Homélie du 25 juin 2023 ( Mt 10, 26-33)

Père Luc Ruedin – Eglise Saint-Joseph, Lausanne, VD

Chers frères et sœurs,

Une fois n’est pas coutume ! Dans un premier temps, plutôt que de prêcher la bonne Parole,  je vous propose un petit exercice spirituel en lien avec les lectures et l’évangile de ce dimanche :

  1. Je vous invite à fermer les yeux, à vous ancrer en sentant votre poids… Peu importe que vous soyez assis, chez vous, sur un lit d’hôpital ou dans une voiture… Devenez simplement conscient du poids de votre corps… Imaginez qu’il devient plus dense… Que, dans un mouvement intérieur, votre corps s’assoit en lui-même… Il devient « plein » tout en restant léger… Le contact que vous avez avec la chaise, le lit ou le siège vous y aide. Sentez-vous accueillis, enracinés, stabilisés. Sentez que cela vous invite à la confiance…
  2. Laissez maintenant remonter en vous les craintes qui sont les vôtres… Accueillez-les… Acceptez-les… Cependant ne vous identifiez pas à vos craintes… vous n’êtes pas elles… vous êtes bien davantage…
  3. D’où proviennent vos craintes, vos peurs ? De votre situation présente difficile ? De vos expériences douloureuses ? De vos appréhensions ? D’événements concrets et tangibles ? Ou bien proviennent-elles de votre imaginaire ? De votre fantaisie qui interprète et brode sur de petits événements que vous grossissez et ressassez ? Prenez un moment pour faire la différence… Percevez-vous la différence entre des événements réels qui vous ont atteint ou vous atteignent encore et votre imaginaire qui a interprété un événement anodin et qui s’emballe et entretient une crainte illusoire, non fondée ?
  4. Percevez surtout qui est au centre de vos préoccupations ? Vous-mêmes ou le Royaume de Dieu ? Vos craintes viennent-elles d’un souci excessif de vous-mêmes ou d’un zèle qui vous dévore pour la justice de Dieu ? Prenez le temps de faire la différence…
  5. Si ce sont des craintes qui gravitent autour de vous-mêmes et vous enferment…, offrez-les dans la confiance au Seigneur…, lâchez-prise… et dégagez-vous de vous-même pour… ouvrir un nouvel espace, un espace neuf dans lequel vous pourrez reconfigurer votre vie…
  6. Si ce sont des craintes liées à l’annonce du Royaume de Dieu… sentez leur nature, leur force, leur texture. Pourquoi apparaissent-elles ? Sont-elles le signe d’un danger pour vous ? Percevez surtout à quelle mission d’annonce de l’Evangile elles sont liées : révolte face à une injustice ? Défense du plus pauvre entrainant un conflit social ? Situation éthique où vous avez défendu la vie envers et contre tous ?

Voyez aussi quel relief spirituel surgit de vos prises de position éthique que vous avez assumées dans le passé. Votre identité liée à la relation avec Jésus-Christ en sort elle renforcée ?

Avez-vous goûté l’exercice ? Quels fruits recueillez-vous ? Sentez-vous que certaines de vos craintes sont autocentrées alors que d’autres proviennent de vos prises de position évangéliques ?

Jérémie et les disciples de Jésus, eux qui étaient des hommes justes, eux dont le Seigneur scrutait les reins et les cœurs, ont vécu cette expérience : découvrir que leur identité, leur vie était fondée non sur eux-mêmes, mais sur leur relation vivante avec Dieu.

Jérémie misait totalement sur Dieu

Jérémie était un prophète qui prêtait sa voix à Dieu. Il ne prédisait pas, tel un devin, l’avenir mais il  rappelait l’Alliance et son royaume de Justice. Dans la 1ère lecture, il rappelle les persécutions dont il a été l’objet : espions et dénonciateurs ont été continuellement à l’œuvre pour l’accuser à la manière des ennemis de Jésus qui cherchaient un prétexte pour le condamner. Même ceux qui se disaient ses amis ont comploté contre lui pour le faire périr. A la fin, pourtant il invite à chanter le Seigneur, à Le louer ! Pourquoi ? Car le Seigneur l’a délivré de la main des méchants ! 

Jérémie était un pauvre, un anawim. Dans la Bible un anawim est celui qui dépend entièrement de son Seigneur. Pauvre, car il ne s’appuye pas sur des richesses, des sécurités, des idées mais uniquement sur Dieu. Jérémie misait totalement sur Dieu dans une remise absolue de lui-même, dans une relation personnelle et confiante. Dans la lignée des pauvres de Yahvé, il occupe une place de choix. À sa manière, il  nous rappelle que, quand on s’efforce de vouloir le Bien en se laissant conduire par Dieu, l’on peut se heurter à l’échec ! Ne reste alors, in fine, plus que cette réalité nue éprouvée dans la déréliction mais si vive qu’elle envahit le champ de la conscience : Dieu EST !

De même dans l’Evangile du jour. Le passage que nous avons lu est tiré du « discours de mission » de Jésus. La puissance de Jésus s’est manifestée par Sa parole et ses gestes. Il a appelé les douze apôtres en les revêtant de sa propre autorité afin qu’ils assument leur mission d’évangélisation. Il leur promet l’assistance de la paix divine. Elle leur permettra d’affronter les persécutions. Souvent Jésus leur dit « à cause de moi » ou « à cause de mon nom ». Marqués par la force du Christ, ils sont dans l’assurance de sa Présence. La peur ne peut les envahir.

Sollicitude infinie de Dieu envers chaque créature

Pour vivre de cette paix, il nous faut discerner où nous nous tenons dans l’existence, à quel niveau nous nous situons. Au niveau de celui des hommes ou de celui de Dieu ! Est-ce la manière dont les hommes nous voient qui constitue la réalité de nos vies ou bien celle… dont le Père nous regarde ? De quel niveau surgissent nos craintes ? Redoutons-nous les jugements des hommes ou bien nous conduisons-nous d’après l’exigence de vérité et de justice à laquelle nous engage l’amour du Père et par laquelle, finalement, notre vie entière sera jaugée ?

Car l’Amour du Père, l’Amour de Dieu nous précède ! Notre vie ne vaut-elle pas plus que celle d’une multitude de moineaux ? Un moineau a peu de valeur aux yeux des hommes : on en vend deux pour un sou ! Pourtant son sort n’est pas indifférent au regard de Celui qui lui a donné l’être, le mouvement et la vie. La foi nous en donne l’assurance : Dieu exerce une sollicitude infinie envers la moindre de ses créatures.

Ainsi, l’évangile de ce jour nous invite à réfléchir sur les valeurs de nos vies : notre adhésion à Jésus, est-elle assez radicale pour que toute notre existence se déroule et découvre sa vérité par le regard aimant du Père ? Le discours d’envoi en mission s’adresse à tous ceux, toutes celles qui se découvrent personnellement appelés par le Christ. Dans quelle mesure sommes-nous vraiment ses disciples ? Quel prix sommes-nous prêts à payer, c’est-à-dire de quelle gratuité sommes-nous prêts à témoigner, pour répondre à la mesure de l’Amour de Dieu qui est sans mesure ?

Revenons à notre exercice spirituel. Revoyons nos peurs, nos craintes et discernons à quel niveau elles se situent. Deux questions simples peuvent nous y aider :

  1. Quelle importance prend dans notre vie le jugement des autres, le qu’en dira-t-on ?
  2. L’expérience de l’Amour miséricordieux a-t-il des effets dans notre vie ? Quel zèle nous anime alors pour vivre de témoigner du Royaume de la Miséricorde ?

Être disciple du Christ, c’est passer du premier au second niveau. Là est la liberté ! Amen.

12e dimanche du Temps ordinaire
Lectures bibliques : Jérémie 20, 10-13 ; Psaume 68 ; Romains 5,12-15 ; Matthieu 10, 26-33

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