Rome: Publication d’une instruction restrictive sur la collaboration entre et prêtres
Rome, 13 novembre 1997 (APIC) Le Vatican a publié jeudi une « Instruction » d’une quarantaine de pages sur la collaboration entre fidèles laïcs et prêtres qui ne devrait pas passer inaperçue. Notamment en Suisse – surtout dans les régions alémaniques – et dans d’autres pays où les laïcs sont de plus en plus engagés dans la pastorale pour pallier le manque de prêtres. Les premières réactions en Suisse qualifient au mieux de « très restrictive » l’interprétation du droit canon et du rôle des laïcs qui ressort de ce document.
« Collaborer ne signifie pas se substituer », indique d’emblée dans son introduction « L’instruction sur quelques questions concernant la collaboration des fidèles laïcs au ministère des prêtres » publiée le 13 novembre 1997 par le Vatican.
« Mettre fin aux abus et aux transgressions »
Ce texte entend mettre fin à une série « d’abus et de transgressions » qui se propagent « avec rapidité » dans certains pays, où des tâches liturgiques confiées à des fidèles, tendent à gommer, estime le Vatican, la différence existant entre les « ministres ordonnés » et les simples fidèles. On rappelle en particulier les normes liturgiques en matière d’homélie, de responsabilité paroissiale, de messes et liturgies de mariages, baptêmes et enterrements.
Le document est co-signé par huit responsables de dicastères romains (Congrégations pour le Clergé, les Laïcs, la Doctrine de la Foi, la Discipline des Sacrements, les Evêques, l’Evangélisation des Peuples, la Vie Consacrée et les Sociétés de vie apostolique; Conseil Pontifical pour l’interprétation des Textes Législatifs). Il est le fruit d’un symposium qui s’est tenu à Rome en avril 1994.
Les représentants des épiscopats les plus concernés par ce problème avaient été invités à réagir sur un premier texte. Puis, une « ample consultation » a été ensuite organisée. Au total, indique-t-on, une « claire convergence » s’est dégagée. Ce qui donne lieu aujourd’hui à la publication de ce texte romain, « qui sera difficile à mettre en œuvre tel quel », soulignent d’ores et déjà les responsables sur le terrain, confrontés à la réalité pastorale concrète.
Préserver la nature et la mission du ministère sacré
Il importe de « bien préserver, tant la nature et la mission du ministère sacré, que la vocation et le caractère séculier des fidèles laïcs. En effet, collaborer ne signifie pas se substituer », observe le texte en introduction, qui reconnaît que dans beaucoup d’Eglises particulières, la collaboration des fidèles non-ordonnés au ministère pastoral du clergé s’effectue de manière très positive: « en situation d’absence ou de rareté des ministres sacrés, on met en œuvre des solutions généreuses et intelligentes. »
Le but de ce document est simplement de fournir une réponse claire et autorisée aux pressantes et nombreuses demandes parvenues aux dicastères romains de la part d’évêques, de prêtres et de laïcs qui, confrontés à de nouvelles formes d’activité « pastorale » des fidèles non-ordonnés, ont demandé des éclaircissements.
Des pratiques aux conséquences néfastes
Le texte ajoute que ces pratiques « peuvent avoir des conséquences gravement néfastes pour la juste compréhension de la vraie communion ecclésiale ». Il observe en outre que ces « pratiques abusives » pourraient s’étendre à des circonscriptions ecclésiastiques non encore concernées « en raison de la rapidité actuelle de la propagation des faits ».
Après cette introduction, le document commence par rappeler des « principes théologiques », expliquant les caractéristiques qui différencient le sacerdoce ministériel des évêques et des prêtres du sacerdoce commun des fidèles, et qui tracent donc aussi les limites de la collaboration de ceux-ci au ministère sacré. Et préciser qu’en réalité, ce qui constitue le ministère, ce n’est pas l’activité en elle-même, mais l’ordination sacramentelle.
Restaurer la spécificité du séminaire, finis les séminaires dits « intégrés »
Conclusion de ce chapitre : « il faut réaffirmer cette doctrine parce que certaines pratiques, destinées à suppléer aux faibles effectifs des ministères ordonnés au sein de la communauté, ont pu, en certains cas, faire pression sur une conception du sacerdoce commun des fidèles qui en arrive à rendre confus son caractère et sa signification spécifique ».
De l’avis du Vatican, cela favorise la diminution du nombre des candidats au sacerdoce et « obscurcit la spécificité du séminaire comme lieu typique de la formation du ministre ordonné. » Une note précise qu’il faut exclure les séminaires dits « intégrés » (où l’on trouve comme au séminaire diocésain de St-Béat à Lucerne, outre des candidats au sacerdoce, des laïcs, hommes et femmes, en formation, ndr).
Intervenir le plus vite possible pour faire cesser les transgressions
Rome prévient ensuite que ce rappel doctrinal n’est pas sujet à évolution. « Le sacerdoce ministériel est donc absolument irremplaçable » (…) « Toute autre solution pour faire face aux problèmes dus au manque de ministres sacrés ne peut être que précaire. » Le texte observe : « Une communauté de fidèles, pour pouvoir être appelée Eglise et pour l’être vraiment, ne peut faire découler sa direction de critères d’organisation de nature associative ou politique ».
Pour Rome, la mise en œuvre de ces directives doit être rapide : « Là où de telles transgressions sont déjà répandues, il devient absolument impossible de retarder encore l’intervention responsable de l’autorité dont c’est le devoir ». (…) « Il faut catégoriquement empêcher leur propagation ».
Finis les aumôniers laïcs
La première « disposition pratique » proposée par l’Instruction, est la nécessité d’utiliser une terminologie appropriée: « Il n’est donc pas licite de faire prendre à des fidèles non-ordonnés la dénomination de ’pasteur’, ’d’aumônier’, de ’chapelain’, de ’coordinateur’, de ’modérateur’ ou autres dénominations qui, quoi qu’il en soit, pourraient confondre leur rôle avec celui du pasteur, qui est uniquement l’évêque et le prêtre. »
Seconde disposition pratique, « le ministère de la parole », avec cette recommandation : « la prédication dans les églises et les oratoires par des fidèles non-ordonnés peut être concédée en suppléance des ministres sacrés (…) elle ne peut donc devenir un fait ordinaire, ni être comprise comme une authentique promotion du laïcat. »
L’homélie est réservée au prêtre ou au diacre, pas aux assistants pastoraux
Troisième disposition: « l’homélie ». Elle est réservée au ministre sacré, prêtre ou diacre. Les fidèles non-ordonnés en sont exclus, même s’ils remplissent le rôle d’assistants pastoraux ou de catéchistes. « On ne peut donc admettre l’usage, pratiqué en quelques circonstances, de confier la prédication de l’homélie à des séminaristes, étudiants en théologie non encore ordonnés ».
Certes, remarque le texte, il est possible, « exceptionnellement », de proposer un éventuel témoignage si l’on considère que cela convient objectivement, pour donner du relief à l’homélie que prononce le prêtre célébrant selon la règle. Mais ces interventions ne doivent surtout pas revêtir des caractéristiques qui pourraient les faire confondre avec l’homélie. On précise toutefois que la possibilité du dialogue dans l’homélie « peut parfois être utilisée avec prudence ».
La quatrième recommandation concerne « le curé et la paroisse ». Le droit canon affirme que les formes de participations dans la cure des paroisses ne peuvent remplacer d’aucune façon l’office de curé « qui ne peut être validement conféré qu’à un prêtre, même en cas de manque objectif de clercs ». On rappelle également que l’âge de 75 ans (âge où le prêtre doit donner sa démission, ndr) n’est pas un motif suffisant pour obliger l’évêque à accepter une démission. « Ceci aussi pour éviter une conception fonctionnaliste du ministère sacré. » Mais aussi pour pallier la pénurie de prêtres dans certaines régions, le document souhaite que l’on soit « particulièrement prudent » et que la cessation d’activité n’intervienne que quand l’évêque diocésain a accepté définitivement la démission.
Dans les conseils pastoral et paroissial, les laïcs n’ont qu’une voix consultative
Une autre disposition touche le conseil presbytéral, qui est « réservé aux prêtres »: Ni les diacres, ni les fidèles non-ordonnés ne peuvent donc y jouir de voix active et passive, même s’ils sont collaborateurs des ministres sacrés. De même, précise-t-on, les fidèles admis dans le conseil pastoral paroissial, qui doit être présidé par le curé, n’y ont « qu’une voix consultative ». Il en est de même pour les conseils paroissiaux pour les affaires économiques.
L’Instruction précise que c’est le propre du curé que de présider les conseils paroissiaux. « Par conséquent, les décisions élaborées par un conseil paroissial réuni hors de la présidence du curé, voire contre lui, sont invalides, et donc nulles ». Une telle disposition paraît à l’évidence en contradiction avec l’organisation démocratique des paroisses de droit ecclésiastique que connaît par ex. l’Eglise en Suisse.
Normes pour les célébrations liturgiques
A propos des célébrations liturgiques, le document précise que dans la célébration eucharistique, il n’est pas permis aux diacres et aux fidèles non-ordonnés de proférer les oraisons, ni tout autre partie réservée au prêtre célébrant. « C’est aussi grave abus que de permettre à un fidèle non ordonné d’exercer de fait une quasi ’présidence’ de l’eucharistie, en ne laissant au prêtre que le minimum nécessaire pour en garantir la validité. » Concernant les habits liturgiques, il est « illicite pour quelqu’un qui n’est pas ordonné d’utiliser dans les cérémonies liturgiques des ornements réservés aux prêtres ou aux diacres ». On rappelle enfin aux ministres ordonnés l’obligation d’endosser tous les ornements sacrés qui sont prescrits.
Les célébrations dominicales en l’absence du prêtre
Les célébrations dominicales en l’absence du prêtre font l’objet de la septième disposition. Un service « aussi valable que délicat », estime le texte, requiert un mandat spécial de la part de l’évêque. Il doit être considéré comme une « solution temporaire ». « Il est interdit d’insérer dans leur structure des éléments propres à la liturgie du sacrifice, surtout la prière eucharistique, même sous forme narrative, pour ne pas engendrer d’erreurs dans l’esprit des fidèles. » L’Instruction précise en outre que ces célébrations ne remplacent pas la messe.
Abolir l’usage habituel de laïcs pour distribuer la communion
A l’article huit, l’Instruction rappelle que c’est l’évêque diocésain qui doit permettre à un fidèle non-ordonné de « distribuer la sainte Communion ». Le prêtre peut seulement concéder cette autorisation dans « des cas exceptionnels ». Au-delà, le texte note qu’il importe « d’éviter et de faire disparaître plusieurs pratiques pour ne pas provoquer de confusions: le fait de se communier soi-même comme si l’on était concélébrant », le fait « d’associer à la rénovation des promesses des prêtres » le Jeudi Saint, des fidèles qui recevraient là le mandat de ministres extraordinaires de (distribuer) la communion. Enfin, il faut abolir également « l’usage habituel de ministres extraordinaires (de la communion) aux cours des messes ».
Le texte aborde ensuite « l’apostolat des malades » en signalant que ceux qui ne sont pas prêtres ne peuvent en aucun cas pratiquer des onctions, ni avec de l’huile bénite pour le sacrement des malades, ni avec toute autre huile.
Assistance au mariage et sacrement de baptême
Pour ce qui est de « l’assistance au mariage », la dixième disposition précise que l’évêque diocésain ne peut concéder une telle délégation que dans les cas où prêtres et diacres font défaut, et seulement après avoir obtenu pour son diocèse l’avis favorable de la Conférence des évêques, ainsi que la permission nécessaire du Saint-Siège.
Vient ensuite le baptême où l’on souligne que la possibilité de cette fonction par des ministres non-ordonnés – ce qui est le cas dans des situations de persécution ou dans des territoires de mission – ne doit pas être interprétée de façon « trop extensive ». On ne peut assimiler le travail excessif du prêtre ni le fait qu’il ne réside pas dans la paroisse, ni son indisponibilité au jour prévu par la famille, à des absences ou empêchements qui rendent licite le baptême par des fidèles non-ordonnés.
Faire appel à des personnes menant une vie digne
Enfin, en ce qui concerne les enterrements, le texte note que les fidèles non-ordonnés ne peuvent guider les funérailles ecclésiastiques que dans le cas d’un vrai manque de ministre ordonné. La dernière recommandation concerne le discernement dans le choix des personnes appelées à ces suppléances, et leur formation: « On ne peut donc admettre à l’exercice de ces tâches les catholiques qui ne mènent pas une vie digne, qui ne jouissent pas d’une bonne réputation, ou qui ne se trouvent pas dans des situations de familles contredisant l’enseignement moral de l’Eglise. »
En conclusion, le texte constate que si d’une part, la raréfaction du nombre de prêtres est spécialement ressentie dans certaines régions, en d’autres on constate une floraison prometteuse de vocations qui laisse entrevoir des perspectives d’avenir positives. Et le document romain de conclure que les solutions proposées pour remédier à la rareté des ministres ordonnés ne peuvent être que transitoires et aller de pair avec une pastorale spécifique prioritaire de promotion des vocations au sacrement de l’ordre. (apic/imedia/be)
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