Homélie du 24 septembre 2023 (Mt 20, 1-16)

Abbé Gaëtan Joire – Eglise Saint-Joseph, Lausanne, VD

Dieu ne cesse de nous appeler à aimer !

L’autre jour, je me rendais à la première rencontre de l’année de mon Équipe Notre Dame dont nom est « La Côte 3 » et en traversant les magnifiques vignobles de la Côte, et je me disais : « Ça y est ! Je suis arrivé au Ciel ! Me voici dans le Royaume des Cieux Vaudois ! »
La Côte, Vully, Chablais, Lavaux, Calamin Grand Cru, Dézaley Grand Cru, Bonvillars et Côtes de l’Orbe ! Vous les avez tous reconnus, ceux sont les huit appellations d’origine contrôlées qui composent le vignoble de notre canton, véritable géographie du Royaume des Cieux Vaudois !

La Cité céleste comparée à un domaine viticole

Royaume des Cieux non seulement parce que le vin est bon, mais aussi parce que Jésus dans l’évangile compare la Cité céleste à un domaine viticole, dans lequel les ouvriers sont appelés à vendanger ! Appelés à travailler à la vigne, tellement abondante que le maître embauche non seulement dans la fraîcheur du petit matin mais aussi de nouveau à neuf heures, midi, trois heures et même à cinq heures de l’après-midi. Et de façon totalement surprenante, tous reçoivent le même salaire : un denier de l’époque, une pièce d’argent ! Aussi bien les derniers arrivés tout comme les tout premiers, qui ont longuement travaillés sous le soleil et la chaleur écrasante ! Les réactions ne se font pas attendre : « C’est injuste, j’ai travaillé beaucoup plus que ceux qui ont commencé à cinq heures ! » Réactions humaines que l’on peut comprendre aisément, mais le maître ne change pas sa décision : « Je ne suis pas injuste envers toi. N’as-tu pas été d’accord avec moi pour un denier ? Prends ce qui te revient, je veux donner au dernier venu autant qu’à toi : n’ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mes biens ? C’est ainsi que les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers. »

Passer d’un regard extérieur et superficiel à un regard intérieur


Mais quelle est cette surprenante logique ? Combien elle nous paraît étrange si on la regarde humainement. Nous aurions tôt fait d’appeler les syndicats, de nous mettre en grève, de manifester avec nos gilets jaunes !

« Mes pensées ne sont pas vos pensées » nous rappelle le prophète Isaïe dans la première lecture, nous sommes appelés à changer, à entrer dans la logique de l’évangile. Appeler à transformer notre regard humain en regard divin, de passer d’un regard extérieur et superficiel à un regard intérieur et essentiel, d’un regard spontané et émotif au regard de la foi ! Et cela nous est rendu possible, non pas par nous-même et nos propres forces, mais parce que nous sommes tous appelés par Dieu ! Appelés à aimer ! C’est-à-dire à tout recevoir de Lui pour tout Lui redonner ! Appel de Dieu à aimer ! Ouvrier de la première heure comme celui de la dernière heure ! Appel à aimer qui se renouvelle chaque jour dès l’aurore mais aussi à neuf heures, midi, trois ou cinq heures ! Appel à aimer qui n’est autre que l’appel à la sainteté !

Envoyés pour aimer Dieu et son prochain

Vous avez peut-être entendu parler récemment de la famille Ulma ? Dimanche 10 septembre dernier pour la première fois dans l’histoire de l’Église, une famille entière a été béatifiée et reconnue collectivement comme martyre. Les parents Ulma et leurs sept enfants, fusillés en 1944 par les Nazis, sont un magnifique exemple de l’aide offerte par les Polonais aux juifs pendant la seconde guerre mondiale. Déjà reconnus comme « Justes parmi les Nations » en Israël, Jósef, Wiktoria et leurs sept enfants – dont un à naître- ont donnés leurs vies à Dieu, exécutés avec les huit membres de la famille juive qu’ils hébergeaient chez eux, de façon cachée, depuis un an et demi. Ils savaient qu’ils risquaient leur vie mais ont décidé d’agir, par amour en accueillant chez eux dans leur maison toute une autre famille persécutée. Quel courage ! Toute une famille qui répond à cet appel de Dieu à aimer : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ! » C’est une façon de répondre à cet appel de Jésus dans la parabole de la vigne de ce dimanche, envoyé pour travailler à la vigne ! Envoyé pour aimer Dieu et son prochain !


Bien entendu, l’exemple d’amour de cette famille nous paraît peut-être difficile à reproduire, peut-être hors de notre portée, mais rien n’est impossible à Dieu ! Nous sommes constamment appelés à aimer Dieu, à aller travailler dans sa vigne, dans les grandes choses comme dans les petites choses. L’amour de la famille Ulma était d’abord vécu dans les petites choses du quotidien, vivre l’hospitalité et l’accueil, partager son toit, préparer un bon repas, chaque petit geste vécu dans une ambiance de famille, les a préparés à poser un geste d’amour plus grand, plus héroïque, qui a valeur d’exemple et qui nous encourage à renouveler le don de nous-même. Frères et sœurs bien-aimés, le vin est le signe de l’amour de Dieu, la vigne est le signe de la présence de son Royaume, demandons la grâce d’un cœur disponible et libre pour écouter cet appel de Dieu à aimer et à y répondre généreusement. Bonnes vendanges !

25e dimanche du Temps ordinaire
Lectures bibliques : Isaïe 55, 6-9 ; Psaume 144 ; Philippiens 1, 20-27 ; Matthieu 20, 1-16

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