Abbé Jean-Claude Dunand – Eglise Saint-Jean-Baptiste, Gland, VD
Traverser un désert à pied, c’est une expérience qui déstabilise, qui décape, qui enrichit. C’est une aventure que plusieurs ont déjà eu la chance de vivre. Mais c’est vrai, il faut avoir l’audace de partir dans un tel projet.
Aujourd’hui, au début de cette célébration, nous avons été inviter à partir, par Françoise, à traverser le désert intérieur. Alors, marchons durant ce carême. Traversons le désert-carême ensemble jusqu’à la grande fête pascale.
Un désert symbolique
Chaque fois que l’être humain se retrouve au désert, la vie l’ayant conduit ou forcé, il est souvent confronté à la solitude, et il est donc amené à faire un choix : se replier sur soi dans sa solitude, ou chercher à développer une dynamique de communion. Pour cela, il devra oser la rencontre avec d’autres. La communion est possible entre des personnes qui décline avec confiance leur identité. Et plus l’identité est connue, plus la communion entre les individus est possible, intense et féconde. C’est le sens du désert où l’Esprit conduit Jésus. Et ce désert, dans la Bible, n’a pas de nom ; il n’est pas un lieu géographique comme le désert de Juda, où prêchait Jean-Baptiste. C’est un désert symbolique, le désert absolu.
Dans ce désert où l’homme se retrouve face à lui-même, isolé, la tentation est grande de se renfermer, de ne rechercher que la satisfaction de ses besoins et de ses désirs individuels, de tout ramener à soi. C’est dans cette situation que Jésus se trouve et c’est ce que l’évangéliste Matthieu nous rapporte à travers les trois tentations auxquelles Jésus est soumis.
Les tentations auxquelles Jésus est soumis
Tout d’abord Jésus est face à la tentation de pouvoir utiliser une force magique pour combler sa faim. En chacun de nous, il y a cette tendance à vouloir satisfaire sa faim, son besoin d’argent, son besoin de confort, son besoin de reconnaissance. Plus tard, après avoir enseigné les foules, Jésus multipliera les pains pour ne pas devoir les renvoyer affamées. Ce sera un geste de partage, de communion et non de repli sur soi.
A la deuxième tentation Jésus est invité à utiliser Dieu comme un magicien pour répondre à tous ses caprices. « Jette-toi du haut du temple ; et Dieu enverra ses anges te prendre dans leurs mains avant que tu ne touches le sol. » Le dieu proposé ici par le tentateur, c’est le dieu magicien que nous prions bien souvent, le dieu de nos dévotions superstitieuses. C’est notre tendance à mettre Dieu à notre service au lieu d’entrer en véritable relation d’amour avec Lui, en profonde communion.
La troisième tentation, c’est celle qui est la plus enracinée au fond de l’être humain, celle du pouvoir. Elle consiste à se réfugier dans son propre ego, et vouloir tout mettre à son service. Pour avoir ce pouvoir, vous connaissez l’expression, qui a inspiré une chanson à Florent Pagny : il suffit de vendre son âme au diable. « Tout cela m’appartient », dit le démon en montrant à Jésus tout l’univers. Je te le donne, si tu veux bien m’adorer. Dans un tel exercice du pouvoir, tous les autres sont niés, il n’a pas de place pour la relation, la communion. C’est le fonctionnement dans la solitude, l’isolement, qui exclut tout dialogue qui pourrait aboutir dans un enrichissement et un épanouissement interpersonnel d’une grande dignité. L’homme, ainsi, se diabolise.
Ces tentations font partie de notre condition humaine
Ces trois tentations sont le quotidien de nos aventures humaines et chrétiennes, quelques soient nos lieux de vie. Elles font partie de notre condition humaine. C’est dans notre liberté responsable que nous pouvons, et grâce à l’Esprit, choisir de ne pas nous enfermer dans de tel désert de solitude.
L’Église nous propose au début de ce désert-carême de nous mettre ensemble pour le traverser en compagnie de Jésus. Et certainement que les forces de communion nous fortifieront et nous souderont pour arriver joyeusement à la grande fête de Pâques. C’est en nous aidant les uns et les autres et en vivant profondément en communion avec Lui que nous aurons toutes les forces pour ne pas nous replier sur nous-mêmes.
Je suis persuadé que nous pourrons avancer ensemble et dépasser les étapes difficiles de notre pérégrination.
Et dans quelques temps, nous serons à la Joie Pascale.
N’ayons pas peur de cette traversée du désert.
Il est avec nous !
1er Dimanche de Carême
Lectures bibliques : Genèse 2, 7-9; 3, 1-7; Psaume 50; Romains 5, 12-19; Matthieu 4, 1-11