Les extrémistes hindous divisent pour mieux régner, dénonce Mgr Lobo

Alors que les conflits interreligieux dans l’Etat du Manipur, au Nord-Est de l’Inde, ont récemment fait plus de 50 morts, Mgr Salvadore Lobo déclare que l’Église est préoccupée par la montée du radicalisme hindou. Mais, ajoute l’évêque émérite de Baruipur, dans l’État du Bengale occidental, la majorité des Indiens apprécient la présence des chrétiens, qui offrent des services tels que des hôpitaux, des écoles et des œuvres d’entraide. 

Un conflit récent entre différents groupes ethniques dans l’État indien du Manipur a rapidement acquis une dimension interreligieuse. Il a dégénéré en attaques généralisées des hindous du groupe majoritaire Meitei – appelés aussi Manipuri – contre des communautés tribales principalement chrétiennes. Des dizaines de personnes ont été tuées et plusieurs églises incendiées pendant les affrontements.

Les chrétiens ne forment que 2,3% de la population indienne

Malgré leur faible nombre – 2,3% de la population -, les chrétiens en Inde sont souvent la cible d’attaques et même de lois «anti-conversion» visant à entraver leur travail d’évangélisation, dénonce Mgr Salvadore Lobo.

Dans la grande majorité des 29 Etats de l’Union indienne, les militants du parti nationaliste hindou du Bharatiya Janata Party (BJP)  tiennent le haut du pavé, et leur programme politique est ouvertement discriminatoire à l’égard des minorités musulmane (14%) et chrétienne au nom du suprémacisme hindou. Le BJP du président Narendra Modi cherche par tous les moyens à «hindouiser» la société, en imposant son idéologie de l’hindutva.

Les extrémistes veulent imposer leur idéologie de l’hindutva.

Mgr Salvadore Lobo explique à l’œuvre d’entraide catholique «Aide à l’Eglise en Détresse ACN» que les lois anti-conversion, applicables dans certains États, sont souvent utilisées à mauvais escient pour couvrir la discrimination antichrétienne. 

«Les lois sont très claires, elles stipulent que les conversions forcées sont interdites. L’Église ne fait pas cela. Certains partis accusent l’Église de séduction, mais au cours des 30 dernières années, le pourcentage de fidèles de l’Église n’a pas augmenté en Inde, il n’est donc pas question de séduction !»

L’hypocrisie des hindous radicaux

L’évêque souligne l’hypocrisie des hindous radicaux qui accusent les missionnaires de convertir les gens en échange de nourriture ou d’argent, mais qui ne semblent pas avoir de problème avec les projets sociaux massifs de l’Église, tels que les hôpitaux, les écoles et les organisations d’aide, qui bénéficient à des milliers de personnes. 

«Récemment, j’ai visité un hôpital catholique à Bangalore qui accueille environ 3’000 patients par jour en hôpital de jour. La plupart de ces patients ne sont pas chrétiens, mais ils parcourent de longues distances pour se rendre dans cet hôpital. Nos hôpitaux sont très appréciés, car ils traitent les patients comme des êtres humains. C’est pour cette raison que certains nous accusent de séduction».

Les lois anti-conversion, un instrument de vengeances personnelles

Un autre problème avec les lois anti-conversion est qu’elles peuvent être utilisées pour des vengeances personnelles, un peu comme les lois sur le blasphème au Pakistan voisin. «Si je suis accusé, je dois prouver que l’accusation est mensongère, et cela demande beaucoup de temps, d’énergie et d’argent, parce que les avocats coûtent cher», relève Mgr Lobo. 

«Le principe du BJP est de diviser pour mieux régner», affirme Mgr Salvadore Lobo

L’Inde est dirigée depuis près d’une décennie par le parti nationaliste hindou Bharatiya Janata Party (BJP). «Le principe du BJP est de diviser pour mieux régner», explique Mgr Lobo. Bien que le christianisme soit présent en Inde depuis près de deux mille ans, les hindous radicaux les dépeignent souvent comme des non-Indiens. Ils utilisent cette rhétorique pour mobiliser leur base électorale, pour gagner les élections, mais le résultat est une tension anti-chrétienne persistante dans de nombreuses régions (mais pas toutes) du pays. 

«Les hindous et les musulmans n’ont pas l’habitude d’aller régulièrement dans leurs temples ou mosquées, ils prient plutôt en famille. Mais comme nos églises sont pleines une fois par semaine, et parfois quotidiennement, cela donne l’impression que nous sommes plus nombreux qu’en réalité, ce qui fait de nous une cible pour ce genre de discrimination», explique Mgr Lobo. 

Cependant, malgré les préoccupations évidentes concernant le discours anti-chrétien qui pourrait refaire surface lors des prochaines élections en 2024, l’évêque reconnaît que le gouvernement fait en réalité du bon travail dans d’autres domaines, notamment économique, et que le manque d’organisation dans les partis d’opposition pourrait conduire à une autre victoire du BJP. 

Au Bengale, l’harmonie interreligieuse prévaut

Bien que Mgr Salvadore Lobo affirme que la situation dans certaines parties du pays est très difficile pour les chrétiens, au Bengale, où se trouve son ancien diocèse, les choses vont beaucoup mieux et l’harmonie interreligieuse prévaut. «Au Bengale, les gens respectent les différentes religions. Les non-chrétiens sont pour la plupart éduqués dans nos établissements. Des problèmes pourraient survenir plus tard, mais pour le moment, tout va bien».

De passage au siège international d’ACN, à Königstein im Taunus, près de Francfort, il a assuré que si «parfois, il y a des persécutions, ce n’est pas la fin de l’Église (…) Nous croyons que le sang des martyrs fait grandir l’Église. Nous devons faire preuve de patience et faire de notre vie un témoignage visible, même lorsque nous souffrons». (cath.ch/acn/be)

Jacques Berset

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