Burundi: Malgré l’Accord entre le gouvernement et le CNDD, la paix est encore loin
Bujumbura/Rome, 26 mai 1997 (APIC) Le conflit qui ensanglante le Burundi se poursuit, malgré les efforts secrets de médiation entrepris à Rome par la Communauté de San Egidio. Selon des informations en provenance de Bujumbura, les préliminaires de ces tractations secrètes – rendues publiques par le président burundais Pierre Buyoya le 13 mai dernier – seraient actuellement bloqués. Un porte-parole de la Communauté San Egidio a précisé lundi à l’agence APIC que pour le moment il ne s’agit que de « débroussailler le terrain ». Aucune amorce de cessez-le-feu n’est en vue, mais des signes d’espoir sont tout de même là.
A San Egidio, une communauté catholique réputée pour sa médiation dans les conflits du Mozambique et de l’Algérie – l’on veut rester discret. On précise simplement qu’il y a bel et bien discussion entre les différentes parties en conflit. Pour l’instant, « on commence vraiment à parler du fond du problème et à entrer dans le vif du sujet ». Les discussions devraient cependant reprendre dans quelques semaines. A la Mission permanente du Burundi auprès des Nations Unies à Genève, on n’en savait pas plus lundi: « Nous avons seulement lu sur Internet que des négociations avec toutes les forces burundaises devraient avoir lieu à Genève, peut-être le 14 juin, sous l’égide de l’UNESCO, avec le soutien de l’Union Européenne, mais nous n’avons rien reçu d’officiel de Bujumbura ».
Pour sa part, Léonce Ndarubagiye, chef du cabinet du Conseil National pour la Défense de la Démocratie (CNDD) de Léonard Nyangoma – représentant la résistance armée hutue – a affirmé ce week-end que son mouvement ne participera pas à la Conférence de paix prévue le mois prochain à Genève, car l’UNESCO, qui a organisé la rencontre, « n’est pas un médiateur adéquat ».
C’est sous la houlette San Egidio que se rencontrent depuis plusieurs mois des représentants du gouvernement du major Pierre Buyoya – qui a pris le pouvoir au Burundi le 25 juillet dernier en renversant le président élu Sylvestre Ntibantuganya (issu de la majorité hutue) – et les rebelles hutus des FDD (Forces pour la Défense de la Démocratie). Emanation du CNDD, les FDD livrent une bataille acharnée contre les forces de défense et de sécurité publique, à dominante tutsie.
Le président Buyoya déclare espérer que ces rencontres créeront des conditions à l’ouverture du dialogue entre tous les Burundais pour la paix et la réconciliation. Il s’agit aussi pour le président putschiste d’arriver à une normalisation avec les pays voisins afin d’obtenir la cessation de l’embargo (déjà allégé) qui frappe son pays depuis le coup d’Etat de juillet dernier.
Accord pour la mise sur pied d’un Tribunal Pénal International
L’Accord conclu à Rome le 10 mars dernier porte, « pour le gouvernement en place au Burundi », la signature de Bernard Barandereka; pour le CNDD celle de Léonce Ndarubagiye; pour la Communauté de San Egidio celle d’Andrea Riccardi. Les parties s’engagent à « identifier les problèmes et les causes du conflit burundais ». Elles veulent aussi s’accorder sur « les mécanismes qui garantissent le rétablissement de l’ordre constitutionnel et institutionnel, la cohabitation pacifique et la protection de toutes les composantes de la population du Burundi, la cessation des hostilités et l’arrêt des violences ». Dans le paragraphe sur le fonctionnement de la justice, les signataires demandent la mise sur pied d’un « Tribunal Pénal International chargé de juger les actes de génocide et autres crimes politiques commis au Burundi depuis l’indépendance ». Il s’agira également d’identifier « l’idéologie du génocide, sa proscription et les mécanismes de répression ». Les extrémistes tutsis ont déjà mis en garde le président Buyoya contre la tentation de traiter avec les « hordes de génocidaires ».
Les combats continuent
Même s’il ne fait pas la une des journaux, le Burundi continue à vivre sous haute tension: des « poches d’insécurité », où l’on signale de nombreuses victimes, subsistent dans le sud du pays, dans les régions de Bujumbura Rurale, de Cibitoke, de Bubanza et de Rutana. Le ministre de la défense a débuté une campagne de défense civile à Bujumbura, et des cours d’autodéfense sont donnés aux fonctionnaires et à des habitants de la ville.
Les témoins sur place signalent toujours des tirs la nuit dans certains quartiers de Bujumbura, comme la semaine dernière à Kinama, des arrestations arbitraires et silencieuses dans les camps de réfugiés de Bujumbura. Nombreux sont ceux qui craignent la résurgence des bandes armées avec le retour des réfugiés hutus. Certains commencent à repeupler le quartier de Kamenge, d’où ils avaient fui après les massacres consécutifs à l’assassinat par des militaires du premier président burundais démocratiquement élu, Melchior Ndadaye, un hutu, en octobre 1993.
Les troubles interthniques qui s’ensuivirent causèrent la mort de dizaines de milliers de personnes, et provoquèrent l’exode de plus d’un million de réfugiés et de déplacés. Son successeur, Cyprien Ntaryamira, allait aussi trouver une fin tragique, deux mois après son arrivée au pouvoir, le 6 avril 1994, dans l’attentat qui coûta également la vie au président rwandais Juvénal Habyarimana. Cet attentat allait déclencher un véritable génocide contre les tutsis et les hutus modérés dans le pays voisin, le Rwanda, et bouleverser l’équilibre de toute la région des Grands Lacs. (apic/bia/com/be)
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