Mgr Jean Scarcella – Basilique de l’Abbaye de Saint-Maurice, VS
Mes sœurs, mes frères,
Si je lis le prophète Isaïe qui dit : «Qui donc s’est inquiété de son sort ?», cela me fait froid dans le dos. Pourquoi ? Parce que, aujourd’hui encore, je pense que l’on pourrait dire, mais au présent cette fois-ci : Qui donc s’inquiète de son sort ? Oui, Dieu existe, oui Jésus a dû être un prophète ou en tout cas un homme qui a fait du bien durant sa vie. Oui on arrive même à dire qu’il a été martyrisé par les Romains sur insistance de ses contemporains. C’est vrai, on sait des choses sur Jésus. Mais le Jésus des images que l’on s’en fait, est-il le vrai Jésus, Fils de Dieu et Dieu lui-même ? Est-ce que notre époque s’inquiète suffisamment de Jésus, de son œuvre et de sa présence au monde ? Car en effet, si la lumière de Noël annonça la royauté pour les nations, les ténèbres du Vendredi Saint révélèrent la parfaite expression du salut pour la création.
Pourquoi Jésus est-il né chez les hommes alors qu’il était Dieu de toute éternité ?
L’Enfant Jésus de l’Incarnation est le Dieu Sauveur de la Rédemption. Et ces notions échappent à toute représentation qui pourrait être faite de Jésus, parce qu’on est dans la sphère du mystère. Mystère de l’Incarnation, tout en voyant un réel bébé naître dans l’étable de Bethléem, c’est vrai, et mystère de la Rédemption, dans la contemplation de la réalité d’un homme crucifié sur la croix du Calvaire. Mais quelle mission allait-il accomplir ? Pourquoi est-il né chez les hommes alors qu’il était Dieu de toute éternité ? Là est la question fondamentale qui se résout dans la méditation de la mort et de la résurrection du Christ.
Jésus est le grand prêtre s’offrant en victime, portant les péchés du monde
Isaïe nous a présenté celui qu’il appelle le Serviteur Souffrant, dans sa prophétie du Jésus aux outrages qui, en croix, réalise l’espérance d’Israël, son peuple, et qui est finalement celle de toute l’humanité. Sur la croix Jésus remet sa vie en sacrifice de réparation, il est le grand prêtre s’offrant en victime, portant les péchés du monde et devenant, pour tous ceux qui croient et croiront en lui, «pour tous ceux qui lui obéissent, la cause du salut éternel». Ainsi dit alors Isaïe : «Mon serviteur réussira, il s’élèvera, il sera exalté». Dans ces trois mots du prophète nous trouvons la merveilleuse description fidèle et détaillée, du ministère, du caractère, et de la Gloire du Messie. Il réussira, dans le sens hébraïque de ›il sera attaché et ligoté’, comme l’animal qui va être sacrifié et que l’on pourra voir ; ainsi sera-t-il élevé sur le bois du sacrifice, l’ignominieuse croix du supplice, et en même temps trône de sa gloire, d’où il sera exalté en sa résurrection.
La force du don que Jésus fait de sa vie pour nous délivrer du Mal et nous ouvrir la voie de la vraie Vie, fut donc de passer par la douleur et la souffrance, (»ses blessures par lesquelles nous sommes guéris»), «faisant retomber sur lui nos fautes à nous tous», dit encore le prophète. Son sort fut donc de nous justifier, lui qui était «compté avec les pécheurs, alors qu’il portait le péché des multitudes et qu’il intercédait pour les pécheurs», nous dit l’auteur de la Lettre aux Hébreux. Oui, Notre Seigneur a accepté notre condition humaine, excepté le péché, pour l’anéantir, et dès lors nous former à sa ressemblance pour l’éternité.
Vendredi Saint
Lectures bibliques : Isaïe 52,13-53,12 ; Psaume 30 ; Hébreux 4,14-16 ; 5,7-9 ; Jean 18,1-19,42