Vierge Marie, gourous et divinités africaines : la religion sur mesure
Buenos Aires, 6 octobre 1997 (APIC) A l’instar de ce qui se passe en Europe, aux dires des sociologues des religions, certains croyants latino-américains eux aussi « bricolent » leurs propres croyances et se taillent une religion sur mesure. Un sociologue catholique argentin, le professeur Fortunato Mallimaci, qui vient de terminer une étude des tendances religieuses dans la partie méridionale de l’Amérique du Sud le confirme: de nombreux Latino-américains « se construisent leur propre religion ».
Lors de la Quatrième rencontre des centres laïcs du Cône sud, qui s’est tenue fin septembre à Buenos Aires, le professeur Mallimaci a déclaré: « Bien que 80% des habitants de pays comme l’Argentine aient été baptisés dans la religion catholique, la majorité de la population pratique en fait ce qu’il appelle une « religion sur mesure ».
« Il fut un temps où les Institutions avaient la haute main sur les pratiques religieuses symboliques, mais les choses ont beaucoup changé. On remarque aujourd’hui que la connaissance du symbolisme religieux est à la portée de tous, prête à être utilisée par ceux qui s’y intéressent », a déclaré encore Fortunato Mallimaci. Cela ne veut pas dire que les gens soient devenus indifférents. Ils croient, mais ils se sont fait « leur propre religion ».
Le professeur argentin observe qu’il y a beaucoup de croyants qui n’adhèrent plus à une Eglise ou à une foi précises. « Ils se sentent libres de faire un pèlerinage au plus proche autel de la Vierge Marie, de lire le livre d’un gourou oriental sur l’énergie positive, d’aller à l’un des théâtres où des prédicateurs pentecôtistes pratiquent des guérisons miraculeuses. D’autres assistent à des cérémonies afro-brésiliennes (condomblés ou macumbas au Brésil) où ils peuvent se faire conseiller par les dignitaires de ces cultes, puis suivent ensuite des cours de yoga ». Il semble, a-t-il ajouté, que des gens acceptent un certain relativisme religieux, en négligeant des croyances sûres et basées sur un credo intangible.
Présentant son analyse des changements survenus dans le catholicisme et le protestantisme en Argentine, le professeur Mallimaci a indiqué que le catholicisme était en pleine restructuration et que ce processus s’accompagnait de « profondes divisions internes et de conflits ». Il a fait remarquer qu’au sein même de l’Eglise, le catholicisme traditionnel était remis en question par le mouvement charismatique, qui semble disputer des adeptes aux Eglises pentecôtistes. Selon le professeur, le catholicisme traditionnel se fait également critiquer par les catholiques adeptes de la théologie de la libération. Ces derniers se mettant résolument du côté des pauvres, veulent voir leur Eglise condamner les politiques économiques néo-libérales et défendre avec plus d’ardeur les droits de la personne humaine.
Position des protestants argentins
« Bien que près de 10% des Argentins soient protestants, le protestantisme n’a pas connu l’expansion qu’on lui avait prédite il y a près de dix ans », a en outre déclaré le professeur Mallimaci. Il a ajouté que le parti politique évangéliste, formé pour les élections générales de 1995, n’avait eu aucun impact tangible. « Il semble que les évangélistes, du moins jusqu’à présent, ne soient pas intéressés à exprimer leur identité religieuse par le biais d’un parti politique », a-t-il déclaré, avant d’ajouter que les protestants pratiquants l’emportaient en nombre sur les catholiques pratiquants dans les quartiers pauvres des villes.
La 4e Rencontre des centres laïcs du Cône sud a été coordonnée par German Ziljstra, pasteur de l’Eglise réformée et directeur du Centro Emmanuel en Uruguay. Le pasteur a déclaré que la rencontre avait donné aux participants l’occasion aux laïcs des différentes Eglises de « tisser des collectivités d’espoir en vue de participer à l’unité des chrétiens ». (apic/eni/ba)
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