L’ex-Auditeur général du Vatican poursuit le Saint-Siège en justice

L’ancien Auditeur général du Vatican, Libero Milone, va poursuivre la Secrétairerie d’État du Saint-Siège pour licenciement abusif, a-t-il annoncé lors d’une conférence de presse le 8 novembre 2022, à Rome. Il affirme, depuis sa démission forcée en juin 2017, avoir été la victime d’une machination pour éviter qu’il révèle d’importantes irrégularités financières.

Libero Milone déclare vouloir se défendre après que le Saint-Siège a ouvert une enquête contre lui au printemps dernier. En 2015, il était recruté par le pape François pour devenir Auditeur général du Saint-Siège, l’autorité anti-corruption du petit État mise sur pied par le pontife. Deux ans plus tard, en juin 2017, l’ex-président de Deloitte Italie était licencié par le pape sans explication. Il était ensuite cependant mis en cause pour espionnage et détournement de fonds.

Sortant de son silence en septembre 2017, il affirmait avoir été poussé à la démission par un prétexte fallacieux et dénonçait un complot à son encontre visant à éviter qu’il ne mène à bien ses recherches sur les irrégularités financières du Saint-Siège. Il expliquait que la Secrétairerie d’État avait empêché un audit signé avec le cabinet PWC en 2016.

L’ombre de ‘l’immeuble de Londres’

Libero Milone mettait aussi directement en cause Mgr Angelo Becciu, à l’époque substitut de la Secrétairerie d’État, et la Gendarmerie vaticane. Le Vatican niait alors en bloc ces accusations.

L’affaire était placée par le pape sous le sceau du secret pontifical et ne donnait donc lieu à aucune enquête. En 2018, Mgr Becciu était créé cardinal par le pape. Mais l’ancien substitut était finalement écarté du pouvoir par le pontife en 2020 alors que les accusations s’étaient multipliées à son encontre dans la presse. Il était ensuite inculpé en 2021 par le tribunal du Vatican pour répondre de sa responsabilité dans la mauvaise gestion des finances de la Secrétairerie d’État. Le procès, toujours en cours, est connu comme celui de l’affaire dite de ‘l’immeuble de Londres’.

Licenciement abusif?

Peut-être faut-il y voir un effet de cette procédure en cours: au début 2022, le pape a décidé de lever le secret pontifical sur le licenciement de Libero Milone. Au printemps, a confirmé Matteo Bruni, directeur du Bureau de presse du Saint-Siège au New York Times, la justice du petit pays a ouvert une enquête contre l’ancien Auditeur général pour détournement de fonds. Selon Libero Milone, cette enquête est une façon de faire pression pour qu’il ne livre pas les secrets dont il dispose sur les finances vaticanes.

En réaction à cette procédure, le 8 novembre 2022, l’ex-auditeur a annoncé qu’il allait contre-attaquer et poursuivre la Secrétairerie d’État pour atteinte à sa réputation professionnelle et résiliation abusive de son contrat et de celui de son collègue auditeur Ferruccio Panicco. Ce dernier, de plus, fait le lien entre l’avancement de son cancer de la prostate et son licenciement. Les deux hommes réclament plus de 9 millions d’euros de dommages et intérêts.

L’ex-chef de la Gendarmerie mis en cause

Lors de la conférence de presse, Libero Milone a par ailleurs levé le voile sur plusieurs découvertes effectuées en enquêtant quand il était auditeur général. Il accuse notamment un cardinal de la Curie, dont il tait le nom, d’avoir gardé 250’000 euros de dons en liquide dans un sac plastique dans son bureau et d’avoir viré 250’000 autres euros sur son compte personnel plutôt que sur celui de l’entité vaticane qu’il dirigeait.

Le pape François serait devenu furieux en apprenant la nouvelle et aurait ordonné à Libero Milone de prévenir l’intéressé. Celui-ci, embarrassé, aurait déclaré qu’il avait l’habitude de faire comme il voulait dans son pays. Le cardinal aurait cependant rendu la somme «empruntée».

Libero Milone accuse aussi Domenico Giani, ex-chef de la Gendarmerie vaticane, d’avoir utilisé 170’000 euros du Vatican pour financer la rénovation de son appartement. Celui-ci a démissionné en 2019 après une fuite de dossiers sur la suspension de cinq membres de la Curie – dont plusieurs sont aujourd’hui sur le banc des accusés dans le procès de l’immeuble de Londres. N’étant pas personnellement mis en cause et en signe de reconnaissance pour des années de services, il s’est vu remettre une médaille par le pape François peu de temps après.

Le cardinal Becciu nie tout complot

L’avocat du cardinal Becciu, Fabio Viglione, a réagi aux accusations de Libero Milone, insistant sur le fait que le pape François en personne avait décidé de la disgrâce de l’Auditeur général. Il affirme que le document perquisitionné chez lui par la Gendarmerie vaticane indiquait «qu’une surveillance illégale commandée par M. Milone à une société externe pour surveiller la vie privée des membres du Saint-Siège avait été détectée».

L’avocat explique en outre que l’enquête du cabinet PWC avait été révoquée, comme l’avait affirmé le Bureau de presse du Saint-Siège en 2016, en raison de doutes émis par la secrétairerie d’État sur «certaines clauses» du contrat signé par Libero Milone. Il menace ce dernier d’intenter une action en justice contre lui s’il continue à diffuser ses «reconstitutions totalement infondées».

Le pape François a remplacé Libero Milone en 2021, nommant à sa place celui qui assura l’intérim entre 2019 et 2021, Alessandro Cassinis Righini. Ce dernier, interrogé comme témoin dans le cadre du procès de l’immeuble de Londres, le 30 septembre dernier, a très durement critiqué le manque de professionnalisme de la Secrétairerie d’État dans la gestion de ses finances. Il a notamment mis en avant la résistance du cardinal Becciu à tout contrôle extérieur. (cath.c/imedia/cd/rz)

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