Guinée: L’esprit des moines bâtisseurs

APIC – Reportage

De Charente à la forêt africaine

Dominique Noël, pour l’agence APIC

Fribourg, 6 août 1997 (APIC) Dans l’histoire de l’Eglise comme dans celle de l’Europe, les moines bâtisseurs jouèrent souvent un rôle décisif. Aujourd’hui cinq femmes de l’Abbaye de Maumont, non loin d’Angoulême, perpétuent la tradition des pionniers en Guinée, au cœur de la forêt africaine, pour y implanter l’idéal de contemplation et de travail de saint Benoît.

Quel dépaysement pour les cinq religieuses bénédictines de Charente, aux confins du Périgord, lorsqu’elles débarquèrent à la nuit à Conakry, en Guinée; quel contraste pour ces voyageuses entre le climat tempéré de la province française et la chaleur de la terre africaine. Quelle dissemblance entre l’office des Vigiles à l’Abbaye Sainte Marie de Maumont, et les bruits de la nuit guinéenne à travers Conakry éclairée à la bougie, au milieu d’une mélée indescriptible de personnes courant en tous sens, criant, chantant, se hélant de toute part.

A Kindia, en ce mois d’octobre 1996, à leur grande surprise Mère Jean Baptiste, Sœur Françoise, Sœur Dorothée, Sœur Vianney et Sœur Pierre sont reçues par les danses des chrétiens du lieu. Elles sont poussées sur un podium pour être vues de tous et interviewées par la télévision.

Une aventure commencée en 1994

L’aventure a commencé en 1994 par l’appel lancé par Mgr Robert Sarah, archevêque de Conakry, aux moniales de la communauté Sainte-Marie de Maumont, à Juignac de Montmoreau, en Charente. En fait l’idée de la fondation d’un monastère en Afrique a mûri lentement grâce aux nombreux contacts avec le continent africain. Le jumelage du diocèse d’Angoulême avec celui de Koudougou, au Burkina-Faso, valut plusieurs visites de chrétiens burkinabés à la communauté de Maumont. Des soeurs de Maumont furent envoyées en aide temporaire à des monastères de l’Afrique de l’ouest.

La Mère Abbesse proposa alors le projet d’une fondation africaine. Après des semaines de prière et de débats, la communauté fit part de sa disponibilité à l’Aide Inter-Monastique (A.I.M.). Des appels des cinq continents arrivèrent à Maumont. Le choix se porta sur la Guinée jusque-là dépourvue d’une présence contemplative dans son Eglise.

En septembre 1994, l’Abbesse de Maumont partit en Guinée pour visiter les trois endroits proposés par l’Eglise Guinéenne en vue de l’implantation du monastère. Ce fut aussi déjà le choix du nom du futur couvent proche de la ville de Kindia – elle-même placée sous la protection de la Sainte-Croix . Au retour de leur supérieure, les moniales décidèrent à l’unanimité que ce premier monastère de Guinée s’appellerait « Monastère Sainte-Croix ».

Terre rouge forêt verte

Une fois par semaine, les religieuses quittent Kindia où elles sont installées provisoirement et montent dans la voiture de Diallo pour se rendre par la piste de terre rouge jusqu’à « Friguiagbé », lieu choisi pour l’implantation du monastère où l’eau coule en abondance, à 130 kilomètres de Conakry, sur l’axe routier qui traverse la Guinée de part en part. Le site est magnifique et les arbres splendides. Tout est propice à la construction à cet endroit.

Le terrain est maintenant déboisée et dessouché. La maison du colon, dont il ne reste que quelques pans de murs, a été dégagée de la végétation envahissante. A gauche les ouvriers ont installé un toit de chaume. C’est là que seront fabriquées les briques pour la construction du monastère.

A l’aide de cordeaux jaunes, les religieuses déterminent l’implantation d’un premier bâtiment qui sera le plus proche de la piste. La construction se fera par étapes. Dans un premier temps, il est urgent de construire l’hôtellerie comprenant un oratoire, la cuisine et une salle de réunions qui serviront d’habitation aux cinq soeurs de la communauté dans l’attente de la suite des travaux de construction du monastère. La maison du colon deviendra un lieu d’accueil selon la Règle de Saint-Benoît qui demande que « tous les hôtes soient reçus comme le Christ ».

Prière et travail, « ora et labora »

La vie quotidienne de la communauté guinéenne, à l’instar de celle de tous les monastères bénédictins se partage entre le travail et la prière à laquelle participent les chrétiens et la communauté de base de Kindia. Chacune des soeurs a décidé individuellement de se porter volontaire pour l’Afrique en accord avec la Mère Abbesse qui a tenu compte des désirs exprimés ou proposé des choix mais n’a rien imposé.

L’équipe est pluridisciplinaire. La prieure Sœur Jean-Baptiste, 50 ans, mène tous les contacts avec les autorités locales religieuses et civiles, Sœur Françoise, 43 ans, a vécu plusieurs années dans une Arche de Jean Vanier, avant son entrée au monastère, Sœur Dorothée, 36 ans, est bibliothécaire, Sœur Vianney, 35 ans, est infirmière. Lorsqu’elle a fait profession en janvier 1996, Sœur Pierre, 35 ans, savait déjà qu’elle allait partir pour la Guinée.

La Règle des religieuses est celle de saint Benoît. Les fondatrices vont adapter progressivement leur prière liturgique à la culture africaine. La mère prieure a passé plusieurs mois en Côte d’Ivoire, chez les bénédictines de Bouaké pour s’en imprégner avant de rejoindre ses compagnes à Kindia. Des liens avec les trois diocèses du pays et avec les autres congrégations religieuses oeuvrant dans le pays ont été établis dès 1995.

Rosalie. 13 ans veut devenir religieuse

Il ne peut être question de postulantes ou de novices africaines pour l’instant puisque les bâtiments sortent tout juste de terre. Mais un jour le Père Bernard, un prêtre du lieu, annonce aux sœurs. « J’ai un problème… Ce matin après les Laudes, une jeune fille est venue me voir et m’a demandé en pleurant de pouvoir partir avec les soeurs bénédictines pour vivre avec elles. » Le Père lui a demandé d’aller chercher sa maman pour en parler avec elle. La maman – pour toute réaction – se mit à genoux pour prier silencieusement; ensuite, elle se releva et commença à expliquer à sa fille la portée d’un tel choix. C’est ainsi que les sœurs ont fait la connaissance de Rosalie âgée de treize ans et de sa maman. C’est promis, Rosalie pourra venir voir comment les sœurs vivent à Friguiagbé. Pour le reste, il lui faudra encore grandir et continuer à vivre bien insérée dans sa paroisse.

Pour les religieuses, l’avenir des deux communautés ne peut aller que vers un développement certain. Celle de France, qui compte encore 64 moniales, doit profondément se renouveler pour faire face au vieillissement. Celle d’Afrique est appelée à se construire en s’attachant de nouvelles forces pour que vive la tradition des moines bâtisseurs (apic/dno/mp)

webmaster@kath.ch

Portail catholique suisse

https://www.cath.ch/newsf/apic-reportage-71/