Homélie du 12 février 2023 (Mt 5, 17-37)

Abbé Vincent Lafargue – Chapelle de Glace, Leysin, VD

Chers amis,

Dans une autre vie, j’étais animateur de radio. Et avec un très cher ami qui vient de rejoindre les étoiles, parmi les nombreux programmes que nous avons produits et animés à l’époque, il y avait un « ni OUI ni NON ».

Vous vous souvenez sûrement de ce jeu, qu’on trouvait aussi jadis à la télévision, consistant à poser des questions à un candidat qui ne devait répondre ni par « oui » ni par « non ». C’était parfois savoureux !

Avec Jésus, au contraire, on a le jeu du « soit OUI soit NON ». Il vient de nous le redire dans l’Evangile : « Que votre OUI soit OUI, que votre NON soit NON ! » Et il a même ajouté : tout le reste vient du Mauvais ! Le Mauvais avec un « M » majuscule, le démon.

Tout le reste, c’est-à-dire les « peut-être », « faut voir », « je te redis plus tard », « on va y réfléchir », « éventuellement », le très helvétique « ni pour ni contre, bien au contraire »…
Sans parler de cette locution très en vogue et totalement absurde : « oui mais non ».

Avec Jésus, c’est oui ou c’est non

Avec Jésus, c’est oui ou c’est non. Et si c’est oui, c’est oui. Et si c’est non, c’est non.

A deux reprises cette semaine j’ai eu l’occasion d’être extrêmement ferme dans deux réunions pas faciles du tout. Et je remarque à quel point il est important de poser des « oui » et des « non ». J’ai été clair, ferme, précis : telle situation c’est non. Pas avec moi. Et il n’y a pas d’alternative ou de négociation possible.

Bien des gens n’apprécient pas du tout cela. Et ils sont nombreux, ceux qui se sont frottés à mon caractère pour cette raison-là. Je ne tergiverse jamais.

Pourquoi les gens n’aiment-ils pas les caractères comme le mien ? Sans doute qu’il n’est pas simple – suppose-t-on – de tomber sur quelqu’un qui est exigeant, pour qui un oui est un oui et un non est un non.

Permettez-moi de trouver qu’au contraire c’est beaucoup plus simple !

On sait à quoi s’en tenir avec ces personnes-là !

Alors que si vous tombez sur quelqu’un qui vous dit « oui » un jour et « non » le lendemain, sur quelqu’un qui vous dit « faut voir, on en reparlera, je te redis plus tard »… eh bien c’est beaucoup plus déstabilisant.

Pour ma part j’ai toujours préféré les gens entiers. Celles et ceux avec lesquels un oui est un oui, et un non est un non. Et je suis ainsi, on ne se refait pas.

Alors évidemment ce n’est pas la façon de faire de ceux qui dirigent le monde, et qui sont sans arrêt en négociations, en pourparlers, en compromis. Pour ma part, voilà la raison pour laquelle je n’aurais jamais pu être politicien.

Paul en parlait dans la deuxième lecture : « la sagesse de ceux qui dirigent le monde et vont à leur destruction », disait-il.

La sagesse de Dieu est non-négociable

La sagesse de Dieu, elle, est incorruptible, non-négociable.

Le psaume le disait lui aussi à sa manière : « Heureux les hommes intègres dans leurs voies qui marchent suivant la loi du Seigneur !
Heureux ceux qui gardent ses exigences ! »

Je crois que le monde a besoin, a soif même, de ces êtres pour lesquels un oui est un oui et un non un non. Nous avons bien assez vu ce que les êtres à double visage, à double serment peuvent amener comme catastrophes.

Alors bien sûr, cela dépend de chacune et chacun de nous. Le sage Ben Sira le disait parfaitement dans notre première lecture : « Si tu le veux, tu peux observer les commandements, il dépend de ton choix de rester fidèle. Le Seigneur a mis devant toi l’eau et le feu : étends la main vers ce que tu préfères. »

Autrement dit : si tu préfères l’instabilité, la mouvance de l’eau, ce qui coule et ne peut être vraiment saisi, alors continue à fréquenter les gens qui te disent oui un jour et non le lendemain. Mais ce n’est pas ainsi que tu suivras Jésus.

Par contre, si tu veux suivre Jésus, alors entoure-toi des personnes dont la parole est sûre, dont le oui est oui et dont le non est non. Je ne te promets pas un long fleuve tranquille, au contraire : c’est du feu que Ben Sira t’annonce.

La parole de feu te rendra heureux

Mais la parole de feu, celle qui ne tergiverse pas, celle qui n’est pas compromise, vague ou approximative, celle-là te rendra heureux.

Plus loin dans nos Bibles, au tout dernier livre, Jésus vomit les tièdes. On ferait bien de s’en souvenir. Notre parole ne doit jamais être dans le tiède, dans l’à-peu près, dans le « oui mais ».

Nous ne devons jamais faire partie de celles et ceux qui ne disent jamais oui et jamais non. Sauf s’il s’agit d’un jeu radiophonique, bien évidemment.

6e dimanche du Temps ordinaire
Lectures bibliques : Siracide 15, 15-20; Psaume 118; 1 Corinthiens 2, 6-10: Matthieu 5, 17-37


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