Une pasteure et un diacre catholique à table avec les pauvres

Roselyne Righetti, pasteure réformée et Pascal Tornay, diacre catholique, ont lancé une pastorale de la rue à Martigny (VS). Tous les jeudis, aidés de bénévoles, ils accueillent des personnes en situation de précarité pour un repas gratuit à la paroisse réformée du Coude du Rhône.

Ce soir, Souad a préparé des nouilles sautées au poulet. Les convives sont peu nombreux ce 9 février. Assis en bout de table, Pascal Tornay et Roselyne Righetti animent les conversations et glanent des nouvelles des absents. Le fils d’une paroissienne s’est cassé une jambe, elle n’a donc pas pu venir ce soir. Une fidèle des repas, très handicapée par des douleurs musculaires, a préféré rester chez elle. Un autre a été incarcéré, explique, navré, un habitué arrivé un peu plus tard.

Des personnes seules, avec un faible revenu, qui vivent une addiction, des mères célibataires, parfois des SDF ou des requérants d’asile se retrouvent autour de la grande table dressée par des bénévoles tous les jeudis soirs. «D’habitude nous sommes une bonne vingtaine. Le froid et la conjoncture expliquent sans doutes la faible fréquentation de ce soir», avance le diacre. L’ambiance n’en n’est pas moins chaleureuse. Il est visiblement à l’aise avec des convives, parfois d’un soir. Une manière d’être simplement avec eux pour celui qui est aussi responsable du Service de la diaconie du diocèse de Sion.

«On a fêté les rois»

Les repas hebdomadaires ont débuté il y a un peu plus d’an. «Le premier jeudi tombait sur la fête de l’Épiphanie. On a fêté les rois», sourient Roselyne et Pascal. Le deuxième repas consista en un gratin et une salade préparés par Pascal. «On s’est posé la question de l’organisation et de la façon de disposer les tables. J’ai dit: ›Ce sera gratuit et nous serons tous assis à la même table!’» lance-t-elle en riant fort. Puis ils doivent faire appel à de l’aide. La fréquentation, faible au début, prend vite de l’ampleur. Des bénévoles sont appelés en renfort à la cuisine et pour dresser la table.

Roselyne et Pascal écoutent les récits des uns et des autres. Les nouvelles ne sont pas toujours bonnes. | © Bernard Hallet

A l’origine, c’est le diacre qui a souhaité lancer une pastorale de la rue: «Je suis fasciné par les gens de la rue. J’avais le désir de les rencontrer pour les connaître et savoir comment ils vivent.» «– Tu viens faire quoi ici?» L’accueil est frais. Pascal constate qu’on «n’entre pas» comme ça. Il s’y prend à plusieurs reprises pour se faire accepter dans un des trois groupes qui gravitent au kiosque à musique du Manoir, autour de gare et à l’avenue du Gd-St-Bernard.

20 ans en pastorale de rue

Pour aller plus loin dans sa démarche, il crée un groupe de réflexion avec les pasteurs de la paroisse réformée et de l’Église évangélique. «Je ne me voyais pas y aller seul.» En mars 2021, ils vont à Lausanne prendre des conseils auprès de Roselyne Righetti. La bouillonnante pasteure, a travaillé en pastorale de rue pendant plus de vingt ans. Elle a aussi accompagné des malades du SIDA. Dès décembre 2021, elle se réjouit d’être engagée en Valais comme pasteure retraitée pour les cultes, les services funèbres, les EMS et – ses yeux brillent – la pastorale de rue»

Roselyne Righetti est devenue pasteure à 40 ans. Elle a commencé à étudier la théologie à l’issue d’une période de sa vie difficile. «A la suite d’un divorce carabiné, je me suis retrouvée seule et j’ai connu une période de grande errance. Là j’ai compris. Et j’ai toujours souffert d’être fille unique. Ces gens sont ma famille de vie.»

Une attention pour les uns et les autres | © Bernard Hallet

À travers tous les pauvres qu’elle croise, elle voit «le corps du Christ». «Ils sont un cadeau de vie. On ne les perd pas. Nous sommes toujours avec eux, c’est très important, même si on ne les voit plus pendant des semaines. Je leur dis ‘Je me souviens de toi’. En fait, nous sommes une présence et c’est ce qui compte le plus pour eux. Pour les services sociaux, ils sont des numéros et des fiches. Pour la police, des problèmes et pour leur entourage, des soucis. En les écoutant simplement tout en les regardant, on leur redonne un visage. Cela me ramène au cœur de l’Église. Ils sont l’Évangile au quotidien.»

Un temps de célébration

En plus des repas, un temps de célébration  avec intercession a été instauré le mardi, deux fois par mois. Il manquait un espace de prière. Pascal a proposé l’oratoire de la Maison de la Visitation, située derrière l’Église. «Nous inscrivons dans des cahiers le nom de ceux pour qui nous avons prié. Ils y tiennent, c’est très important pour ceux qui viennent», insiste la pasteure.

Durant l’été 2022, un nouveau lieu d’accueil et de convivialité a été ouvert, c’est le Café du Parvis. Les locaux ont été aménagés également dans la Maison de la Visitation. «C’est un autre mode d’approche des personnes en situation de précarité et qui complète l’accueil lors des repas», précise Roselyne Righetti. Cela permet un suivi personnalisé.

Un échange avec une des convives avant de partir. Rendez-vous jeudi prochain | © Bernard Hallet

La soirée touche à sa fin, la table a été désertée. On retrouve les uns et les autres discutant en aparté à la cuisine ou sur le seuil de la salle de paroisse. On prépare quelques barquettes qu’on portera à ceux qui n’ont pas pu venir. Sheila est venue de Lausanne. Cette femme de 48 ans est passée par la prison et l’hôpital psychiatrique. «Je connais Roselyne depuis la pastorale de la rue à Lausanne. Je viens le plus souvent possible. Elle a un cœur gros comme une maison! Elle n’a jamais rejeté personne. Avec elle on peut toujours parler.» (cath.ch/bh)

Bernard Hallet

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