CatéGPT, l'intelligence artificielle au service de l'Eglise

L’intelligence artificielle peut-elle être un outil d’évangélisation? Plusieurs applications tentent aujourd’hui de le démontrer. En Suisse-romande, un collectif de jeunes catholiques a mis en route CatéGPT pour donner des réponses ›fidèles au catéchisme». Entretien avec l’un de ses concepteurs Nicolas Torcheboeuf.

Le projet de CatéGPT est né dans le cadre du collectif ›Jeunes et Familles catholiques’ qui s’est fait connaître en début d’année 2023 à Genève. Le collectif annonce trois motivations: fidélité à l’Eglise du Christ et à l’enseignement des successeurs de Pierre; soutien à l’évêque du diocèse de Lausanne-Genève-Fribourg, Mgr Charles Morerod, et au travail pastoral des prêtres et enfin le témoignage de foi dans la société.

Qui est à l’origine du projet CatéGPT?
Nicolas Torcheboeuf : Cet outil est développé ici en Suisse Romande, nous sommes deux personnes sur ce projet qui est à l’origine une simple initiative personnelle pour essayer d’explorer les capacités de chatGPT dans un domaine très précis. Cet outil a été développé sur notre temps libre. 

Comment et pourquoi cette idée a-t-elle germée?
CatéGPT a vu le jour suite à une réflexion au sujet de l’Eglise actuelle. Nous pouvons voir deux tendances: une qui se fonde sur les textes de l’Eglise et qui tente de se conformer à son enseignement et l’autre qui va plus travailler du côté de la pastorale et qui, dans un souci d’ouverture, va chercher à adapter les positions de l’Eglise au temps actuel tout en restant dans un cadre catholique. De façon schématique nous avons une tendance conservatrice et l’autre progressiste.

Une femme non-mariée de 40 ans peut-elle devenir diacre ?
Le site catholique américain The Pillar avait posé la question: ›Une femme non-mariée de 40 ans peut-elle devenir diacre ?’ à l’intelligence artificielle Magisterium développée par des Canadiens qui était tombée dans le panneau en ommettant de rappeler l’article du droit canon qui l’interdit. CatéGPT fait nettement mieux en expliquant: «Selon la doctrine de l’Église catholique, seuls les hommes peuvent être ordonnés diacres. Cependant, il existe diverses discussions et débats sur la possibilité d’ordonner des femmes au diaconat.» Avant de développer une argumentation selon les Ecritures, les Pères de l’Eglise, le magistère et les papes. MP


Nous voulons montrer qu’il est possible de se tourner vers la technologie pour démontrer la cohérence et la justesse de l’enseignement catholique, depuis les Saintes Ecritures jusqu’à l’enseignement des papes successifs, en passant par les docteurs de l’Eglise et les conciles.
Il y a un grand manque de formation religieuse aujourd’hui, même du côté des catholiques pratiquants. Qui va de nos jours lire une encyclique ou une constitution dogmatique pour avoir une réponse à ses questions? Tout le monde n’a pas le site du Vatican dans ses favoris internet. Nous avons voulu rendre ces textes accessibles à tous ceux qui auraient la curiosité pour recevoir une réponse à leurs questions de la manière la plus conforme possible à la doctrine catholique.

Le projet a-t-il l’accord ou le soutien d’une autorité ecclésiale?
Nous n’avons pour le moment aucun financement, ni soutien ecclésial. Mais nous avons déjà parlé de ce projet à des personnes du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF) en vue d’une potentielle collaboration. Des influenceurs tels que le frère dominicain Paul-Adrien sont au courant du projet. Mais jusqu’à présent il n’était pas encore assez avancé pour envisager une réelle collaboration.

Quelles sont les sources de référence?
Tout le projet réside à ne chercher ses références que sur le site du Vatican. Cette contrainte que nous avons fixée nous permet de certifier une la fiabilité des sources. Il existe une quantité de textes incroyable sur ce site, et CatéGPT se veut un moyen d’exploiter cette masse de données inouïe. N’ayant pas de biais particulier, l’intelligence artificielle est capable de citer des homélies ou d’autres textes un peu oubliés mais qui traitent justement du sujet demandé.

Quel intérêt à vos yeux par rapport à un ‘chat’ humain comme il en existe déjà pas mal?
C’est une neutralité plus certaine et surtout une capacité d’analyse de données massives assez incroyable. Avec cependant quelques problèmes, par exemple dans le glossaire du Catéchisme de l’Eglise catholique sur le site du Vatican on trouve beaucoup de liens morts, vers des articles qui ont changé de nom ou n’existent plus. Parmi les références que donne CatéGPT, il y a parfois des liens qui ne fonctionnent pas.

Sur quel modèle économique le projet entend-il se péreniser?
Nous voulons utiliser un modèle similaire à chatGPT : un ›prompt’ en ligne sur lequel les gens peuvent se familiariser avec l’outil et poser leurs questions. Et pour les développeurs nous mettons à disposition une API (cate-gpt.com/documentation) qui leur permet de récupérer des données structurées. Cette API exigera un abonnement payant. De plus nous voulons également donner la possibilité d’intégrer par exemple des plugins javascript  sur des sites web ou encore développer une application de téléphone. Tout cela nécessitera un abonnement pour financer ce projet.

Comment une intelligence artificielle  donc désincarnée peut-elle atteindre son public?
Avec tous ces outils nous espérons toucher un public assez large, étant conscient qu’il commence à y avoir de la concurrence dans ce domaine, même dans le monde catholique. Mais c’est plutôt positif, cela montre un attachement au magistère, comme le montre le nom de l’ AI canadienne Magisterium. (cath.ch/mp)

Un outil performant mais…

L’émergence d’avatars religieux de ChatGPT n’a rien d’étonnant aux yeux des spécialistes. «ChatGPT est un outil très performant pour trouver de l’information, un peu comme Google, en plus puissant. Mais comme Google, on peut bien ou mal s’en servir», relève Stève Bobillier. Interrogé par le quotidien 24H, le philosophe note que «le risque ici est de prendre les réponses comme «parole d’évangile», sans y appliquer de sens critique. Un texte, y compris religieux, a toujours une interprétation. L’IA en donne une, et ce n’est pas forcément la plus cohérente.»
«La prolifération des IA très ciblées comporte le risque d’accentuer un phénomène qui existe déjà, celui des espaces numériques où certains groupes ne font que renforcer leur propre vision du monde», renchérit Olivier Glassey, sociologue spécialiste des usages du numérique à l’Université de Lausanne. MP

Maurice Page

Portail catholique suisse

https://www.cath.ch/newsf/categpt-lintelligence-artificielle-au-service-de-lenseignement-de-leglise/