Un jour férié accompagné de prières, d’œufs et d’anges

Pourquoi a-t-on congé le lundi de Pâques, alors que la résurrection du Christ a déjà été fêtée la veille? Œuvre de deux empereurs temporels, Constantin et Napoléon, cette tradition croise la route des pèlerins, des poules et des anges.

L’octave religieuse est une pratique visant à prolonger de huit jours une fête importante. On la trouve dans l’Ancien Testament déjà, pour la fête de Souccot (fêtes des Tentes ou des Tabernacles) qui célèbre l’aide apportée par Dieu aux Hébreux durant leur exode.

Au début de la chrétienté, l’empereur Constantin (272-337) institua pour sa part l’octave de Pâques, soit huit jours de repos consécutifs après la fête pascale, ponctués de messes quotidiennes célébrant le miracle de la résurrection du Christ.

Un temps de prière d’une semaine

Ce traditionnel temps de prière du calendrier liturgique latin a été sérieusement suivi au Moyen-Âge européen. Certains profitaient de cette occasion pour effectuer un pèlerinage à Rome. Mais suite au Concordat signé en 1801 entre la République de France et le Saint-Siège, par le pape Paul VII et le premier consul Napoléon Bonaparte, la semaine de réjouissance a été réduite à une seule journée.

Napoléon reprit l’organisation des pratiques de l’Église catholique de France sous sa tutelle et décida de revoir le nombre des jours fériés à la baisse (50 à l’époque). Parmi les jours conservés, on trouve l’Assomption, l’Ascension, Noël, la Toussaint et, en signe de compensation et de compromis vis-à-vis de l’Église, le lundi de Pâques.

La décision de Napoléon Bonaparte de ne conserver férié que le lundi suivant Pâques a été suivie par de nombreux pays européens. Aujourd’hui, ce jour est chômé dans l’ensemble des pays européens, excepté au Portugal. L’octave de Pâques par contre reste présente dans le calendrier liturgique latin. Elle a lieu entre le dimanche de Pâques et le dimanche de la divine Miséricorde institué en 2000 par Jean Paul II. Pendant cette semaine, la messe est célébrée tous les jours avec les prières du jour de Pâques, afin de souligner que la résurrection n’est pas un événement ponctuel, mais un état permanent.

Des œufs pour célébrer la vie

Une des coutumes propres au dimanche ou lundi de Pâques (selon les usages en vigueur dans les différents pays) est l’échange d’œufs (de poule ou en chocolat) pour marquer la fin du carême. La tradition voulait que pendant les 40 jours de carême précédant Pâques, les œufs soient retirés de l’alimentation. Les œufs pondus entre temps étaient récupérés, en attendant d’être consommés à Pâques et la semaine suivante.

| © Lucienne Bittar

Outre leur valeur nutritive, les œufs marquent aussi symboliquement le principe de la vie. Cette «coutume d’offrir des œufs décorés, teints ou travaillés existait bien avant l’ère chrétienne. Comme le printemps est la saison de l’éclosion de la nature, l’œuf, représentant la vie et la renaissance, a été probablement le premier symbole utilisé lors de rituels qui datent de la nuit des temps, peut-on lire sur le site de l’Église catholique en France. Au printemps, les Égyptiens et les Perses avaient pour habitude de teindre des œufs et de les offrir pour symboliser le renouveau de la vie. Dans l’antiquité gauloise, les druides teignaient les œufs en rouge en l’honneur du soleil.» Ainsi le jour du printemps coïncide-t-il avec le lundi de Pâques chez les coptes égyptiens, fête lors de laquelle sont échangés et consommés nombre œufs.

Et un ange pour annoncer la bonne nouvelle.

L’autre symbole spirituel important du lundi de Pâques est la figure de l’ange, messager de Dieu. Ce jour commémore, en effet, l’épisode de l’Évangile relatant comment les femmes, venues pour préparer le corps de Jésus, se retrouvent devant le tombeau vide de Jésus. Effarées, elles y rencontrent un ange du Seigneur.

| © Lucienne Bittar

Les rédacteurs bibliques ont l’habitude, «pour désigner la présence de Dieu sans en dévoiler l’apparence, de mettre en scène l’ange, qui se manifeste sous une forme visible, dans une lumière inaccessible, qui est bien au-delà du blanc mais en dévoile l’éclat», écrivait en avril 2015 le jésuite Jean-Bernard Livio dans un numéro de choisir présentant «La voie des anges».

Chez Marc, «le message du Seigneur est jeune, vêtu d’une robe éclatante de blancheur» ce jour-là, précise le bibliste. «Chez Matthieu, il s’agit de l’ange du Seigneur accompagné d’un tremblement de terre (à l’image des trois coups qui précèdent le lever de rideau); chez Luc, deux hommes aux vêtements éblouissants; chez Jean, deux anges vêtus de blanc… Pour un pareil événement, quelle discrétion dans l’apparition, mais quelle force dans l’annonce!»

Cet épisode de l’Évangile, qui annonce la Résurrection accomplie du Christ et la joie qui en découle, est central pour la foi chrétienne. C’est pourquoi le calendrier liturgique romain, outre celui de lundi de Pâques, lui a donné le nom spécifique de lundi de l’Ange. (cath.ch/lb)

Lucienne Bittar

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