreint en octobre 2021 à se retirer dans une vie de prière et de pénitence pour des abus commis sur deux jeunes hommes en confession. Cette décision n’avait pas été rendue publique et il a donc pu l’outrepasser, notamment en participant, en avril 2022, à la messe chrismale dans le diocèse de Créteil.

Mis en place d’un ‘comité de suivi’

Ce dysfonctionnement majeur a amené les évêques de France à décider de mettre en place, au niveau national, un «comité de suivi auquel tout archevêque ou évêque ayant à traiter du cas d’un autre évêque pour des abus ou agressions sexuelles se référera, afin d’être accompagné dans toutes les étapes de la procédure». Cet organisme veillera à la mise en application du Motu proprio du pape François Vos estis lux mundi, qui porte sur la responsabilité des évêques quand ils sont mis en cause, soit pour des accusations d’abus les concernant eux-mêmes, soit pour le mauvais suivi d’une affaire concernant leur diocèse.

Ce Motu proprio prévoit la prise en charge par l’archevêque métropolitain des dossiers impliquant un évêque de leur province. Lors de la conférence de presse suivant la clôture de l’assemblée, Mgr de Moulins-Beaufort a cependant reconnu que dans ce type de procédure, «le regard de tiers manque», notamment pour conseiller l’archevêque dans son ›votum› transmis à Rome. Il s’agit de la recommandation transmise au dicastère pour la Doctrine de la foi et au dicastère pour les Évêques. Le comité de suivi sera composé de personnalités qualifiées et indépendantes, afin de limiter les risques de conflits d’intérêts.

La publication des sanctions, notamment vis-à-vis des victimes, est une demande fortement relayée par la CEF auprès de Rome, en arguant de la «maturité du peuple de Dieu» dans sa compréhension des peines infligées à un prêtre ou à un évêque. Les responsables de la CEF ont aussi reconnu que «la foi des fidèles est heurtée lorsqu’un prêtre ayant abusé sexuellement d’une personne continue de célébrer l’Eucharistie», ce qui est le cas de Mgr Santier lui-même, censé demeurer dans un couvent de religieuses mais encore autorisé à célébrer en privé.

Dans la continuité des annonces effectuées à l’automne 2021 après la publication du rapport de la CIASE, les évêques ont par ailleurs voté «les statuts du Tribunal pénal interdiocésain qui devrait par conséquent, dès réception du visa du Tribunal de la Signature apostolique, être mis en place début décembre», ont-ils précisé. 

Interrogations sur la situation du cardinal Ricard

Le président de la CEF a par ailleurs révélé avoir appris la situation du cardinal Ricard alors qu’il se trouvait à Rome, en février dernier, à l’occasion du Symposium sur le sacerdoce. Il a alors reçu un appel téléphonique de Sœur Véronique Margron à ce sujet et il est entré en relation avec la victime, une femme qui avait 14 ans lors des faits commis dans les années 1980, lorsque Jean-Pierre Ricard était curé à Marseille.

Cette femme «ne souhaite pas être connue ou identifiée», a précisé Mgr de Moulins-Beaufort. Un signalement à la justice française a été effectué il y a deux semaines par l’ancien évêque de Digne, diocèse d’accueil du cardinal Ricard, qui avait choisi d’exercer un service en paroisse après avoir quitté sa charge d’archevêque.

Selon nos informations, le cardinal Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille, a effectué un signalement auprès de la justice canonique durant l’assemblée des évêques à Lourdes. I.MEDIA n’est pour le moment pas en mesure de savoir à quel moment le pape a été informé de la situation. Le renoncement du cardinal Ricard à sa charge de délégué pontifical pour les Foyers de Charité, en mars dernier, aurait été lié à cette affaire. Néanmoins, l’ancien président de la CEF a participé au Consistoire du 27 août 2022 et à la réunion des cardinaux qui avait suivi, assurant même la charge de rapporteur d’un groupe.

Après son auto-dénonciation par la lettre adressée aux évêques de France le 6 novembre et rendue publique le lendemain, un éventuel renoncement de l’archevêque émérite de Bordeaux à ses prérogatives de cardinal relèvera de son choix en conscience et d’une décision du pape François en personne, a expliqué Mgr de Moulins-Beaufort. Le président de la CEF a précisé n’avoir aucun mandat pour prendre une position publique sur ce sujet. (cath.ch/imedia/cv/bh)

I.MEDIA

Portail catholique suisse

https://www.cath.ch/newsf/abus-dans-leglise-en-france-travail-en-vue-avec-le-vatican/