Garder la possibilité du bien

Je ne veux pas en rajouter une couche. A propos des abus perpétrés par certains membres du clergé catholique, la colère et la réprobation s’expriment à foison, dans et hors des cercles d’Eglise. Avec raison. Sans oublier la souffrance des victimes qu’il faut comprendre, accompagner et aussi indemniser.

On ose espérer que les leçons de ces drames sont désormais tirées et que des réformes urgentes sont en voie de mise en œuvre. Le prochain synode est attendu au contour, sur ce point comme sur d’autres.

Mais j’ai aussi retenu de mes (mauvaises) fréquentations en prison un avertissement très important: il ne faut jamais réduire quiconque au mal qu’il a pu faire, si grave qu’il fut. Ecouter un prisonnier, ce n’est pas tout excuser; ce n’est pas non plus le soupçonner d’avoir été un délinquant ontologique ou permanent; et c’est encore moins prévoir que son avenir ne pourra que prolonger en pire ce qui l’a conduit là.

«Rien n’est jamais fini, rien n’est jamais perdu pour le Dieu-Amour»

J’ai connu des trafiquants de drogue marchant sur les chemins de la sainteté. Un criminel peut avoir fait beaucoup de bien dans d’autres circonstances antérieures. Qui peut affirmer, au risque de désespérer le coupable, qu’il sera toujours soumis à la fatalité du mal? Si la miséricorde sur le passé ne dispense pas du devoir de réparation responsable, la rédemption ouvre aussi des lendemains pour de nouvelles bienfaisances.

Le Christ Jésus dit lui-même qu’il est venu sauver aussi -et même d’abord- les malades et les pécheurs, afin que personne ne se sente enfermé pour toujours dans la prison d’une déréliction létale.

Tout bien réalisé avec engagement et sincérité reste du bien, même s’il est écrit sur un parchemin taché par des fautes indélébiles. Sur la page suivante, il y a encore beaucoup de bien à faire, qui sera aussi du vrai bien, malgré un passé qui pèsera toujours dans la conscience de la personne.

A mes confrères soupçonnés, jugés et même condamnés, je voudrais dire -à eux comme à tout autre personne- qu’ils demeurent des frères en humanité et en vocation. Et prier pour qu’ils ne désespèrent pas de la possibilité du bien, celui qu’ils ont encore à accomplir, avec la grâce de Dieu, avec le pardon demandé et reçu et avec la communion de vrais amis.

Rien n’est jamais fini, rien n’est jamais perdu pour le Dieu-Amour.

Claude Ducarroz

23 novembre 2022

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