Homélie du 18 décembre 2022 (Mt 1, 18-24)

Abbé Pascal Desthieux – Basilique Notre-Dame, Genève

L’importance du nom

« On lui donnera le nom d’Emmanuel. »

« Tu lui donneras le nom de Jésus. »

Donner un nom, ce n’est pas rien. Le choix du prénom, c’est tellement important.

Je suis sûr qu’il y a une question que vous n’avez pas manqué de poser à vos parents : pourquoi vous ont-ils appelé ainsi ?

Mes parents m’ont répondu que j’étais prévu pour Pâques, et ils m’ont tous naturellement appelé Pascal. Ma sœur s’appelle Marie-Noëlle ; je vous laisse devenir avant quelle fête elle est née. Effectivement, c’est bientôt son anniversaire.

Le prénom est choisi soigneusement. C’est parfois le nom d’un membre de la famille particulièrement aimé. Ou le prénom d’un saint important pour nous.

Le prénom peut être aussi une reconnaissance, une action de grâce. Nous venons d’apprendre que la nouvelle représentante de l’évêque à Genève est depuis quelques jours l’heureuse maman d’un petit Nathanaël, très joli prénom qui signifie « cadeau de Dieu ».

A Joseph de lui donner un nom

Dans cet Évangile, qui nous prépare à Noël qui s’approche, c’est à Joseph que l’ange demande de donner un nom au Messie – je ne parle évidemment pas du joueur argentin qui affrontera cet après-midi la France en finale de la coupe du monde, mais du Messie tant attendu, dont le nom hébreu signifie : celui qui reçoit l’onction, en grec : Christos.

Joseph, dont le nom hébreu yôsephyâh, signifie : « Dieu ajoutera », reçoit donc cette mission importante. En donnant un nom à l’enfant, il assume la paternité légale et le fait entrer dans une lignée, en l’occurrence celle du roi David.

Joseph, dit l’Évangile, est un homme juste. Mais que va-t-il faire quand il apprend que son épouse est enceinte et qu’il sait pertinemment que cet enfant ne vient pas de lui…

Car oui, Joseph est déjà marié à la jeune Marie mais, non, ils ne vivent pas encore ensemble. Il faut savoir que dans les coutumes juives de l’époque, une jeune fille, dès qu’elle a atteint l’âge de 12 ans et un jour, peut être mariée. Une fois que le mariage est décidé, les deux familles se rencontrent, le jeune homme demande à la jeune fille : « veux-tu être ma femme ? », et elle a son futur mari : « veux-tu être mon mari ? », ils sont dès lors officiellement mariés. Mais comme elle est encore très jeune, la jeune fille retourne chez ses parents, au moins une année, en attendant le temps où elle sera prête pour s’établir chez son mari.

On comprend donc le désarroi de Joseph. Il ne veut pas que Marie soit condamnée, il lui fait miséricorde en décidant de la renvoyer en secret. Il se retire. Et voici que l’ange vient lui parler pour lui demander d’assumer pleinement cette paternité : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, puisque l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint ; elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus ». L’original grec apporte une précision intéressante, par deux petites conjonctions : « Car, en effet, certes » l’enfant qui est engendré en Marie vient de l’Esprit Saint » : c’est un fait, qui n’est pas remis en question. « Mais, cependant », toi, tu vas lui donner un nom.

Parmi les nombreuses interprétations de ce texte, je retiens celle de saint Jérôme qui estime que Marie lui avait révélé les paroles de l’ange qui lui annonce qu’elle sera la mère du Sauveur et qu’elle concevra de l’Esprit Saint. Joseph, homme juste, en présence d’une si grande œuvre divine qui le dépasse, estime qu’il est préférable de se retirer.

Vrai Dieu et vrai homme

Quoi qu’il en soit, pour nous, cet Evangile est important ; Matthieu nous a annoncé, en entrée de jeu, ce qu’il souhaite nous présenter : « Voici comment fut engendré Jésus Christ ». Il est réellement le Fils de Dieu, et c’est seulement ainsi qu’il peut être notre Sauveur, et en même temps il entre dans notre histoire, et dans une famille, la descendance de David.

Comme le confirme saint Paul dans la lettre aux Romains que nous venons d’entendre : « Cet Évangile, que Dieu avait promis d’avance par ses prophètes dans les saintes Écritures, concerne son Fils qui, selon la chair, est né de la descendance de David et, selon l’Esprit de sainteté, a été établi dans sa puissance de Fils de Dieu. »

Tu lui donneras le nom de Jésus 

Alors qu’on donnait souvent à un enfant le nom de son père, l’ange demande à Joseph de lui donner le nom de Jésus, « qui veut dire Dieu sauve, car il sauvera son peuple de ses péchés ». Ce nom est tout un programme. Jésus est celui que Dieu nous envoie pour nous sauver !

Pendant ce temps de l’Avent, nous aimons invoquer et chanter la venue du Sauveur : Viens Seigneur, viens nous sauver !

Tout à l’heure, dans l’anamnèse, nous chanterons : « Notre sauveur et notre Dieu, viens Seigneur Jésus ».

Pour vraiment l’accueillir comme sauveur, il est bon de nous demander : de quoi ai-je besoin d’être sauvé aujourd’hui ? Qu’est-ce qui entrave mon chemin vers une paix profonde, un bonheur véritable, un amour authentique ?

Oui, viens Seigneur, viens nous sauver.

Il s’appellera Emmanuel, « Dieu avec nous »

Jésus reçoit un deuxième prénom, ou plutôt va réaliser cette prophétie d’Isaïe : « Voici que la vierge est enceinte, elle enfantera un fils, qu’elle appellera Emmanuel, c’est-à-dire : Dieu avec nous ». Ce petit pronom hébreu : « im », est tellement important. « Avec ». Dieu est avec nous.

Noël, c’est Dieu qui se fait « avec », avec nous, avec chacun de nous.

Dans toute sa vie, Jésus va réaliser cette prophétie, en proclamant la proximité de Dieu, qui est profondément avec nous.

Et les dernières paroles de Jésus dans ce même Evangile de Matthieu seront justement : « Et moi, je suis avec vous, tous les jours, jusqu’à la fin des temps ».

Comme il est bon pour nous que Dieu soit avec nous.

C’est d’ailleurs le plus beau souhait que nous pouvons nous adresser, et qui résonne à plusieurs reprises dans la liturgie : « Le Seigneur soit avec vous ! »

Et voici que nous pouvons nous aussi être « avec », avec Dieu et avec les autres. Ce « avec » exprime la relation. C’est ce qu’il y a de plus important. Nous l’avons tellement expérimenté, il y a deux ans, quand toutes les activités ont dû s’arrêter à cause du virus. L’important était les liens que nous avons tissés, pour pouvoir être tout simplement « avec ».

A nous d’être « avec » !

Merci, Seigneur, pour ta parole qui vient illuminer notre temps de l’Avent et notre préparation à Noël.

Merci, Seigneur, pour la venue de l’Emmanuel qui nous redit que tu es « avec » chacun de nous.

Merci pour Yeshouha, venu pour nous sauver.

Merci de nous permettre d’être nous aussi « avec » celles et ceux que tu as mis sur notre chemin, ou que tu nous confies.

Viens Seigneur Jésus, notre sauveur, nous t’attendons !

4e dimanche de l’Avent
Lectures bibliques : Isaïe 7, 10-16 ; Psaume 23 ; Romains 1, 1-7 ; Matthieu 1, 18-24

https://www.cath.ch/homelie-du-18-decembre-2022-mt-1-18-24/