Une bonne centaine de Fribourgeois ont fait le déplacement des JMJ à Paris

APIC – Reportage

La joie d’être chrétien, tout simplement

Jacques Berset, Agence APIC

Paris/Fribourg, 25 août 1997 (APIC) Folle ambiance, dimanche soir, sur les quais de la gare de Lausanne, quand débarque du TGV spécial en provenance de Paris une partie du contingent romand qui a participé aux XIIe Journées Mondiales de la Jeunesse. Les désormais fameuses «JMJ», auxquelles ont pris part quelque 1200 Suisses, dont 700 Romands, ont mis Paris sans dessus-dessous pendant toute une semaine. Plus d’un million de fidèles autour du pape Jean Paul II dimanche matin à l’hippodrome de Longchamp.

Dans l’attente de l’Intercity de 22h02 à destination de Fribourg, sous l’œil amusé de deux agents de surveillance des CFF en patrouille, une sarabande de jeunes sac au dos, harassés, à la limite de l’extinction de voix, chante à tue-tête. De «Ressucito», «L’amour de Dieu est si merveilleux…» à «Sh’ma Israël» et «Hinneh ma tov», aux accents hébraïques, on passe sans grande transition à «Sentiers valaisans» et «A Moléson». On les repère vite, des Fribourgeois et des Valaisans, surtout, qui mettent la gare en fête avec des «Alléluias».

«Les ’JMJ’ ? Ah ! , ce sont les jeunes qui sont allés rencontrer le pape», interroge une voyageuse de Suisse alémanique, dans la cinquantaine, ravie de les voir manifester si joyeusement leur foi et leur envie de vivre. «C’est formidable! J’ai habité Paris durant trois ans, confie-t-elle, les gens étaient souvent stressés et peu aimables; mais tous ces jeunes venus du monde entier, qui chantaient dans le métro, leur ont redonné le sourire. Beaucoup de Parisiens ont commencé à se parler entre eux.»

Dans le train de Fribourg, c’est encore la «Frat», pour «Fraternité», qui anime ou plutôt «réanime» les pèlerins fourbus – la semaine sous la canicule parisienne a été harassante – avec des chants empruntés au répertoire de Taizé ou des charismatiques. Sur la bonne centaine de Fribourgeois, ceux de la Frat étaient près d’une vingtaine, accompagnés par leur aumônier, le Père Jean Emmanuel, un religieux carme au verbe haut, portant scapulaire, bure marron et casquette sur la tête. Une bonne proportion pour ce groupe de jeunes d’une trentaine de membres né il y a environ 5 ans à Fribourg.

Recharger les batteries pour aller vers les autres

La Frat chante les laudes tous les matins à la paroisse du Christ-Roi. Sans être de sensibilité charismatique, le groupe s’est inspiré – en tout cas pour son nom -, des fraternités de jeunes de la communauté du Chemin Neuf, que fréquentait Claire Gautron, de Belfaux.

22 ans, étudiante en médecine à Genève, Claire est venue à Paris avec sa sœur Rachel, de deux ans sa cadette, qui se prépare à étudier les relations internationales, également à Genève. Toutes deux sont radieuses. L’expérience de ce grand rassemblement a été formidable: rencontrer des jeunes de 160 nationalités, partager ensemble sa foi, voir que comme croyants l’on n’est pas isolé, faire la fête. «C’est une grande impulsion pour recharger les batteries et aller vers les autres.»

A l’instar de nombreux participants aux JMJ, la motivation première de Claire n’était pas au début de voir le pape, puis elle s’est dit que cela pouvait contribuer à redonner un élan aux jeunes et leur faire redécouvrir la foi. «J’ai été contente de prier avec lui, bien que cela me gêne un peu quand on crie tout le temps ’vive le pape!’. J’admets qu’il faille trouver de temps en temps des moments pour exprimer ce qu’on ressent. Le pape est un homme comme nous, sauf qu’il a d’autres responsabilités, en particulier celle de guider toute l’Eglise; je peux l’admirer pour cela, mais je dis plutôt ’gloire à Dieu’». «Ce qui m’a le plus impressionnée, c’est que toute cette foule était là pour la même raison, manifester sa foi chrétienne».

Un regret: un manque de temps et d’espace pour la spiritualité intérieure, la prière et le silence: «C’est normal, étant donné une telle masse de gens, on ne peut pas comparer les JMJ à une semaine de retraite. Au Champ-de-Mars, lors de la rencontre avec Jean Paul II, de nombreux jeunes étaient plus prompts à applaudir à tout rompre quand le pape prononçait le nom de leur pays que quand il s’est agi de prier ensemble le Notre-Père…»

Quelques moments marquants de cette semaine que les jeunes de la Frat tiennent à mentionner: la rencontre à Fribourg, sur les quais de la gare, de A. un jeune toxicomane à qui le billet de Paris a été offert, un participant s’étant cassé la jambe la veille du départ. Même s’il n’a pu tenir que les deux premiers jours à Paris et qu’il a dû rentrer précipitamment en raison de son état de manque, A. a désormais de nouveaux amis qui pourront peut-être l’aider un jour à s’en sortir. Un homme qui s’est dit touché par l’accueil qui lui a été fait.

Autre «invité-surprise» rencontré à la gare, Urs, un jeune protestant alémanique rentrant de vacances et qui a bénéficié d’un billet en «rab». Une petite dimension «œcuménique», comme celle qui a vu, vendredi soir à Ris-Orangis, ville où était logée une partie des Romands, un jeune royaliste proche de l’extrême-droite prier ensemble avec des immigrés de cette banlieue populaire et donner la main à une famille africaine.

Manifester la dimension universelle de l’Eglise

Philippe Collomb, 28 ans, de Fribourg, vient de terminer sa thèse de doctorat en chimie à l’Université. Il chante lui aussi les laudes le matin à la chapelle du Christ-Roi, de 7h15 à 7h45, avant de se rendre aux cours. Il voulait participer une fois à une grande rencontre de jeunes chrétiens. Certes, il a déjà participé à «Prier Témoigner», qui rassemble chaque année plusieurs milliers de personnes à Fribourg, mais il souhaitait voir le caractère international des JMJ. «C’était impressionnant, une semaine très dense, qu’il va falloir digérer… Il y a toujours quelque chose qui reste, il faut être patient pour voir les fruits».

Rachel Gautron, elle aussi, relève la dimension universelle de l’Eglise manifestée par le rassemblement de Paris: «On n’est pas les seuls à vivre notre foi, on voit que les autres la vivent aussi, de manière différente, mais c’est toujours la même Eglise».

Un électrochoc pour l’Eglise

Le Père Jean Emmanuel de Ena, sous-prieur de la communauté carme de Fribourg, voit encore une autre dimension de cette rencontre: «Il s’est passé quelque chose à Paris, un électrochoc pour l’Eglise de France, qui vit dans un pays largement déchristianisé, dans un pays de mission». Pour le religieux carme, dans nos pays sécularisés, l’Eglise doit cesser d’avoir peur et sortir de sa défensive. Beaucoup n’ont plus entendu parler du Christ, de l’Evangile. Pourtant, nombre de passants, dans la rue ont été interpellés par la manière dont les jeunes chrétiens étaient heureux et chantaient dans le métro «la joie d’être chrétien, tout simplement!»

Ces JMJ, remarque Dominique Rimaz, 29 ans, étudiant au séminaire diocésain de Villars-sur-Glâne, ont également fait tomber bien des préjugés qui subsistent entre les différents groupes et sensibilités catholiques. «Dès le départ, nous avons voulu faire l’unité et cela semble avoir réussi», note ce membre de la Coordination romande des JMJ. Une fraternité qui s’est aussi créée dans les moments plus pénibles, dans l’attente des heures durant sous la chaleur torride du Champ-de-Mars, les pieds collés par le goudron fondant, pour ne voir le pape qu’à distance, un instant fugace, saluer la foule de sa papamobile. Ou quand il a fallu trouver dans la nuit du Bois de Boulogne, au milieu de centaine de milliers de corps allongés débordant de partout l’hippodrome de Longchamp un rare emplacement pour poser son sac de couchage. Dans la poussière et les déchets. Sans se disputer. Réconciliation et fraternité, c’est cela aussi, l’esprit des JMJ. (apic/be)

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