L’héritage des réflexes des missionnaires d’avant?

Sénégal: Les chrétiens sénégalais peu engagés en politique

Dakar, 29 décembre 1997 (APIC) Les chrétiens du Sénégal, très actifs dans les domaines de l’éducation, de la santé et de l’assistance sociale à travers des écoles, des centres de formation professionnelle et dispensaires privés catholiques ouverts aux enfants de la majorité musulmane, ainsi que par le biais de Caritas, ne sont cependant pas très présents sur la scène de la vie politique du pays.

Forte d’environ un million de fidèles, ils militent au sein des partis politiques, sans jamais s’engager vraiment dans la bataille politique. L’exemple du conseil municipal de Dakar et la quasi-absence de chrétiens à la tête des partis politiques sont une illustration parfaite du manque d’engouement politique des chrétiens du pays. Ils ne sont que deux conseillers sur les 90 membres du conseil municipal de la capitale sénégalaise. En outre, sur environ 24 partis politiques, un seul est dirigé par un chrétien, Jean-Paul Diaz.

La semaine dernière, celui-ci est monté au créneau pour dénoncer l’absence des chrétiens dans l’arène politique. ’’C’est un scandale’ qu’ils ’ne s’engagent pas’’, a-t-il dit avec force lors d’une conférence publique organisée sur les ’’jeunes chrétiens et la politique’’ dans la perspective des élections législatives du 24 mai prochain.

J.-P. Diaz, ancien ministre de l’Intégration africaine de 1990 à 1992, est à la tête d’un petit parti, le « Bloc des citoyens gaïnde » (le bloc des citoyens lion, en langue locale) qui se réclame du courant ’’centriste’’. Selon lui, si les chrétiens sénégalais se ’’désengagent de la chose politique, ils le regretteront’’: ’’Quand on est pas là, ce sont les autres qui décident pour vous’’.

« Les chrétiens sénégalais dorment’’, a encore affirmé avec force le dirigeant politique. Pour J.-P. Diaz, le peu d’intérêt manifeste des chrétiens sénégalais à la politique n’est pas dû à une discrimination religieuse. Pays majoritairement musulman à 96%, le pays passe pour un modèle de tolérance religieuse, avec une cohabitation pacifique de l’islam et du christianisme, présente depuis 1440 au Sénégal.

La faute aux missionnaires

Journaliste et ancien séminariste, Martin Faye, membre influent de l’Association des communicateurs catholiques du Sénégal (ACCS) tente pour sa part une explication sur l’attitude timorée des chrétiens à l’égard de la politique: ’’une question d’éducation héritée des missionnaires qui ont lié la politique au mensonge, à l’escroquerie et à la duplicité’’.

Dans le passé, l’Eglise sénégalaise a plusieurs fois exhorté par lettres pastorales locales les catholiques à s’engager dans la vie politique. Aujourd’hui encore, l’Eglise encourage les fidèles à s’engager politiquement dans les partis à la condition de respecter son identité de chrétien.

Cette position claire de l’Eglise a amener, en 1990, plusieurs dizaines de cadres catholiques à mettre sur pied ’’Présence chrétienne’’, une structure de réflexion et de dialogue sur les questions intéressant la vie nationale. Mais le rôle de cette structure est controversé. Ses détracteurs l’assimilent à un groupe de pression ou de lobby pour mieux faire prendre en compte les aspirations de la communauté catholique dans la vie publique du pays.

Ses partisans s’en défendent. « Présence chrétienne », relève Jacques Moundour Diouf, président de l’ACCS, est une initiative de laïcs, « cautionnée et même bénie par l’Eglise pour encourager une présence citoyenne’’ à la gestion du pays. (apic/ihc/pr)

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