Emmanuel Pittet, premier laïc à la tête de la «liturgie romande»

Le Centre Romand de Pastorale Liturgique (CRPL), à La Pelouse à Bex, a un nouveau directeur depuis septembre 2022. Le liturgiste et chef de chœur fribourgeois Emmanuel Pittet, premier laïc à ce poste, succède au prêtre dominicain Philippe de Roten.

Avec un grand-père sacristain, une grand-mère choriste, une mère choriste et un père lecteur et auxiliaire de l’eucharistie, Emmanuel Pittet baigne dans la liturgie depuis sa tendre enfance. «J’avais un petit piano électrique à la maison. Quand on rentrait de la messe, j’essayais de rejouer les mélodies que ma maman avait chanté», se souvient-il.

Né en 1983 à Fribourg, Emmanuel effectue sa scolarité à Villaz-St-Pierre, puis Bouloz. D’abord chanteur dans un chœur d’enfants, il rejoint ensuite le chœur-mixte de sa paroisse. Parallèlement, il s’engage aussi comme accompagnateur de parcours de confirmation, après avoir effectué la sienne.

Une passion pour la direction chorale

A 19 ans, il débute la direction chorale dans sa région d’enfance, avec le chœur-mixte de Promasens, puis celui de Saint-Martin. En 2003, il découvre la Semaine romande de musique et de liturgie (SRML), à Saint-Maurice. Il y prend goût et intègre le Bureau de la SRML en 2009. Depuis 2010, il occupe la place de chef de chœur à Villaz-St-Pierre. Il décide alors de se former à sa passion et obtient un diplôme de direction au conservatoire de Fribourg, avec Jean-Claude Fasel, en 2011.

Emmanuel Pittet, encore enseignant de chimie, se voit proposer de rejoindre le CRPL.

Nonobstant son amour pour la direction et la liturgie, Emmanuel Pittet se destine d’abord à une voie plus scientifique. Après avoir terminé un Bachelor en chimie à l’Université de Fribourg, il enseigne cette branche à l’École professionnelle de cette ville.

C’est toutefois à l’automne 2011 que son avenir prend une autre orientation. À la fin d’une messe radiodiffusée avec Choliro (Chœur liturgique romand) à l’Abbaye de Saint-Maurice, Mgr Joseph Roduit (†2015) et le prieur de l’époque, Jean Scarcella, s’approchent de lui et lui proposent de rejoindre le CRPL, dirigé à ce moment-là par l’abbé François Roten.

Emmanuel Pittet, premier laïc à la direction du Centre Romand de Pastorale Liturgique (CRPL) depuis 2022 | © Grégory Roth

Formation liturgique de deux ans à Paris

A partir de 2012, Emmanuel Pittet est engagé à mi-temps au CRPL, avec l’opportunité de se former deux à trois jours par semaine à Paris. Pendant deux ans, il va préparer un diplôme de liturgie et un certificat de musique liturgique à l’Institut supérieur de liturgie (ISL), au sein de l’Institut catholique de Paris (ICP). Son travail de mémoire s’intitule La promotion du chant liturgique en français avant le Concile Vatican II: Le rôle de Studio SM.

«Mon travail consistait à extraire et compiler les chants liturgiques en français d’avant-concile»

Emmanuel Pittet

«Le sigle ‘SM’ est pour Simone et Maurice Robreau, précise le liturgiste. Le couple parcourait, dans les années 1950, les abbayes françaises. Il enregistrait les chœurs de moines et moniales pour en presser ensuit des disques. Mon travail consistait à compiler les disques et le catalogue de Studio SM pour en extraire les œuvres en français d’avant-concile. Pour mes recherches, j’ai pu bénéficier d’une partie des archives de la Conférence des évêques de France et des connaissances de la période du Mouvement liturgique.»

En 2014, après ses études parisiennes, Emmanuel Pittet assure un mi-temps de présence pour le CRPL à Bex, en compagnie du Père Philippe de Roten, directeur, et Sœur Claire-Isabelle Siegrist, collaboratrice. En complément, il est engagé, dès 2015, comme collaborateur spécialisé en liturgie pour le compte de l’Abbaye de Saint-Maurice. Et prend la direction du Chœur-Mixte de Saint-Maurice de 2017 à 2022.

Le nouveau visage du CRPL

Depuis septembre 2022, le Centre Romand de Pastorale Liturgique change de visage. Emmanuel Pittet dirige et coordonne les activités à 70%, avec le Père Jean Bosco Devaux, collaborateur à 30%, et l’abbé Pascal Desthieux, personne ressource à 10%. «Jusqu’à présent, nous étions tous à Bex. Il était facile de nous retrouver chaque semaine. Désormais, nous sommes situés entre Genève et Fribourg. Nous prévoyons des grandes rencontres une fois par trimestre pour nous coordonner dans les grands projets», suggère le Fribourgeois.

Des missions, le CRPL en a plusieurs. Assurer l’élaboration et la publication annuelle du Calendrier liturgique en est une petite. C’est la première tâche qu’Emmanuel Pittet a reçue, lorsque il a intégré l’ancienne équipe, en 2012. «La conception est réalisée au printemps, l’impression en été et l’envoi en automne, puisque l’année liturgique débute le 1er dimanche de l’Avent, soit fin novembre ou début décembre», détaille le nouveau directeur.

Emmanuel Pittet collabore depuis 2012 au Centre Romand de Pastorale Liturgique (CRPL) | © Grégory Roth

Des formations pour des agents pastoraux et les paroisses

La majeure partie de l’engagement du CRPL se situe dans la formation et l’enseignement, notamment au Centre catholique romand de formations en Église (CCRFE), à Fribourg. «La première année de cours au CCRFE est une initiation à la liturgie. Je fais découvrir aux étudiants la ritualité de la messe par le chant. Comme la musique touche beaucoup les gens, c’est par elle que l’on découvre les rites». La formation pour les animateur-trice-s en paroisse permet aussi de se familiariser avec les textes liturgiques de Vatican II et la présentation générale du Missel romain (PGMR).

«Aujourd’hui, nous voulons aller à la rencontre des paroisses pour donner ces formations»

La nouvelle équipe est formée d’un laïc et de deux prêtres. «Ainsi nous gardons une complémentarité dans l’équipe du CRPL. C’est une richesse. Car nous avons chacun notre point de vue et notre bagage, mais aussi chacun notre spécificité. Par exemple, pour le Rituel des sacrements, étudié en deuxième année de CCRFE. Je trouve plus légitime qu’un prêtre en parle, puisque qu’il célèbre tous les sacrements et qu’il a été ordonné pour cela. Pour ma part, je me concentre sur l’enseignement de l’Année liturgique et les Célébrations de la Parole».

La «mission première» du CRPL est la formation pour les laïcs et les paroisses aux différents métiers de la liturgie: lecteur-trice-s, auxiliaires de l’eucharistie, sacristain-tine-s, acteur-trice-s musicaux, chantres, etc. «Jusqu’à maintenant, nous avions donné toutes ces formations à La Pelouse. Aujourd’hui, – et c’est une nouveauté lancée par l’équipe –, nous voulons aller dans les paroisses pour donner ces formations». Les demandes arrivent gentiment. Le directeur évoque une formation pour les lecteurs qu’un de ses collaborateurs donnera prochainement à la paroisse francophone de Zurich.

Des chantiers liturgiques en francophonie

En tant que directeur du CRPL, Emmanuel Pittet assure enfin le secrétariat national auprès de l’Association Épiscopale Liturgique pour les pays Francophones (AELF). «Avec mes homologues de chaque pays francophone, il s’agit de suivre les différents chantiers liturgiques et de préparer les groupes de travail et de traduction des différents textes qui viennent de Rome. Il y a des éditions romaines qui sont en latin et qui doivent être traduites par les conférences épiscopales dans la langue vernaculaire: le Missel – dont la nouvelle traduction a pris vingt ans –, le Lectionnaire, la Liturgie des Heures, les Hymnes, les Rituels sacramentels, etc.».

«Il y a ceux qui sont restés coincés avant Vatican II et ceux pour qui tout a commencé à Vatican II. En réalité, nous sommes tous dans une continuité»

Le nouveau directeur du CRPL voit son rôle comme un service. Pour ses collègues et pour toutes personnes intéressées à être formées en liturgie. «J’ai été formé pour être au service de la liturgie», conclut-il. (cath.ch/gr)

La liturgie: sujet sensible par excellence de l’Église?

Comment le liturgiste que vous êtes se situe par rapport aux différentes sensibilités?
Emmanuel Pittet: À ce sujet, j’ai été frappé par une phrase de l’homélie du pape François à l’occasion des 60 ans de l’ouverture du Concile Vatican II, le 11 octobre 2022 au soir. Il disait: «Prenons garde, tant le progressisme, qui s’adapte au monde, que le traditionalisme (ou régression), qui regrette un monde passé, ne sont pas des preuves d’amour, mais d’infidélité…». Pour la liturgie, c’est pareil. Il y a ceux qui sont restés coincés avant Vatican II, et ceux pour qui tout a commencé à Vatican II. En réalité, nous sommes tous dans une continuité: de l’avant à l’après, en passant par le «pendant».

Les textes du concile ne présentent-ils pas justement cette continuité?
Absolument. La constitution liturgique Sacrosanctum Concilium nous rappelle que le chant grégorien est le chant premier de l’Église. Elle nous demande aussi de ne pas oublier le trésor polyphonique que l’on a acquis depuis le 16e siècle. Enfin, elle nous dit qu’il ne faudra oublier nullement le chant en langue vernaculaire pour que l’assemblée puisse s’y associer et prier différemment. Autrement dit, il y a un équilibre musical à trouver entre ces trois trésors liturgiques.

Quel est pour vous le programme musical parfait?
Dans la liturgie, la musique est rituelle par essence. Le programme liturgique idéal sera celui qui permettra d’en comprendre toute la ritualité. GR

Grégory Roth

Portail catholique suisse

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