Togo : Un grand féticheur reçoit le baptême

APIC – Reportage

« Dieu m’a fait roi « 

Pascal K. Dotchevi, pour l’agence APIC

Lomé, 8 décembre 1997 (APIC) L’histoire de Jean-Paul Mawuedomfiè ressemble à celles qu’on lit dans la Bible. Elle s’est pourtant passée cette année dans le village d’Abobo, à une quarantaine de kilomètres au nord-est de Lomé, au Togo. Abobo est réputé dans tout le pays pour ses grands féticheurs.

Depuis le 15 août 1997, le plus grand praticien des cultes animistes a pris la décision de revenir sur « le chemin du salut » Agbéniké Klusakpo âgé de 84 ans est devenu après son baptême Mawuedomfiè Jean-Paul (en langue locale Ewe : « Dieu m’a fait roi »). Son histoire a fait le tour des paroisses à Lomé, à cause de la personnalité de la « nouvelle recrue » qui était un grand chef religieux.

« Je suis né dans une famille très puissante sur le plan satanique: vaudou et sorcellerie, raconte le vieillard. . D’ailleurs à ma naissance ma main contenait déjà des pouvoirs. Ce n’est que plus tard que mes parents m’en ont parlé. J’étais réputé dans ma région. Tout ce que je demandais, je l’obtenais des divinités. J’avais toujours des adeptes dans mon ’couvent’ toutes les saisons. J’ai vécu dans l’abondance et l’opulence avec neuf femmes et beaucoup d’enfants. Mais j’ai tout abandonné sans trop de regrets. »

Une table très confortable était dressée

Le vieux Jean-Paul, assis sur son lit douillet, nous montre sa jambe gauche amputée du pied. « j’ai été souvent malade, j’avais le cancer. On m’a opéré à plusieurs reprises sans succès. On a dû amputer un de mes pieds il y a déjà prés de quarante ans. Plusieurs fois j’ai été déclaré mort… On avait même préparé mon cercueil. Mais finalement je suis encore revenu à la vie. »

« En mai dernier la situation était grave, toujours mon cancer. J’ai passé deux mois dans le coma. Et c’est à ce moment que ma vie a changé ». « Pendant mon coma, j’ai été transporté dans une grande ville . Je vis beaucoup de monde couvert d’or. On m’attribua une jolie maison où une table très confortable était dressée. Mon guide, que je n’ai pu identifier, me serrait contre lui et refusait de me laisser boire à cette table. J’avais tellement soif que j’ai protesté plusieurs fois. Mais il a toujours refusé. Tout à coup une voix m’interpelle:«  Tu as beaucoup d’enfants ici..; et tu aimes beaucoup les femmes…’’. J’étais un peu surpris car c’était vrai. J’ai alors demandé à voir le chef. »

« Tu ne peux pas le voir. Parce que tu es sale. Il faut que tu te laves d’abord.’’, me répondit sèchement mon guide. Puis tout devint noir. Et la porte de la ville se referma si fortement que je suis devenu sourd. Dehors à côté de moi je vis plusieurs milliers de personnes qui étaient dans un grand feu. J’étais horrifié par le spectacle. C’est alors mon guide me lança plusieurs fois: « cherche trois personnes qui vont te laver’’, puis il disparut. Je revins ensuite à la vie. » « A la surprise générale de mes médecins, j’allais mieux dès mon réveil. Je ne sentais plus de mal et c’’est ainsi que j’ai été guéri. »

L’énigme des trois personnes

« Dès mon réveil, j’ai raconté l’histoire à ma fille, poursuit le vieux Jean Paul . C’est elle qui m’a conduit au prêtre ». « Lorsqu’il m’a raconté l’histoire j’ai un peu réfléchi. J’ai compris tout suite que les trois personnes dont il était question ne sont autres que le Père, le Fils et le Saint Esprit. En lui demandant d’être lavé par trois personnes, Dieu voulait qu’il soit baptisé au nom du Père, du fils et du Saint-Esprit », explique le Père Christian, curé de la paroisse Sainte Rita de Tokoin-Wuiti à Lomé qui a guidé les premiers pas du féticheur vers la foi chrétienne.

Pendant tout le mois de juillet, le vieux et sa femme ont été confiés à une équipe de jeunes du renouveau charismatique qui leur ont appris la catéchèse. « J’ai dû abandonner huit de mes femmes pour épouser Marie-Madeleine, celle qui est restée avec moi pendant ma maladie. Puisqu’on m’a dit que je ne peux avoir qu’une seule femme », affirme Jean Paul.

Le15 août fut vraiment le grand jour . Le couple est baptisé, reçoit la première communion et la confirmation et célèbre son mariage. « Ce fut un événement dans tout le village ». Aujourd’hui, Jean Paul vit avec sa femme dans la maison de leur fille dans la banlieue de Lomé.

Une trahison impardonnable

« C’est grave ce qu’ils ont fait. Les dieux ne vont pas leur pardonner cette trahison’’ Au village, les autres féticheurs ne comprennent pas pourquoi le vieux Jean-Paul et sa femme ont « commis cette grave erreur ». Parmi les villageois, même ceux qui trouvent sage la décision du couple sont animés de tristesse. Le vieux était en effet incontournable dans toutes les cérémonies. Maintenant qu’il a tout abandonné, c’est un peu triste. D’autres sont plus catégoriques: « ils ont trahi les dieux et ils doivent être châtiés par eux ».

« On a raconté au village que je suis devenue aveugle, parce que j’ai changé et les fétiches m’ont puni’’, confie Marie-Madeleine. Le vieux, marqué par la mort en octobre d’un de ses fils qui assurait l’intérim au ’couvent’ affirme avec regret: « Il ne me reste qu’à retourner avec le curé au village pour brûler tous mes effets sataniques, sinon il y aura encore des victimes ».

« J’ai dit à mes amis au village, qu’ils sont encore dans les ténèbres et qu’il est encore temps pour eux de suivre mon exemple. En tout cas j’irai régulièrement leur parler>>, conclut Jean Paul. (apic/pd/mp)

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